Le cours d'écriture a pour but de faciliter l'expression écrite. Pour cela il est demandé aux étudiants de produire par groupe de deux une série de pages (une par jour) dont la totalité finira par former une sorte de feuilleton ou de mini-roman. Un programme vous est offert afin d'en coordonner la production et d'en contrôler la progression grammaticale. Une place essentielle est cependant réservée à votre esprit d'invention qui seul saura mener à bien le fil de l'histoire des personnages qui auront retenu votre attention.

Dans ces pages d'écriture, l'étudiant s'efforcera d'incorporer les points présentés par ses professeurs. Leur réintroduction immédiate dans un texte écrit reste, me semble-t-il, le plus sûr moyen de les mieux maîtriser.

....Imaginons deux amies. Elles ont treize ans, peut-être quatorze. L'une d'elles a un correspondant. Elle est entrée en communication avec lui par l'entremise du journal Spirou, je crois. Mais elle constate qu'elle n'aime pas tellement écrire, et puis, ce garçon est trop sérieux à son goût. Alors, tous les trois conviennent que l'autre jeune fille prendra la relève.

....L'échange de lettres commence. La fille et le garçon parlent de leurs études, de leur famille, de leurs lectures, de leur entourage, de leurs vacances. Peu à peu, ils glissent vers la confidence, racontent leurs émois d'adolescents, expriment leur idéal, comme les gens de leur âge disent à cette époque. Entre eux, un lien précieux se noue. En fait de garçons, elle ne connaît pour ainsi dire que ses frères — c'est avant le temps des écoles mixtes — et ses frères n'ont pas d'amis " intéressants ". Pour cette fille un peu sauvage, ce garçon-là est juste à la bonne distance. Il habite loin, à une heure de voiture. Il est proche puisqu'il est attentif.

....Plusieurs mois passent, un an peut-être. Le garçon trouve que, une heure de route, ce n'est plus si loin. Il annonce sa visite, avec un ami. Où pourraient-ils se rencontrer.? Le rendez-vous est pris pour un dimanche après-midi dans un restaurant du centre-ville.

....Ils se voient. Ils se parlent. Et s'écrivent ensuite, chacun, une seule lettre.

....Je crois qu'ils se sont trouvés moins beaux que leurs mots le laissaient entendre. Entre eux, il n'y a pas eu de rupture. Plutôt un effilochement, un recul définitif devant l'épreuve du réel. Au fond, leurs lettres étaient une œuvre d'imagination. Ils ne se sont pas revus. Elle ignore où il est, ce qu'il est devenu. Et ne tient pas du tout à le savoir. Mais les lettres qu'elle a reçues de lui, il y a trente ans, ont survécu aux ménages qu'elle a faits dans sa vie, dans ses relations intimes, dans ses histoires secrètes. Elles dorment toujours au fond d'une boîte. Du moins, je le pense.
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....Ecrire, c'est aussi donner vie à des sentiments, des sensations. Il faudra donc s'efforcer de montrer et pas seulement de dire les sentiments des personnages en les faisant agir et réagir à travers des situations. Pour cela nous travaillerons, à l'aide d'exemples, la description, le portrait, les comparaisons, le dialogue, la persuasion, les rêves, les lettres. Simultanément, nous étudierons les différents articulateurs afin de donner à votre écrit le plus de nuances et d'agrément possibles.

....L'essentiel repose, cependant, sur votre faculté d'inventer. Aussi laissez-la vous guider au travers de structures stylistiques qui ne sont là que pour donner une forme supérieure à votre imagination.

....Dans Cahiers Jean Giraudoux, Jules Brody, de l'université de Harvard, rappelait ".l'importance du signe dans le langage littéraire. Il y a une grande différence, écrit-il, entre le langage littéraire, qui est fait de signes, et le langage ordinaire, qui est fait d'indications. Les indications sont analytiques et finissent par se perdre plus ou moins dans la confusion et l'approximation. Le signe est synthétique, il ramasse le sens de tout ce qu'il porte en lui, et le rend perceptible par une sorte de commotion. Le langage du signe a quelque chose de magique, quelque chose d'une opération de sorcellerie.."