Travaux des stagiaires de l'été 2001
Suzanne
ARAKGI Projet numéro 1
Kristin
BRADLEY Projet
numéro 2
Jennifer COX Projet numéro 1
Meghan
Hazard Projet numéro 1
Marya INNIS Projet numéro 2
Sarah MURRAY Projet numéro 2
Michelle Taffe Projet numéro 1
Shauna WALSH Projet
numéro 1
Sylvia
WESCHE Projet numéro 2
Court
Projet numéro 2
Landry Projet numéro 2
Marianne Projet numéro 2
Marilyn Projet numéro 2
Nina Projet numéro 2
Olivia
Projet numéro 2
Haut
de la page,Court,
Jennifer,
Kristin,
Landry, Marianne,
Marilyn, Marya,
Meghan
,
Michelle, Nina,
Olivia, Sarah,
Shauna ,Suzanne,
Sylvia, Ateliers
écriture
Michelle
TAFFE et Meghan HAZARD
Projet
numéro 1
Une vue intéressante du Pont Neuf
...........Le soir, après le dîner, Jean-Marc a l'habitude de se promener. Flânant tranquillement dans les rues de Toulouse, il peut réfléchir, penser, s'inspirer de la beauté de cette ville complexe, à la fois historique et moderne. Depuis longtemps une ville universitaire, Toulouse réunit l'art, la technologie, la recherche, et la joie de vivre. Son mélange de méridional, de montagnard, et de gascon crée une culture diverse, intéressante, unique. C'est une ville qui plaît énormément à Jean-Marc. Etant photographe, et cherchant toujours de nouveaux sujets à photographier, il regarde d'un œil précis l'architecture toulousaine, les enfants jouer dans le Jardin des Plantes, les gens assis sur les terrasses des cafés. Créateur, intelligent , et un peu distrait, il voulait être photographe depuis son enfance, même si c'était contre les idées de son père. Possédant un grand talent, à l'âge de 35 ans, il commence déjà à se faire connaître comme photographe important. Ce soir il fait un temps splendide ; dans le ciel, un coucher de soleil magnifique irise la couleur rose des briques des immeubles. Etant arrivé au Pont Neuf, il se retourne ; c'est la fin de sa promenade et il rentre.
...........En arrivant chez lui, il tombe
sur Sophie, sa voisine de palier. Ayant l'air hagard et portant plusieurs sacs
de provisions, elle essaie d'ouvrir la porte. Perdue dans ses pensées, elle
ne remarque pas tout de suite Jean-Marc. Cherchant ses clés, tout en fouillant
dans son sac à main, elle laisse tomber un des sacs en plastique et Jean-Marc
se précipite pour le ramasser.
........... - Merde ! Ah, merci bien, Jean-Marc.
Comment vas-tu ? Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus. Qu'est-ce que tu
deviens ?
........... - Depuis ma dernière exposition, je
suis bloqué. Je pense faire un voyage, peut-être en Chine ou en Amérique du
Sud. Je crois que j'ai besoin de changer d'horizons. Et toi ? Il me semble que
tu travailles beaucoup ces jours-ci.
........... - Ben oui. Disons que j'ai un métier
difficile, mais passionnant. Aider les gens qui sont malades est essentiel.
S'il n'y avait pas de médecins, qui s'occuperait des malades ? Il en faut, des
médecins !
........... - Toujours sur la défensive, Sophie
! Que ton métier soit intéressant, c'est sûr. Je ne te fais pas de reproches…Arrêtons
de nous disputer ; si on allait prendre un pot ? Puisque ça fait si longtemps
qu'on ne s'est pas vus, ce serait une bonne idée, non ?
........... - Je veux bien, mais pas ce soir ;
je suis trop fatiguée. Après la journée que j'ai passée…Mais vendredi je vais
dîner chez Claire et Luc. Luc prépare sa spécialité : de la paella. Tu veux
venir ? Ce serait amusant. Et en plus tu n'as pas vu les enfants depuis longtemps.
Marie et Georges sont si grands ; il faut que tu les voies !
........... - Je pense que je serai disponible.
Oui, en principe, j'accepte. Tu veux qu'on y aille ensemble ? - D'accord. Je
serai de retour à environ 7h. Il .faut se laisser
le temps de passer chez le fleuriste avant de partir. Tu sais que Claire adore
les oiseaux de paradis ; je veux lui en offrir.
........... - D'accord. A samedi soir, alors. Essaie
de ne pas trop travailler !
...........Malgré la bonne volonté de Jean-Marc,
Sophie passe une semaine assez difficile à la clinique. Heureusement, la clinique
où elle travaille n'est pas loin de son appartement et le trajet qu'elle doit
faire est assez court. Au moment même où elle vient d'arriver chez elle, Jean-Marc
sonne à la porte.
........... - Salut, Sophie, tu es prête ?
........... - Non , pas encore, puisque je viens
de rentrer. J'ai besoin de deux minutes.
...........Jean-Marc s'installe dans le salon
pour attendre. L'immeuble dans lequel se trouve cet appartement date du 18ème
siècle. C'est un vieil appartement qu'on a modernisé dans les années soixante-dix.
Depuis qu'elle y habite, Sophie a fait remplacer les fenêtres et elle a fait
refaire la cuisine et la salle de bains. Reflétant le style personnel de Sophie,
l'appartement est d'un décor simple et élégant. En attendant, Jean-Marc allume
le poste de télévision pour voir la météo. Après quelques minutes, Sophie sort
de sa chambre, vêtue d'une robe noire.
........... - Paraît qu'il y aura quelques nuages
demain.
........... - Ah bon ?
........... - Oui, le présentateur vient de dire
qu'il fera un peu frais demain aussi.
........... - C'est dommage, mais en tout cas je
dois passer quelques heures à la clinique parce que j'ai quelques dossiers à
lire. On y va ?
En sortant de chez elle, Sophie jette un coup d'œil autour de son appartement
pour s'assurer que tout est en ordre. Satisfaite de ce qu'elle voit, elle ferme
attentivement la porte à clé.
...........Ils montent l'Avenue Alsace Lorraine et traversent pour acheter les fleurs chez le fleuriste qui se trouve à gauche. Après les avoir achetées, ils continuent leur chemin, montant toujours l'Avenue Alsace Lorraine jusqu'à La Place Wilson, où ils prennent l'Allée Jean Jaurès. Connaissant si bien le chemin, ils ne regardent même pas le nom des rues. A la Rue Belfort, ils tournent à gauche pour arriver à la Rue Corot, où Claire et Luc habitent depuis la naissance de Marie, leur fille aînée, âgée de quatre ans.
...........Jean-Marc et Sophie sonnent et Claire
répond, accompagnée de Marie. Curieuse mais timide et regardant les invités
d'un œil méfiant, la petite fille se cache derrière sa mère. Sophie essaie de
briser la glace :
........... - Salut Marie !
La fille s'enfouit davantage dans les plis de la jupe de sa mère.
........... - Mais Marie, qu'est-ce que c'est que
ces manières ? Dis bonsoir à Sophie puisqu'elle te parle. Tu la connais bien,
tu n'as pas besoin de faire la timide.
........... Marie lance un « bonsoir » rapide et
se sauve dans la direction de la cuisine. Haussant les épaules, Claire reprend
:
........... - Il faut l'excuser. Depuis qu'elle
va à l'école, elle est timide avec les gens qui ne font pas partie de la famille.
Mais je suis contente de vous voir. Tiens, justement, Jean-Marc, je veux que
tu fasses la connaissance de notre nouvelle voisine que nous avons invitée ce
soir. C'est une céramiste. Etant donné que tu es photographe, vous auriez peut-être
beaucoup en commun. Et elle ne connaît pas encore beaucoup de monde à Toulouse,
puisqu'elle vient d'y emménager.
.......... - Je suis contente que pour une fois,
Claire, ce n'est pas pour moi que tu joues à l'entremetteuse !
...........- Oh, Claire, je n'ai pas besoin qu'on
me trouve des copines ! Mais ne t'inquiète pas ; je tâcherai d'être gentil pour
te faire plaisir.
...........Pendant que Claire place les fleurs dans un vase, Jean-Marc et Sophie entrent dans le salon où Luc parle avec les autres invités : Nicolas, jeune homme sérieux qui fait des recherches, et Martine, la voisine céramiste. Malgré ce qu'il vient de dire à Claire, Jean-Marc remarque tout de suite ses cheveux roux et son sourire ambigu.
...........Luc les présente à Martine et leur offre un apéritif. Ensuite, ils reprennent la conversation.
...........- Alors Nicolas, comment ça s'est passé,
ton voyage aux Etats-Unis ?
...........- Très bien, merci Sophie. J'y suis
allé pour assister à la conférence d'un médecin qui vient de faire de grands
efforts et des progrès dans la recherche pour le cancer. C'était très intéressant,
mais le voyage, par contre, c'était autre chose.
...........- Comment ça ?
...........- Quand je suis allé à l'agence de voyage
pour acheter mon billet, la jeune femme qui m'a aidé était tout étourdie. Je
lui ai dit qu'il fallait absolument que j'arrive le 18 à cause de ma conférence.
Elle m'a dit qu'elle était désolée mais que le vol était déjà complet. Je lui
ai dit que ce n'était pas possible, que j'étais bien en avance pour faire des
réservations, que peut-être elle a fait une erreur et je lui ai demandé si je
pouvais parler avec son patron.
...........- Nicolas, toujours trop sévère !
...........- A vrai dire, je préfère 'précis' plutôt
que 'sévère'. En tout cas, son patron a entendu ce que je disais, il s'est approché
d'elle pour voir ce qui se passait. Elle lui a dit que ce monsieur-là (moi)
n'avait pas confiance en elle, que je l'avais offensée, que je ne la trouvais
pas capable de faire son travail. Son patron a pris un moment pour regarder
l'écran et il lui a dit qu'elle s'était trompée tout simplement de date. Il
m'a demandé comment il pouvait me renseigner. Paulette, c'était son nom, rougissant,
s'est levée pour s'excuser et son patron a pris sa place pour faire mon billet.
Cette pauvre jeune femme était si gênée d'avoir fait une telle bêtise.
...........- Enfin, tu l'as eu, ce billet ?
...........- Oui, malgré l'inefficacité de cette
femme.
...........Après, la conversation tourne vers l'étape
récente du Tour de France et la nouvelle émission 'Loft Story'.
...........Plus tard à table, Claire essaie de
faire démarrer une conversation entre Jean-Marc et Martine.
........... - Jean-Marc et Martine, vous êtes tous
les deux artistes, dit Claire. C'est une coïncidence, n'est-ce pas ? Ensuite,
une pause lourde de sens de la part de Claire.
........... - Ah bon ? Que fais-tu Martine ?
........... - Je suis céramiste. Et toi ?
........... Claire, l'air soulagé, se tourne pour
parler à Sophie, et Jean-Marc et Martine continuent la conversation :
........... - Moi, je suis photographe. J'ai eu
une grande exposition il y a un an maintenant. Mais depuis j'ai du mal à trouver
ma muse. D'habitude, je me promène le soir parce que ça me fait du bien de sortir,
voir la ville, réfléchir, tu sais ? Mais aussi parce que j'attends d'être frappé
par quelque chose.
........... - Oui, je comprends. Le travail d'un
artiste ne vient jamais facilement. Tu sais qu'il y a une expo de photographies
à la Galerie Municipale du Château d'eau ? Comment s'appelle-t-il déjà…Dieu…
........... - Dieuzaide. Oui, enfin, je comptais
y aller la voir, mais je n'en ai pas encore eu l'occasion.
........... - On pourrait peut-être y aller ensemble?
........... - C'est une bonne idée. Tu sais, la
galerie est tout près du Pont Neuf, qui fait partie de ma promenade. Tu veux
qu'on y aille demain soir, disons, 18h30 ?
........... - D'accord. Rendez-vous au Café des
Artistes à 18h15. Claire, qui faisait semblant de ne pas écouter la conversation,
sourit à elle-même.
...........De retour chez elle après la soirée
chez Claire et Luc, Sophie va chercher le courrier qu'elle a laissé dans sa
hâte avant de partir. Entremêlée dans les prospectus et les factures se trouve
une lettre de sa mère. Sophie ouvre l'enveloppe et un chèque tombe par terre.
Sophie lit rapidement le mot de sa mère et en se préparant une tisane, elle
se demande pourquoi sa mère insiste pour lui envoyer toujours de l'argent :
........... - Je ne vois pas pourquoi elle le fait
chaque mois. Je gagne bien ma vie. C'est peut-être sa façon de partager ce qu'elle
a avec moi, mais elle pourrait me rendre visite ! Elle n'est pas venue une seule
fois depuis que j'habite dans cet appartement. C'est toujours moi qui monte
à Dijon la voir. Même si je l'invitais, elle ne viendrait pas. Quand j'aurai
des vacances, j'insisterai qu'elle vienne…
...........Le lendemain, quand Jean-Marc arrive
au Café des Artistes, Martine est déjà là en train de terminer un verre de vin.
Se promenant dans toutes les petites rues de Toulouse qu'il connaît par cœur,
Jean-Marc explique à Martine son manque d'inspiration. Après son exposition
très acclamée des Toulousains, il a vendu plusieurs photos, et les critiques
favorisaient ses œuvres. Mais Jean-Marc lui-même trouvait un manque de vérité
dans ses photographies. Ses photographies lui semblaient superficielles, elles
jouaient bien avec les couleurs, les ombres et les lignes, mais il leur manquer
un rapport essentiel plus grand.
........... Sans s'en rendre compte, Jean-Marc
se dirige vers le Pont Neuf et sa vue préférée de Toulouse.
........... - J'habite juste de l'autre côté de
la Garonne. J'allais préparer une omelette… si on dînait ensemble?
........... Jean-Marc, sans répondre, se penche
par dessus le parapet, attiré par quelque chose de curieux qu'il voit sous le
pont. Tout d'un coup, il sort son appareil photo et commence à cliquer. Près
de la rive du fleuve flotte ce qui ressemble à une jambe. Jean-Marc, fasciné
par ce cadavre, prend furieusement des photos de ces jambes aux pieds nus et
au pantalon tout collé comme formant une seconde peau.
........... - Mais qu'est-ce qu'il y a ?
........... - Il y a un cadavre. Je descends.
........... - Quoi ? Mais tu plaisantes ? Oh, mon
Dieu, attends ! Qu'est-ce qu'il faut faire ?
........... Bouleversée par ce qu'elle entend et
à la suite de ce qu'elle voit, elle fouille dans son sac pour son portable.
........... - Mais qu'est-ce que tu fais ? Il faut
appeler la police. Oh, mon Dieu, je vois ses jambes !
........... Jean-Marc descend les escaliers pour
voir de plus près. Les jambes de ce cadavre noyé grimpent la banque qui permet
Jean-Marc de voir le corps entier. Il aperçoit que c'est une femme, assez jeune,
aux cheveux longs tout dégoulinant d'eau et de vase. Il continue à prendre des
photos, dégoûté par ce putride décomposition, mais incapable de se séparer de
ces images de la mort. Il a envie de voir son visage, l'expression d'un être
qui n'a plus de vie. Il la prend par son bras et la tourne soigneusement. Jean-Marc
est effectivement étonné par l'expression que cette femme lui donne. Ses yeux
qui n'ont plus de couleur, vide, regardent fixement à quelque chose qui n'existe
pas. Sa bouche ouverte garde l'envie de respirer malgré la boue qui tombe goût
à goût vers son cou. A travers son appareil photo, il remarque son peau blanc,
presque gris qui lui fait frissonner. Il lui semble que la couleur autour de
lui n'est plus rose mais gris, réduit par les couleurs de mort.
........... - Oh, mon Dieu, mais qu'est-ce que
tu as ? Oh, je vais être malade. Les flics arrivent tout de suite. Ils vont
le prendre pour un fou.
........... Jean Marc s'approche du cadavre et
ajuste l'objectif de son appareil photo sur le visage de cette femme. A travers
l'objectif il voit le visage de la mort, mais il n'a plus peur, car cette immortalisation
de la mort lui parle de la vérité de la vie.
* * *
...........A la gendarmerie, l'Inspecteur Paul
Miniconi, assis à son bureau, parle au téléphone. La tête posée sur la main,
il écoute avec une attention soutenue. De temps en temps, il intervient pour
préciser.
........... - Alors, vous n'avez vu personne d'autre
sous le pont à ce moment-là ?
........... Alain Dumontet, partenaire de Paul
depuis cinq ans, entend la voix cinglée de la femme paniquée à l'autre bout
du fil.
........... - Oui… Oui … Pardon, Madame, vous pouvez
répéter ? Plus lentement cette fois-ci.
........... Paul gratte furieusement sur un cahier,
essayant de noter tout ce qu'elle dit. Alain l'observe de près ; évidemment,
il s'agit d'un événement important. Que cette femme inconnue ait vu quelque
chose d'extraordinaire est sûr.
........... - Madame, s'il vous plaît, ne touchez
à rien. Restez sur place ; nous arrivons tout de suite. Et comment vous appelez-vous
?
........... Paul raccroche, n'écrivant plus sur
le papier. Alain l'interroge :
........... - Pas de nom ?
........... - Non. Elle a raccroché avant que je
puisse l'avoir. Prends vite ta veste : il y a un cadavre sous le Pont Neuf.
Je doute que tu sois à la maison de bonne heure ce soir…
........... Tout en roulant à toute vitesse dans
les rues de Toulouse, Paul met Alain au courant de tout ce qu'il sait, ce qui
n'est pas encore beaucoup. Alain jette son mégot par la fenêtre et allume aussitôt
une autre cigarette. Quand ils arrivent au pont, ils voient un jeune couple,
déjà entouré de gendarmes. Une foule de gens curieux commence à s'assembler
aussi. Ils écartent les spectateurs afin de pouvoir s'approcher de la scène.
Bien qu'ils comprennent la curiosité des spectateurs, elle rend toujours leur
travail plus difficile.
...........Dans la voiture de police, Jean-Marc
regarde ailleurs, ses pensées fixées sur les yeux distraits de cette jeune fille.
Qui était-elle ? Comment s'appelait-elle ? Qu'est-ce qu'elle cherchait ? Quel
âge avait-elle ? Est-ce qu'elle était heureuse ou troublée ? Comment a-t-elle
réussi à connaître la mort à cet âge-là ? Est-ce qu'elle s'est suicidée ? Est-ce
qu'un amant jaloux s'est vengé lui et a volé sa vivacité?
........... Au commissariat Jean-Marc et Martine
doivent remplir des formulaires pour décrire tout ce qu'ils ont vu.
........... - J'arrive pas à comprendre ce que
tu as fait là-bas. Toutes ces photos, c'était presque une violation de son identité.
En tout cas, ils ont confisqué ton appareil photo - tu aurais dû savoir qu'ils
feraient ça.
........... - C'est juste…j'ai vu quelque chose….
........... Martine est partie avec une amie à
elle. Bouleversée par cette expérience, elle voulait absolument partir immédiatement.
Jean-Marc sait déjà que le mieux serait qu'ils ne se revoient plus, qu'elle
ne voudrait plus le revoir. N'ayant plus envie de se promener, Jean-Marc téléphone
à Sophie pour qu'elle vienne le chercher au commissariat . Quand elle arrive,
elle ne dit rien. Elle n'avait jamais vu Jean-Marc si distrait, si perdu, si
touché par quelque chose. Après quelques minutes de route, elle lui propose
de rester chez elle ce soir-là, au cas où il aurait besoin de quelque chose,
ou de quelqu'un. Jean-Marc ne répond pas, mais quelques instants plus tard il
commence à s'ouvrir à Sophie.
........... - Il est douteux que tu arrives à comprendre
ce que j'ai vu ce soir, mais il faut que je fasse un effort pour expliquer quand
même. Tu vois, ce que j'ai vu était plus qu'un cadavre. Il y avait quelque chose
de fascinant qui m'attirait chez cette jeune femme. J'ai usé toute ma pellicule
- j'ai pris des photos de son corps entier, des gros-plans de son visage, de
sa bouche, de ses pieds, de ses ongles…Il y avait quelque chose qui me disait
qu'il fallait que je m'arrête, peut-être que c'était Martine derrière moi qui
criait, « Mon Dieu ! Mon Dieu ! » mais j'étais incapable de m'arrêter. La police
a pris mon appareil. C'est normal, je suppose, mais je veux ces photos. Tu sais,
j'ai rencontré la mort ce soir. Ces photos représentent toute ma compréhension
de la vie, de la mort, de ce qui est vrai.
........... Malgré les dix années d'expérience
de Paul, il n'a toujours pas l'habitude de voir la mort. Aussi sensible qu'au
début de sa carrière, Paul a du mal à accepter que les jeunes meurent d'une
manière violente. De retour au commissariat, Paul demande à Alain de vérifier
le fichier des personnes portées disparues au cas où quelqu'un aurait laissé
le nom de cette jeune fille. Une demi-heure plus tard, Alain revient ; Paul,
qui a l'air un peu rêveur, est toujours à son bureau. Il sursaute quand Alain
lui parle :
........... - Ça y est, Paul. Le plus dur est fait.
Il y a déjà un rapport pour une jeune fille qui correspond plus ou moins à celle
que nous avons trouvée ce soir. Tu veux téléphoner aux parents, ou tu veux que
je le fasse ?
........... - Non, je peux le faire. Tu l'as fait
la dernière fois. Et je sais que ta femme t'attend à la maison. Rentre ; je
m'occuperai de ce coup de fil.
........... Après la conversation difficile avec
les parents de cette jeune fille, Paul va à la morgue pour les rencontrer. Il
s'agit bien de leur fille, qu'ils n'avaient pas vue depuis deux semaines. Après
une absence de deux jours, ils avaient fait une déposition au commissariat.
Pendant que la mère sanglote, le père explique à Paul qu'il y avait quelque
chose qui troublait leur fille depuis quelques mois, mais ils n'avaient jamais
compris sa douleur. Ils avaient tout essayé pour la rendre heureuse. Il semble
à Paul qu'il s'agit bien d'un suicide. Paul comprend leur perte; malheureusement,
il a déjà rencontré cette situation chez d'autres familles. Les circonstances
changent, mais pas les émotions provoquées par la mort d'une jeune personne.
Après avoir exprimé ses condoléances, Paul les quitte et retourne à son bureau
pour dresser le procès verbal. Il ne veut rien laisser pour le lendemain, car
qui sait ce qui arrivera ? Il fait toujours de son mieux pour compléter les
formulaires avant de partir chaque soir. Cette nuit-là, Paul dort très mal,
faisant des cauchemars à cause des photos prises par ce jeune photographe.
........... Le lendemain, Paul et Alain vont ensemble
examiner l'appartement de la jeune fille. La concierge ouvre la porte, et elle
les accompagne pendant leur visite. C'est un petit appartement au troisième
qui donne sur la rue aux Poissons. Paul ouvre les volets pour laisser entrer
le soleil afin qu'ils puissent mieux voir. De la fenêtre, il aperçoit le Pont
Neuf. Alain et lui fouillent un peu partout en essayant de découvrir un peu
plus de la vie de cette jeune fille. Ils regardent les livres sur les étagères,
les papiers dans les tiroirs du bureau et les photos dans la chambre. Dans toutes
les photos, ils observent des visages souriants ; tout le monde a l'air vraiment
content. Pourtant, Paul remarque qu'aucune des photos ne contient une image
de cette jeune fille. Les autres dans sa vie étaient heureux, mais pas elle.
A part son absence dans les photos, il n'y a aucune indice sur la cause de la
douleur de cette jeune fille. L'appartement est propre ; tout est en ordre.
La concierge montre des signes d'impatience, mais Paul fait semblant de ne pas
la voir. Une heure plus tard, Alain et Paul quittent ce logement qui n'offre
pas d'explication. Pourquoi s'est-elle suicidée ?
........... En descendant les escaliers, Alain
pose quelques questions supplémentaires à la concierge. Tout d'un coup, Paul,
traînant un peu derrière les autres, aperçoit un bout de papier blanc sous la
paillasse qui se trouve devant la porte de la voisine de la jeune fille. Intrigué,
Paul se penche et extrait une enveloppe par en dessous. La lettre est adressée
tout simplement à « Mme Gomez », mais écrite d'une main plutôt enfantine. Paul
l'ouvre et lit :
........... Ma chère voisine,
........... Avant mon départ, je voudrais vous
remercier pour tout ce que vous avez fait pour moi. Vous m'avez toujours écoutée
avec tant de tendresse. Adieu.
........... Votre voisine qui vous aime,
........... Emilie
........... Paul appelle Alain. C'est la preuve
dont ils avaient besoin pour classer cette mort comme un suicide. Las, mais
soulagé d'avoir trouvé ce mot, il descend dire la nouvelle à Alain. Quand la
famille aura su tous les détails, ils pourront commencer à accepter cette tragédie.
...........En se brossant les dents, Jean-Marc
observe son visage dans le miroir. Son air hagard ne le surprend pas. Depuis
qu'il a été témoin de cette scène affreuse, il dort mal et il ne mange guère.
Il aimerait parler à quelqu'un, mais à qui parler ? Qui comprendrait cette image
à la fois terrifiante et touchante ? Martine ne veut plus le voir, comme si
c'était de sa faute à lui. Jean-Marc comprend que cela lui fait de la peine,
mais elle est la seule personne qui a vu la même chose que lui. Il a déjà eu
une dizaine de messages de Sophie. Même s'il est à la maison à chaque fois qu'elle
téléphone, il ne décroche pas. Tout en écoutant sa voix à elle pendant qu'elle
laisse encore un autre message au répondeur, il regarde par la fenêtre. C'est
une bonne amie, mais elle voit la mort de son point de vue de médecin. C'est
normal. S'il pouvait lui montrer les photos, peut-être qu'elle comprendrait.
Mais il doute que la police ne les lui rende. Ce sont des images perdues pour
de bon, et c'est cela qui rend cette situation encore plus troublante pour Jean-Marc.
Depuis dix ans, il archive soigneusement toutes ses pellicules. L'absence de
celle-ci marque l'absence de clarté dans sa vie personnelle. Pourquoi une jeune
fille se donnerait-elle la mort ? Justement, s'est-elle donné la mort ? Jean-Marc
ne voit pas d'autre possibilité. C'est l'expression qu'il a photographiée qui
le lui dit. Il en est presque sûr. De nouveau, la sonnerie du téléphone rompt
le silence dans l'appartement de Jean-Marc. Il laisse répondre le répondeur
:
........... - Jean-Marc, ici Sophie. Si tu es là,
décroche… S'il te plaît, Jean-Marc, j'ai besoin de te parler… Bon, alors, tu
dois être sorti. Dès que tu seras rentré, tu me téléphoneras, d'accord ? Je
suis à la clinique jusqu'à 6h, alors appelle-moi au 05.61.42.23.07. Après, j'aurai
mon portable : 06.61.18.03.36.
........... Mais Jean-Marc n'entend que la moitié
du message, car il sort en claquant la porte.
........... Sophie s'inquiète énormément. Depuis
qu'elle a ramené Jean-Marc du commissariat, elle n'a plus de nouvelles de lui.
On dirait qu'il s'est enfui. Rentrant de la clinique, elle vérifie que son portable
est allumé. Elle ne veut pas manquer l'appel au cas où il téléphonerait. La
sensibilité de Jean-Marc avait toujours touché Sophie. Il est différent des
autres hommes. C'est ce qui donne à ses photos une qualité spéciale. Observant
qu'il n'y a pas de messages, elle se met à marcher plus vite pour arriver chez
elle le plus vite possible.
........... Montant l'escalier, elle entend quelqu'un
tousser. Imaginant que c'est Jean-Marc, elle monte l'escalier quatre à quatre.
Elle ne veut pas qu'il entre avant qu'elle n'arrive sur le palier. A sa grande
surprise, ce n'est pas Jean-Marc, mais un grand homme aux cheveux châtains qu'elle
ne reconnaît pas tout de suite. Pourtant, quand il la regarde, elle sait où
elle l'a vu : au commissariat.
........... - Bonsoir, lui dit-elle, d'un ton douteux.
........... - Bonsoir, Mademoiselle, vous n'auriez
pas vu M. Jeannot par hasard ? J'ai quelques questions à lui poser.
........... Sophie se demande pourquoi il n'est
pas accompagné de son partenaire. Quand elle le regarde, elle reconnaît le regard
dans ses yeux, car c'est le même que Jean-Marc avait ce soir-là au commissariat.
Elle comprend qu'il ne s'agit pas d'une visite officielle. Il a besoin de parler,
tout autant que Jean-Marc qui fait de son mieux pour se cacher d'elle. La tristesse
qu'elle observe dans ses yeux à lui la touche. Il est évident qu'il prend son
travail au sérieux.
........... - Non, mais j'aimerais bien savoir
où il est, moi aussi. Je ne l'ai pas vu depuis quelques jours… Mais si on prenait
un café en attendant son retour ?
........... Surprise par sa propre impudence, elle
rougit et balbutie aussitôt :
........... - Ah non, bien sûr que non, vous êtes
très occupé… vous n'avez pas le temps de prendre un café. Mais je pourrais dire
à Jean-Marc que vous êtes passé le voir…
........... - En fait, répond-il, je ne suis pas
pressé et j'aimerais bien un café. Et en plus, il est essentiel que je parle
à votre voisin. J'ai des nouvelles qui l'intéresseront. Mais je ne veux pas
vous ennuyer…
........... - Non, pas du tout. Entrez, je vous
en prie…
........... Sophie laisse son sac plein de dossiers
près de la porte et entre dans la cuisine afin de préparer le café.
........... Tous les deux sont surpris par la facilité
avec laquelle ils arrivent à se parler. Après une heure et demie, elle commence
à se demander si elle ne devrait pas l'inviter à dîner. Malheureusement, elle
n'a pas fait les courses depuis trois jours ; elle n'a que des pâtes et du fromage.
Tout d'un coup, une idée lui traverse l'esprit.
........... - Je crois que je sais où nous pourrons
trouver Jean-Marc. Si on faisait une promenade ?
........... S'approchant du Pont Neuf, ils voient
la silhouette d'un homme seul. Sophie se reproche de ne pas avoir deviné plus
tôt. Sophie appelle son ami :
........... - Jean-Marc…
........... Il a l'air un peu surpris de voir Paul
et Sophie ensemble. Ils ont l'air d'être de vieux amis ; il y a une complicité
entre eux qui semble tout à fait naturelle. Il sourit en les voyant s'approcher.
........... Satisfaite d'avoir finalement revu
Jean-Marc, Sophie laisse les deux hommes, prétendant qu'elle a du travail à
faire. A vrai dire, elle comprend qu'ils ont besoin de parler d'une expérience
difficile, angoissante, une expérience dont elle ne fait pas partie. Sa présence
serait de trop.
........... De retour chez elle, Sophie laisse
les dossiers dans son sac et remplit la baignoire. Pour la première fois depuis
des mois, elle se permet de prendre un bain et de se coucher de bonne heure.
...........Un mois plus tard, Sophie et Jean-Marc
dînent dans un de leurs restaurants préférés, La Mare aux Canards, rue Gestes.
Comme d'habitude, Jean-Marc prend le cassoulet et Sophie le magret de canard.
........... - Tu te rends compte, Sophie, ce sera
mon dernier cassoulet pour quelques mois. Je doute qu'il y en ait beaucoup en
Chine !
........... - Moi aussi, mais je suis sûre que
tu vas découvrir de nouvelles spécialités là-bas. Même si tu vas me manquer,
je suis contente que tu partes. Après toute cette histoire, une nouvelle aventure
te fera du bien.
........... - Oui, c'est peut-être le côté positif.
Si je n'avais pas fait une telle découverte sous le pont, je n'aurais peut-être
pas pris la décision de partir. J'étais si bloqué ! Cette expérience m'a forcé
à changer mes idées, à voir le monde différemment. Et en plus, tu n'aurais pas
fait la connaissance de Paul ! Ça va toujours aussi bien, vous deux ?
........... - Oui ! C'est un homme charmant et
sensible qui comprend que mon travail est très important pour moi. On s'entend
bien ; on se comprend ; on s'amuse. Ma mère me demande toujours quand je vais
me marier, mais je n'y pense même pas. Lui non plus, d'ailleurs. Je suis contente
de ma vie actuelle, alors je ne cherche rien d'autre. Mais sois sûr de m'envoyer
une carte postale de temps en temps, d'accord ?
........... - Bien sûr. Peut-être une photo de
moi sur la Grande Muraille ? - Oui, ce serait bien. Ou bien une photo que tu
auras prise toi-même ? Il est temps que tu recommences.
........... - Tout à fait.
...........Sophie et Jean-Marc rentrent à pied après avoir dîné. En route, ils passent le Pont Neuf sur la droite. Ce pont, qui a inspiré et qui a terrifié, n'est plus un objet important. Après cette conversation avec Paul ce soir-là, Jean-Marc n'y va plus. En passant par le Pont, ni lui ni elle n'y jettent même un seul coup d'œil.
FIN
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Jennifer,
Kristin,
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Marilyn,
Marya,
Meghan
,
Michelle, Nina,
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Sylvia,
Ateliers écriture
Eugénie-Thérèse de Falcou
Matignon
Neuilly
Neuilly, le 3 mai 1939 Ma très chère Roselyne-poppine,
...........Cela m'a fait tellement plaisir de
te parler la semaine dernière, sauf qu'on nous a coupé la communication si brusquement.
Malheureusement ce téléphone maudit ne marche jamais. Alors, je suis obligée
d'écrire et tu sais bien comme je le déteste - des taches d'encre un peu partout,
et je me sens tout à fait nulle en essayant de mettre mes pensées sur cette
feuille de papier trop grande et trop blanche !
...........En écrivant, le beau temps dehors m'attire
mais là je suis enfermée dans le grand bureau sombre de mon père, entourée de
tous ses livres poussiéreux sentant un peu l'écurie - et tu sais bien comme
j'aime lire… Je blague et tu le sais bien ! J'étouffe. Papa est parti déjà depuis
une semaine et ça sent toujours le cigare. Aux murs les portraits énormes de
nos ancêtres, encadrés en or, me jettent un regard critique. Je ne sais pas
comment ils peuvent rester figés ici. Moi je ne veux pas finir là !
........... Je viens de recevoir une autre lettre
de Théophile dont je t'ai parlé au téléphone. Sérieux et travailleur, il me
semble qu'il serait plus à l'aise que moi ici au bureau de mon père en compagnie
de Baudelaire et de Mauriac . Figure-toi, il m'a même écrit un petit poème !
........... « Etant loin de ton personnage mystérieux
/ Mes jours restent vides et laborieux … » Bof ! Je te demande ! Il m'a dit
qu'il joue aussi du piano à merveille, mais que de la musique classique. Il
ne sait même pas ce que c'est que le ragtime. Mais quand même il aime Spirou
alors tout n'est pas complètement perdu. Je me demande s'il aime danser. On
a la grande saison de bals qui nous attend - mais de toute façon il habite Biarritz
et ça c'est le problème. Tout après la fin de l'école nous descendrons
aux villas à St. Jean-de-Luz. Et moi, je ne veux vraiment pas me traîner trop
dans cette correspondance et assurément ne pas gaspiller trop de temps avec
lui. Il me faut un danseur, pas un musicien… et surtout pas un poète !
........... Toi qui es si calée, aimant tout ce
qui touche à l'intellectuel -- à la littérature, à la musique,
à l'opéra - tu veux bien me débarrasser de lui ? Il paraît qu'il est
beaucoup plus à ton goût qu'au mien, si je pouvais jouer un peu le Cupidon.
Je lui ai déjà parlé de toi et en me répondant cette dernière fois il a indiqué
qu'il aimerait bien te connaître… grâce à moi bien sûr ! Qu'en penses-tu ? Je
te passe ses coordonnées au cas où…
.......................................................
.....................................Monsieur
Théophile Plonplon
.......................................................
.....................................Le
Castelet
.......................................................
.....................................Rue
Victor Hugo
.......................................................
.....................................Biarritz
.............................................................................
......................................Grosses
bises,
Roselyne Grâce de Peyrecave
86 Avenue Foch
Paris
Paris, le 10 mai
...........Ma chère Génie,
...........Actuellement je me trouve dans la jolie
petite salle à côté de ma chambre - là où nous avions autrefois joué avec mes
poupées. Elles sont maintenant toutes rangées sur une étagère ; je ne les descends
presque jamais, sauf quand je veux les réarranger. Papa l'a tout joliment fait
refaire en petit bureau et je suis installée au mignon « bonheur du matin »
du dix-huitième. Rappelle-toi, il me l'a donné en novembre comme cadeau d'anniversaire.
J'adore vraiment ce petit meuble - et papa, bien sûr ! - et me sens un peu la
grande dame quand j'y suis assise afin de faire ma correspondance mon chocolat
chaud à côté.
........... Je me suis levée un peu tard ce matin
parce que nous sommes rentrés très tard hier soir du Garnier, où nous avons
vu l'Américaine, Mary Garden, qui chantait et jouait le rôle de Salomé de ce
nouveau compositeur, Richard Strauss. Elle l'a chanté vachement bien, et c'est
elle qui a fait elle-même la danse des sept voiles - tandis que tous les autres
sopranos qui joue ce rôle ont une ballerine qui prend leur place à ce moment-là.
Mme Garden l'a fait à merveille - mais plus tard ce qu'elle a fait avec la tête
de Saint Jean-Baptiste est tout à fait dégueulasse, si tu veux bien m'excuser
le mot. Je t'expliquerai quand nous serons à St. Jean, et tu vas en rougir,
tu vas voir !
........... J'ai porté la jolie robe en soie de
parme verte peinte à la main avec de petites roses, et maman m'a permis de porter
son petit collier de semence de perles. Maman me dit qu'avec le chatoiement
de la soie, allié a ma peau ambrée et à ma chevelure rousse, la robe me va à
merveille, et qu'elle m'est remarquablement flatteuse. Je ne le vois pas - mais
c'est assurément ma première robe de jeune fille, au lieu de celles d'antan
- mon enfance étant si éloignée ! L'opéra même - je parle du bâtiment - me plaît
toujours : le marbre, le velours rouge, les lustres, l'élégance de la grande
salle de bal où nous allons passer les entractes. Je me vois, même, chercher
un peu partout le fantôme, et en bas il y a une sorte de rotonde où on peut
faire de très beaux échos tout en se regardant dans les grands trumeaux qui
l'entourent. Ensuite nous sommes descendus avec Georges en Rolls chez Maxim
pour prendre une jolie glace ; alors moi j'ai pris une glace, papa son cognac
et maman sa petite Chartreuse. Ensuite nous sommes remontés toujours en voiture
par les Champs-Elysées afin de regagner l'avenue Foch. Quelle soirée agréable
! Mais tu en as déjà marre je crois.
........... Au sujet de ta lettre. Cela se voit
que même sans téléphone tu te débrouilles pas mal ! Et en plus il n'y a qu'une
seule tâche d'encre. Par exemple, tu te rappelles le moment où tu as renversé
la bouteille d'encre un peu partout sur la copie que tu venais de finir pour
le cours de Monsieur Deschamps ?
........... Pourtant tu ne joues plus le rôle de
coquette mais celui d'entremetteuse ? Mais vraiment tu voudrais maintenant arranger
ma vie ? Comment est ce que cela se fait que tu te trouves si souvent dans ces
situations si ridicules Génie ? Tu devrais penser avant d'agir si précipitamment.
Et si tout le monde faisait ainsi ? Quelle horreur alors.
........... Cela étant, parlons de ce jeune homme.
Bref, imaginons que je prenne la relève dans cette correspondance. Crois-tu
que je sois sans ressources moi-même ? Tu te souviens bien de Jacques de Mandat-Grancy
? Après tout ce n'était pas Apollon, mais il pouvait très bien monter à cheval
même s'il était un peu bête…Malheureusement à cause de l'accident qui lui est
arrivé le jour où nous faisions la course à cheval il est toujours en fauteuil
roulant et on ne sait pas s' il va pouvoir reprendre la parole. C'est triste
- je le revois de temps en temps avec son infirmier en me promenant aux Tuileries
-- mais revenons à nos moutons. Et si j'écrivais à ce Théophile ? Je voudrais
bien essayer. Mais cela ne garantit rien, tu sais. Alors, au travail !
.............................................................................
Je t'embrasse très fort,
Roselyne Grâce de Peyrecave
86, Avenue Foch
Paris
Paris, le 12 mai 1939
........... Cher Théophile,
........... Comme vous le savez déjà, je suis la
meilleure copine d'Eugénie-Thérèse de Falcou. Elle a eu la gentillesse de me
passer vos coordonnées de façon que nous puissions nous connaître. Sachant que
j'adore la littérature et la musique (l'autre soir une Salomé extraordinaire
chantée par l'Américaine Mary Garden au Garnier), elle pensait que nous aurions
peut-être beaucoup en commun.
........... Afin de me mettre un peu en relief,
moi, je suis en train de terminer ma dernière année de collège chez les bonnes
sœurs. On vient de lire Les lettres de mon moulin en classe… mais moi, je les
ai lues à l'âge de 11 ans et cela me fatigue de refaire ça, alors sous mon pupitre
je garde Les femmes savantes. Cette pièce ne me plaît pas beaucoup à cause de
la vision qu'a Molière sur les femmes qui aiment apprendre quelque chose en
dehors de la broderie. Un jour en classe je suis devenue si agitée que Sœur
Agnès de la Tour m'a mise dans le couloir afin que je me calme. Je commence
vraiment à m'ennuyer avec tous ces pingouins et j'attends avec impatience la
rentrée au Lycée Privé Passy Saint Honoré.
........... En fait, je descendrai bientôt dans
votre région. Ma famille passe toujours les grandes vacances dans la maison
de nos ancêtres à Saint-Jean-de-Luz. On vient juste de nous procurer les billets
de train. C'était vraiment le désastre à l'agence de voyages. Le monsieur nous
disait que ce ne serait pas possible en première… vous imaginez ! Nous serions
comme des harengs en boîte ! Après pas mal de discussion, mon père a réussi
à avoir de bonnes places en première… heureusement. On ne passera sûrement pas
toute une journée en train avec tous ces mufles. La chose qui me donne le plus
grand plaisir dans ces voyages c'est l'alimentation dans le wagon-restaurant
- là on tombe sur des repas vraiment exquis…que de luxe !
........... Notre maison de vacances est vraiment
superbe. En sortant de la gare, on prend toujours un carrosse qui nous amène
jusqu'à l'entrée de notre allée. A partir de là il faut continuer à pied en
montant plein de petites marches le long du chemin serpentant dans une jolie
colline. A droite on voit à perte de vue le bel océan. A la météo ce soir, on
a indiqué qu'il y avait de petits orages près de chez vous. Comme j'adore les
tempêtes d'été ! En haut des marches de marbre on aperçoit d'abord notre jardin
plein de rhododendrons, d'hortensias et plein de lavande bien sûr. On fait un
demi-cercle et le voilà. .. notre château en granit rose. Ma chambre se trouve
dans la tour de gauche et de là je peux voir le havre de la ville en bas avec
tous ses petits bateaux.
........... Mais je bavarde un peu comme ma petite
Génie… vous savez comme elle aime parler. Génie m'a dit que vous aimez beaucoup
le piano. Quel morceau en travaillez-vous en ce moment ?
........... Je vous prie de recevoir l'expression
de mes sentiments les plus distingués et j'espère bientôt recevoir de vos nouvelles.
Théophile Plonplon
Le Castelet
Rue Victor Hugo
Biarritz
Biarritz, le 17 mai 1939
........... Chère Roselyne,
........... Que vous m'ayez surpris avec votre
lettre, c'est sûr. Là dans notre maison un peu comme le château de Champignac
je me trouve souvent seul. Mon père voyage beaucoup et ma mère joue fréquemment
au bridge avec ses amies. Alors, vos mots ont bien rempli le silence. Actuellement,
je me trouve dans la grande salle de musique qui me sert de refuge Dans ma solitude.
Mozart, Brahms, et Bach me tiennent compagnie. Ce que j'apprécie surtout ici
c'est le sentiment du glissement de mes doigts le long du piano. Avant d'entamer
un morceau au piano je le caresse doucement pour éveiller mon esprit et mon
cœur. Aujourd'hui quand j'en jouerai je penserai à vous.
Roselyne Grâce de Peyrecave
86, Avenue Foch
Paris
Paris, le 15 juin 1939
........... Cher Théophile,
........... Comme j'aimerais bien vous entendre
jouer. J'apprécie au fond la passion que vous portez à la musique. Il n'y a
pas d'autres façons de s'y mettre après tout. Que vous ayez certainement du
talent va sans dire.
........... De mon côté, je regrette de ne pas
avoir répondu plus tôt… je passais un tas d'examens blancs afin de me préparer
aux examens de fin d'année. De plus il y a ma chère Georgette qui est toujours
sur mes talons. Il y a tant de choses à faire avant notre départ… Femme à tout
faire quand mes frères et moi étions petits et maintenant gouvernante, Georgette
ne veut pas que je grandisse. Elle voudrait que je la considère toujours comme
« ma petite nounou », tandis que moi je rêve de vivre les grandes aventures
que je trouve dans Spirou et Tintin… ou peut-être même chez les sœurs Brontë.
........... Vous avez lu Wuthering Heights ? Je
ne sais pas… mais je vous vois dans le rôle de Heathcliff. Mystérieux, intelligent,
et dirais-je beau et un peu costaud, il se dresse là, les cheveux châtains encadrant
son visage profond d'où ses yeux noirs me pénètrent d'un regard sombre. Mais
ça suffit…
........... Voilà Georgette qui m'appelle… la prochaine
fois que je vous écrirai ce sera de Saint-Jean-de-Luz.
..................................................................
En attendant de vos nouvelles.
Théophile Plonplon
Le Castelet
Rue Victor Hugo
Biarritz
Biarritz, le 22 juin 1939
...........Chère Roselyne,
...........Je ne sais pas si je serais à la hauteur
de vos rêves de ce Heathcliff. Que j'aie les cheveux châtains, les yeux disons
un peu exotiques et aussi l'esprit plutôt mélancolique, c'est vrai. Mais je
suis loin d'être un personnage romantique. Je suis vivant, moi… je n'existe
pas dans l'esprit d'une fille écrivain mais dans le monde réel, si je peux bien
vous taquiner un peu.
........... J'espère avoir bientôt de vos nouvelles
de Saint-Jean-de-Luz. Je souhaite que votre voyage se passe agréablement (sans
mufles !) et que le wagon-restaurant soit toujours celui de vos souvenirs.
........... Après notre joli échange de lettres,
et maintenant que nous nous connaissons assez bien, pourquoi ne pas nous tutoyer
? Qu'en pensez-vous ?
.............................................................................
Affectueusement,
Roselyne Grâce de Peyrecave
86, Avenue Foch
Paris
Saint-Jean-de-Luz 2 juillet 1939
...........Cher Théophile,
...........Si j'avais pu imaginer la chose la plus
étonnante et choquante de ma vie je n'aurais jamais prévu ce qui vient d'arriver.
J'étais dans la bibliothèque de mon père en train de chercher une belle feuille
de papier pour t'écrire et j'ai dû bousculer quelque chose qui a fait ouvrir
un petit compartiment caché dans le recoin de son bureau. Là dedans une lettre,
une photo et un beau mouchoir en dentelle brodée.
........... J'ai hésité un moment avant de la lire
mais en fin de compte je n'ai pas pu m'en empêcher. Et maintenant quelle langueur
pénètre mon cœur. D'abord, j'ai cru que c'était une lettre d'amour, tellement
sensibles étaient les paroles, mais à la fin je me suis rendue compte que c'était
une lettre d'adieu destinée à mon père et, impossible à croire, écrite par ma
vraie mère !
........... Dans cette lettre elle raconte sa rencontre
avec un beau marin un jour qu'elle me promenait au bord de la mer. Lorsqu'elle
l'a regardé elle a compris que sa vie changerait pour toujours. Il était évident
que pas beaucoup plus tard elle s'est enfuie avec lui et que cette lettre en
était l'explication. En plus elle lui a dit un très tendre adieu tout en le
priant de prendre soin de moi, leur petite fille.
........... La petite photo, quand je la mets à
côté de mon visage en me regardant dans la glace, me montre une ressemblance
inouïe !
........... Je ne peux plus écrire. Je ne sais
pas si je suis triste ou soulagée d'apprendre cette nouvelle mais comment maintenant
agir avec la dame que j'ai toujours prise pour ma mère et ce pauvre monsieur
abandonné? Dis-moi cher ami ce que je devrais faire. J'attends avec impatience
ta réponse.
.............................................................................
Ta chère amie,
Théophile Plonplon
Le Castelet
Rue Victor Hugo
Biarritz
..Biarritz, le 3 juillet 1940
........... Chère Roselyne,
........... Ça me rend heureux que tu sois de nouveau
si près de moi. J'ai trouvé les mois de ton absence difficiles. Même si on ne
s'est jamais vus, le fait que tu sois maintenant plus proche me soulage. Je
sais bien que ton année à Paris a été bien difficile à cause de cette nouvelle
situation familiale et de sa résolution. D'après tes lettres, ça se voit que
tout se remet en ordre et j'en suis content pour toi. Quelle année bouleversante
!
........... Je dois dire que j'ai de plus en plus
le sentiment qu'il faut que je fasse le trajet quoique Biarritz ne soit qu'à
une heure de St-Jean car le besoin de te voir devient beaucoup trop fort. Nous
sommes tous les deux devenus de si bons amis grâce à notre correspondance. Je
voudrais te parler en tête à tête… les limites de ce papier commencent à m'étouffer.
........... Si je venais avec mon ami Paul, on
pourrait se retrouver où ? Peut-être qu'avec la présence de Paul et de Génie,
ta Georgette ne s'y mêlera pas. Qu'est-ce que tu en penses ? Ecris-moi vite
- j'ai si hâte de te voir. J'aurai besoin de toutes les coordonnées car je ne
connais pas la ville.
.............................................................................
A très bientôt, j'espère,
Roselyne Grâce de Peyrecave
86, Avenue Foch
Paris
Saint-Jean-de-Luz 6 juillet 1940
........... Chère Génie,
........... Je viens de répondre à Théophile qui
m'a demandé de prendre rendez-vous avec moi ici. Il va venir avec son ami Paul
qui sera je pense un chevalier convenable pour toi. On verra. Je lui ai dit
qu'on pourrait se voir samedi prochain pour profiter du « Toro de fuego », notre
grande fête qui a lieu tous les samedis soirs à St-Jean comme tu le sais bien.
Je lui ai dit qu'il doit nous rencontrer au Café de la plage, là au bord de
la mer vers deux heures de l'après-midi. Peut-être ferons-nous une petite promenade
avant de manger.
........... Là je me sens toute nerveuse… j'apprécie
tellement la distance qui nous sépare mais qui nous rapproche aussi . Tu sais
bien comme je suis mal à l'aise en compagnie de garçons. Je crains toujours
de faire des bêtises. Je suis tout à fait contente que tu m'y accompagnes.
.............................................................................
Ta chère amie,
Roselyne Grâce de Peyrecave
86, Avenue Foch
Paris
Saint-Jean-de-Luz Le15 juillet 1940
........... Cher Théophile,
........... Je suppose que tout s'est bien passé
quand tu es rentré à Biarritz après le Toro de Fuego à Saint-Jean. Je me souviens
que quand j'étais petite je trouvais ça terrifiant. Cela se voyait que Paul
et Génie s'entendaient très bien, et Génie est maintenant en train de convaincre
sa mère qu'un trajet à Biarritz serait une bonne idée ! Tandis que moi, je sais
que Georgette ne me laisserait jamais faire ce genre de voyage, au moins pas
sans elle. Elle n'était pas vraiment contente que nous nous soyons vus comme
cela, et elle me fera revivre à jamais ce moment où nous nous sommes croisés
dans la rue. Tu n'étais pas très sage en lui parlant comme tu l'as fait.
........... En ce moment dans mon esprit se trouvent
des pensées très confuses. En fait cette histoire de ma mère et de son marin
me fait peur que je ne rencontre jamais ma grande passion. Toi et moi, nous
avons entre nous quelque chose de bien particulier, et je garde très précieusement
nos entretiens qui sont d'une solidité née de cette grande amitié que nous partageons.
Depuis que je t'ai vu et que j'ai réfléchi à notre rapport, j'ai l'impression
d'avoir pour destin celui d'être seule, et que toi, tu préfèrerais me garder
tout simplement comme confidente. Si je n'avais jamais appris l'histoire réelle
de mes parents, et que toi tu ne sois pas devenu si concret…
........... Chose intéressante : Je viens de recevoir
un coup de téléphone de Papa qui exige que je rentre tout de suite à Paris,
pour une raison qu'il ne voulait absolument pas discuter au téléphone. Cela
rend Georgette folle et je dois l'aider. Je t'écrirai dès que j'en aurai l'occasion.
.............................................................................
En hâte,
César-Léo de Mandat-Grancy
Annecy, le 12 octobre 2001
...........Quelque chose de remarquable. Aujourd'hui
en fouillant dans mon bureau (celui qui appartenait autrefois à mon grand-père,
le père de maman) j'ai dû appuyer sur un bout particulier de la ciselure et
un petit tiroir secret s'est ouvert. Dedans j'ai trouvé quelques lettres écrites
il y a maintenant cinquante ans par ma mère et ses amis à l'époque. Il y avait
aussi trois photos, prises je crois à la fête du « Toro de Fuego » à St.-Jean-de-Luz
- cette fête que j'aimais tant pendant mon enfance. Quelle fenêtre inattendue
sur le passée !
........... Ma mère m'avait toujours raconté que
pour elle la connaissance de mon père avait été le coup de foudre mais selon
les indications des lettres, il n'en serait rien ! Apparemment il a eu un accident
de cheval alors qu'ils faisaient une course. Il a été pendant quelques mois
dans un fauteuil roulant, paralysé, sans même pouvoir parler - de sorte que
c'est tout à fait extraordinaire qu'il soit aujourd'hui un pianiste très célèbre.
Actuellement il est à New York pour jouer le grand concerto de Tchaïkovski avec
l'Orchestre Philharmonique de New York. On dit toujours qu'il est le meilleur
depuis Van Cliburn à jouer ce concerto avec un vrai savoir-faire. Je me demande
comment ils se sont retrouvés, lui et maman, et comment ils se sont mariés.
Je vais peut-être poser cette question à maman la prochaine fois que je la verrai
à Paris.
........... Ce n'est pas que ça ne m'intrigue pas,
c'est que je trouve plus intéressant encore l'histoire d'elle et de mes « oncles
» Paul et Théophile que révèlent ces lettres. J'aime beaucoup leur rendre visite
à Cap d'Antibes, là où ils ont leur cabaret (celui qui a inspiré le fameux «
Cage aux Folles »). J'aime tant les moments où « Tante » Génie y arrive en vacances,
entre tournés de chant un peu partout. Elle a une si belle voix, et c'est évident
que tous les hommes l'adorent, particulièrement quand elle chante les chansons
de Bette Midler !
........... Cela explique pourquoi Papa ne veut
jamais nous accompagner à Cap d'Antibes. Et moi je le croyais toujours quand
il disait qu'il devait pratiquer. Quelle conversation j'aurai avec Maman - je
dois surtout ne pas oublier une jolie bouteille de sa Chartreuse (ce qu'aimait
aussi Mémé), afin qu'elle perde un peu sa réserve.
Roselyne de Mandat-Grancy
7, rue Monceau
75008 Paris
Paris, le 1er novembre 2001
...........Mon cher Théophile,
...........Je suis désolée de ne pas avoir pu te
parler tout à l'heure. J'étais si pressée parce que comme tu as remarqué j'étais
à ce moment là en train de partir pour l'aéroport afin de rejoindre ton père
à New York. Tu sais bien qu'il aime que je l'accompagne autant que possible
quand il voyage. C'était bien que tu aies fait une petite liste de tes questions
auxquelles je vais te répondre par écrit.
........... Comme ce tiroir a joué un rôle bizarre
dans mon histoire personnelle ! J'avais tout à fait oublié d'avoir mis cette
petite boîte là-dedans. Cela me rappelle tant de moments et de joie et de difficultés
que je trouve émouvant de mettre toutes mes pensées en ordre. Mais il faut bien
que tu comprennes un peu tout ce passé-là.
........... Au moment où je suis revenue à Paris
après ce dernier échange de lettres, j'ai rencontré par hasard ton père aux
Tuileries. Lui, il était toujours en fauteuil roulant mais il se portait déjà
beaucoup mieux, et nous avons parlé tout l'après-midi sans nous apercevoir du
temps qui passait. Ensuite nous nous sommes vus de plus en plus souvent, ce
qui semble l'avoir beaucoup aidé dans sa guérison. Je ne vais pas m'y appesantir.
Suffit à dire que cela nous a menés un jour au grand autel de Notre-Dame et
peu d'années après à ta naissance.
........... Moi qui pensais ne jamais trouver de
grand amour. Bien sûr que je me suis bien trompée et ton père et moi sommes
toujours aussi amoureux que jamais.
........... Quant à Théophile et Paul, nous sommes
restés, comme tu le sais bien, de très bons amis. Même si ton père n'a jamais
bien compris le rapport entre Théophile et moi, on s'est quand même mis d'accord
sur le fait qu'il serait ton parrain. Ça me fait grand plaisir de les voir toujours
si heureux ensemble. Et je suis très contente que tu t'entendes si bien avec
eux. (Et la petite Marie-Claude de Maricourt à qui ils t'ont présenté l'été
passé, ça continue toujours ?)
........... En fait quand je pense à ces lettres,
je me rends compte combien on était jeune à cette époque. On était juste au
début de la découverte de ce qu'on allait être dans la vie. Je n'aurais jamais
imaginé un tel destin à Génie mais c'est la vie. Je suis ravie du succès dont
elle jouit toujours. Il est triste quand même qu'elle ne se soit jamais mariée,
cependant elle a l'esprit tellement vagabond - ce qui explique un peu tout.
........... Alors, voilà qu'on annonce l'atterrissage.
Je te téléphonerai bientôt mais il vaut mieux que tu lises ces derniers détails
dans une autre lettre car c'est vraiment là qu'aboutit l'affaire.
..................................................................
Je t'embrasse très fort, mon petit chéri.
FIN
Haut de la page,Court, Jennifer, Kristin, Landry, Marianne, Marilyn, Marya, Meghan , Michelle, Nina, Olivia, Sarah, Shauna ,Suzanne, Sylvia, Ateliers écriture
Jennifer COX, Shauna WALSH et Suzanne ARAKGI
AFP : Céline est Morte
........Céline Dion, grande star et chanteuse canadienne, est morte. Trouvée dans sa salle privée à l'Olympia de Paris quelques minutes avant son spectacle de fin d'année, on soupçonne un crime crapuleux . L'inspecteur Clouseau, policier français, connu pour ses astucieuses enquêtes, fait ses recherches.
Cocotte Chanel, petite-fille de la couturière révolutionnaire française, Coco Chanel . Agée de 35 ans, Cocotte conçoit des costumes élégants et séduisants pour la vedette internationale Céline Dion.
Barbara Streisand, chanteuse américaine et grande amie de Céline. Barbara assiste à tous les concerts de son amie intime et chante même en duo avec la belle canadienne.
Roch Voisine, accompagnateur et mari de Céline. Chanteur canadien renommé, ayant grandi dans les neiges et les bois, il reste un gars simple. Roch est connu pour sa faiblesse pour le jeu .
Jean Lepage, 60 ans, gère les affaires de la riche Diva de la chanson. Ayant la complète confiance de Céline, il s'occupe de tous les détails de ses spectacles et de ses affaires.
Louise Dion, 23 ans, sœur de la chanteuse. Ayant récemment terminé ses études, Louise vient d'accepter la position d'assistante personnelle de Céline.
........A cause d' un horaire insupportable, j'aurais eu l'occasion de refuser l'invitation de mon cher ami, Roch Voisine, au dernier spectacle d'année de sa femme, la célèbre Céline Dion. Mais étant étudiant d'architecture française, je ne pouvais manquer cette chance de visiter le magnifique monument qu'est l'Olympia de Paris et d'entendre son orchestre émouvant. Comment est-ce que je pouvais savoir que je me trouverais dans un cauchemar qui impliquerait mon meilleur ami d'enfance, Roch Voisine.
........Vers 17h30, il prit
l'autocar en direction de l'Hôtel, se sentant triste.
........-Quel embouteillage ! J'espère que
vous n'êtes pas pressé Monsieur ? ........
........-Laissez moi au prochain coin de
rue, s'exclama Clouseau, j'ai besoin de marcher.
........Dimanche matin, en sortant de l'hôtel, je me suis trouvé face à face avec Louise Dion. Une jeune dame, très mince, aux cheveux noirs coiffés en chignon ; cela lui donnait l'air sévère de mon ancienne institutrice de première année. Si je ne l'avais pas su, je n'aurais jamais cru que Louise était la sœur de Céline Dion.
........- Mademoiselle Dion,
je peux vous parler, demanda l'inspecteur Clouseau.
........-Inspecteur Clouseau, je ne vous
avais pas aperçu s'exclama Mlle Dion. Comment est-ce que je peux vous aider
?
........-Vous reconnaissez que notre famille
passe par un mauvais moment, Mr. Clouseau !
........-Je m'excuse de vous déranger Mademoiselle
Dion durant une tragédie familiale mais je suis certain que vous voulez trouver
le meurtrier de votre sœur, explique l'inspecteur avec un soupçon de tendresse.
........- Eh bien je sais qui a tué ma sœur,
ce qui me surprend, c'est que vous ne l'ayez pas encore arrêté, attaqua Mlle
Dion, avec une expression raide.
........- Eclairez-moi. Je n'ai pas votre
habileté supérieure de déduction, dit Clouseau d' une voie moqueuse.
........Louise Dion le regarda,
ne sachant si elle devait continuer. Après un grand soupir, Louise décida de
continuer.
........- Samedi, vers 16h30, je suis passée
devant la chambre de Céline et j'ai entendu deux personnes qui se disputaient
à voix haute. La dernière chose que j'ai entendue, c'était Roch qui disait,
« Je te tuerai avant que tu divorces. »
........- Comment savez-vous que c'était
Roch Voisine ? demanda l'Inspecteur. ........
........-Mais voyons, je connais
bien la voix de mon beau-frère ! s'écria Louise Dion en partant.
........Clouseau jeta un coup d'œil à sa
montre, en se disant « j'ai l' impression qu'elle ne m'a pas tout révélé ».
........Pour s'éclaircir les idées l'inspecteur Clouseau décida de se promener le long de la Seine. Dans le rond de lumière jaune il distinguait une ombre sous un chapeau. Il marcha vers l'ombre et reconnut son ami Roch Voisine. Il avait l'air triste et fatigué, comme s'il avait passé une nuit blanche. Il me tendit la main. L'inspecteur la serra virilement, comme l'on serre la main d'un très grand ami. Le chapeau à la main droite et le mouchoir au front, se le tamponnant de temps à autre, Roch s'exclama :
........- Etouffante, cette
chaleur !
........- Ah oui, l'air de Paris est l'enfer
de tout Parisien ! Je peux te poser de petites questions ?
........- Je n'ai pas le temps maintenant,
répond Roch avec impatience.
........- Cela ne prendra que quelques minutes
! dit Clouseau d'une voix autoritaire, en bloquant toute sortie.
........- Dis-moi : - Est-ce que toi et
Céline vous vous êtes chicanés récemment ?
........AAvec
un regard de surprise,
Roch répondit :
........- Tu me soupçonnes ? Tu ne peux
pas penser pas que j'ai tué Céline ! ? Tu es un de mes chers amis.
........- Pardon ! Lorsqu'il y a un crime,
tout le monde est suspect, s'exclama son ami.
........- Bien sûr, comme chaque couple,
on avait des moments, donc je ne suis pas fier, mais pour la bonne part, nous
nous aimions. Pourquoi tu me poses une telle question ? demanda Roch.
........- Bien, Louise m'a mentionné que
vous avez eu une dispute très enflammée hier après-midi vers 16h30 et que Céline
était prête à divorcer, révéla l'inspecteur, en observant la réaction
de son ami.
........Stupéfait, il répondit :
........-Tu ne peux croire ce que Louise
dit, elle était jalouse de Céline. Elle dirait n'importe quoi pour causer du
trouble ! Oui, Céline et moi, nous avons eu une petite dispute. Je venais de
perdre quelques sous au jeu et elle n'était pas contente. On en a discuté et
on s'est calmés. Tu sais comment Céline est lorsqu'elle a un spectacle. Peut-être
devrais-tu orienter ton enquête sur de vrais suspects comme Cocotte Chanel.
Céline venait de la renvoyer comme couturière personnelle. Et maintenant notre
discussion est finie, j'ai beaucoup de choses à faire, si tu veux me parler
encore, téléphone à mon avocat. Sur ce, il partit. Tirant sur sa pipe, Clouseau
se dit :
........- Cocotte, Cocotte Chanel, petite-fille
de la fameuse Coco. Sa dernière robe pour Céline ? Qu'elle se laisse être remplacée
avec la même élégance qu'ont ses robes me semble être impossible.
........Tout entouré de fumée, il continua
à se dire :
........- Ce sera compliqué. Elle m'a semblé
un peu difficile l'autre jour à l'apéritif. Alors, certainement pas d'interrogatoire
par téléphone ; il faut la regarder directement dans les yeux. Peut-être que
je lui rendrai visite ce matin.
........Une demi-heure après,
en sortant du métro Saint-Germain des Prés, les vitrines brillantes de
la maison Chanel l'attirèrent et le menèrent à la porte en verre.
Les mannequins sophistiqués, mains tournées vers le ciel comme une invitation
à entrer, le fixent froidement de leurs regards. Il se dit :
........- Aurai-je le même accueil de Mlle
Cocotte ? »
........Il trébucha sur le seuil, faillit renverser un des mannequins. En se ramassant, des hauts talons beiges attrapèrent sa vue. Puis des jambes bien proportionnées menant à une jupe courte, taillée parfaitement, un veston classique Chanel, et enfin, le même sourire, le même regard froid des mannequins vint à sa rencontre.
........- Inspecteur Clouseau
? dit une voix calme et directe.
........- Mademoiselle Chanel ? Enchanté
de faire votre connaissance ; balbutia-t-il.
........Une rapide poignée de main et la
voix calme reprit :
........- Voudriez-vous me suivre dans mon
bureau ? On peut y discuter plus tranquillement cette triste tragédie, car je
suis sûre que vous venez pour en discuter. Elle se retourna. Clouseau galopait
pour la suivre.
........En entrant dans son bureau, Clouseau vit, affichées aux murs, des photos des célébrités avec la belle couturière.
........Pas mal, se dit-il, Elizabeth Hurley, Julia Roberts, Cameron Diaz, Jennifer Lopez. Mmmmm… Intéressant.
........La voix froide de
Cocotte l'interrompit :
........ - Monsieur, voudriez-vous boire
quelque chose ?
........ - Non, non, merci bien Mademoiselle,
répondit-il. Il vaut mieux commencer directement. Vous savez que c'est moi qui
suis chargé de l'enquête et que.…
........ - … Je sais seulement que la famille
Dion vous a choisi ; je l'ai lu hier dans le journal . Regard fixe. Lèvres serrées.
........ Il continua :
........ - … et que je voudrais vous parler
de vos affaires avec Céline ?
........ Seul son regard lui répondit. Après
un moment de silence, il reprit :
........ - Pourriez-vous m'expliquer votre
rapport avec Céline ? Sauriez-vous qui l'aurait voulue morte ?
........ - Tout simplement, je lui ai fait
des robes. De très, très belles robes et je vous assure, Monsieur, que ce travail
n'a pas été facile avec un corps aussi squelettique que le sien. Et avec un
goût si , si, disons, sous-développé. Mais, j'ai persévéré et j'ai conçu pour
elle des robes considérées les plus originales, les plus révélatrices. Qu'elle
soit la plus séduisante, la plus raffinée, cela, c'était mon but malgré
toutes les difficultés. Regardez cette photo ; il faut admettre que c'est la
robe qui fait la femme, termina-t-elle en se levant et en ouvrant un tiroir
de son bureau. Elle lui passa un cadre dans lequel il vit une photo des deux
femmes souriantes.
........Il inspecta la photo,
la lui rendit ; elle la remit dans le tiroir. Elle poursuivit :
........- Qui l'aurait tuée ? Vraiment,
Monsieur, je n'en ai aucune idée, sauf, sauf, laissez-moi réfléchir un moment.
Son visage devint plus grave, plus sérieux ; elle ajouta :
........Vous savez, j'ai entendu une conversation
téléphonique quand j'étais en train de faire les derniers ajustages de ses costumes
samedi matin. Tout devait être parfait, croyez-moi, ou elle refusait de porter
telle ou telle robe et ce qu'elle considérait la perfection, bien, cela changeait
comme le temps. Eh bien, le téléphone a sonné ; elle a répondu. C'était Jean
Lepage, je le sais car elle l'a salué d'une façon bien sèche. Elle s'est fâchée
directement ; le changement d'humeur s'est vite précipité. Je crois qu'elle
ne voulait pas que je l'entende. Elle a essayé de chuchoter, mais, vous savez,
quand on est juste à côté, on ne peut pas s'empêcher d'entendre. Eh bien, tout
ce que j'ai entendu, c'est ceci ; Elle a dit: « Jean , dis, qu'est-ce que tu
as fait ? Le compte, il est vide. Si tu n'as pas touché à cet argent, qui l'aurait
fait ? » Puis Céline a continué en lui disant : « Ecoute ! J'avais une confiance
totale en toi. Ah non. C'est fini. Non, non, je ne t'écoute plus, ah non ! »
Cocotte s'arrêta, elle respira profondément, puis elle continua:
........ - Là, elle a frappé la table avec
le récepteur, elle était tellement fâchée. ........
........Puis elle a ajouté quelque chose
comme : « Quand tu viendras cet après-midi, je t'en parlerai, mais je m'occupe
de mon concert et de mes robes maintenant. Oui, oui, je te verrai à cinq heures
mais franchement je ne peux plus compter sur toi. » Et c'est tout. Je vous assure,
que quand elle est retournée terminer le travail avec moi , bien, elle était
très agitée. J'ai eu du mal à la persuader que les robes lui allaient bien !
........Ils se regardèrent
dans les yeux ; Clouseau ferma les yeux et se dit :
........ - Alors, tout se retourne contre
Jean pour le moment. Mais vraiment, je crois que cette Cocotte n'a rien de plus
à me donner. Au moins me semble-t-elle être bien renfermée sur elle-même. Mais
je ne veux pas qu'elle soit trop à l'aise ; je la quitte en lui donnant une
pensée. Ouvrant ses yeux, il reprit la parole :
........ - Madame, je dois vous dire que
votre travail me plaît beaucoup et que Céline était toute ravissante dans vos
créations. Mais est-ce que vous pensiez changer de style - mettre quelque chose
de nouveau - pour son prochain concert ? Je veux dire, quel dommage de ne plus
pouvoir continuer à l'habiller. Ah, vous avez reçu beaucoup de presse ; les
journaux vous ont vraiment médiatisée, n'est-ce pas ?
........Elle se redressa immédiatement,
subitement. Puis, elle se calma et répondit sèchement :
........- Oui ; il faut admettre que dans
mes robes, Céline m'a fait de la publicité dans les journaux, dans les magazines
de mode. Mais je vous assure, Monsieur l'Inspecteur, que j'ai beaucoup de clientes
célèbres qui portent mes créations tout le temps. La médiatisation, cela m'arrive
avec chacune de mes clientes. Elle se leva, lui indiquant par là qu'elle voulait
mettre fin à cette interview. Clouseau lui tendit la main.
........ - Merci, Madame. Je sens que vous
avez peut-être perdu une grande amie. Il s'arrêta, mais il n'y eut pas de réponse.
Il ajouta :
........ - Je vous laisse, Madame. Je suis
certaine de vous revoir avant la fin de cette enquête. Vous resterez à Paris
?
........ -Bien sûr, c'est le moment de l'année
où nous préparons les collections de l'année prochaine. Au revoir, Monsieur,
mon assistante vous indiquera le chemin.
........Ceci dit, elle retourna dans son
bureau et à ses papiers. Clouseau se retrouva devant la porte et dans la rue
en peu de temps.
........L'inspecteur Clouseau l'attendait au coin de la rue à sept heures du soir. Il y avait des bourrasques de vent qui, balayant les nuages, les faisaient courir à la vitesse d'un cheval au galop. Les enseignes en fer grinçaient, les feuilles et les vieux bouts de papier poussaient, en glissant sur le trottoir, de longs gémissements. Il a regardé sa montre avec l'impatience d'un enfant qui attend un parent à sa sortie d'école après que tous les élèves sont déjà partis. Il ressentait en lui comme un serrement, mélange de peur et de joie car il allait peut-être résoudre le mystère qui le harcelait sans cesse.
........Jean LePage marchait
à toute vitesse quand il a laissé tomber son grand cahier. Il le tenait à la
main avec une expression de détermination, pendant que le vent, en redoublant
d'intensité, a fait s'envoler son chapeau.
........C'est à ce moment, que l'inspecteur
Clouseau a vu Jean Lepage pour la première fois, et il s'est demandé si cette
personne pourrait l'aider, ou s'il gaspillait son temps précieux. Il a essayé
de comprendre la raison pour laquelle Céline Dion portait en lui une telle confiance
puisqu'il gérait presque toutes ses affaires et ses spectacles. Jean avait l'air
embarrassé et confus, mais sincère à la fois.
........Jean Lepage est né en 1941 à Montréal
au Canada. Il avait eu une enfance très émouvante. Sa mère a été internée à
40 ans pour « Paranoïa schizophrénique ». Il était un enfant pitoyable à l'école.
A 15 ans il a pris des cours pour obtenir son brevet de pilote d'avion pour
ensuite s'engager dans l'aviation. Il a participé à la guerre. Après la guerre
il est devenu dépressif noyant ses souvenirs dans l'intoxication de médicaments.
Jean Lepage s'en est sorti réformé quand il s'est rendu compte qu'il
avait un amour pour les arts et la musique.
........L'inspecteur a invité Jean à prendre
un verre dans un bar. Ils se sont installés au fond de la salle là
où il n'y avait pas beaucoup de monde. En s'asseyant à sa table, l'inspecteur
a remarqué le beau complet porté par Jean, et son stylo Mont-Blanc, attaché
à sa chemise. Jean a respiré profondément, mis de l'ordre dans sa tenue, et
les deux hommes ont discuté du mauvais temps et du ciel gris.
........Jean avait l'apparence d'un intellectuel.
Pourtant son visage ressemblait plutôt à celui d'un boxeur, large, solide, sympathiquement
renfrogné, mais ses petits yeux pétillaient d'intelligence et de bonté. L'inspecteur
Clouseau se doutait qu'un souci le tourmentait.
........Après avoir commandé deux cafés,
l'inspecteur a décidé de lui poser la question importante. « Monsieur Lepage,
pourriez-vous me dire où vous étiez le soir du concert de Céline Dion entre
6 heures et 8 heures ? » « Avec plaisir, Monsieur. Moi, j'étais en train de
trouver un bon hôtel pour Céline. Je gérais les affaires de cette belle
chanteuse. En observant les amis de Céline, j'avais eu l'impression qu'une amie
de Céline, Barbara Streisand, faisait semblant d'être une très bonne amie, malgré
sa colère et sa jalousie. La chanson populaire du film « Titanique », bien aimée
de tout le monde, était au début destinée à être chantée par Barbara. Céline
m'a dit qu'elle avait envie de la chanter pour ce film extraordinaire. Enfin,
Barbara a abandonné l'idée mais pas ses sentiments d'avoir été trahie. » L'inspecteur
l'a remercié. Il s'est levé, il se sentait délicieusement léger, comme lorsqu'on
va chez le médecin avec une peur terrible, et qu'il vous dit que ce n'est rien.
Il avait envie d'allumer une cigarette.
........Le lendemain l'inspecteur
a pris l'ascenseur au vingt-sixième étage, où se trouvait le bureau de publicité
de Barbara Streisand. Les petites lampes des dixième et onzième étages étaient
allumées sur le tableau. Signe qu'à ces étages l'ascenseur s'arrêterait
pour prendre quelqu'un au passage. Les deux battants de la porte se sont refermés
et l'ascenseur a commencé à monter. C'était un ascenseur très rapide, mais l'inspecteur
a tout de même regardé sa montre avec impatience. Il voulait arriver quelques
minutes en avance au restaurant pour son rendez-vous avec Barbara Streisand.
........En entrant dans le bureau, il a
remarqué une femme d'environ quarante-cinq ans. Elle n'était pas élégante mais
pas négligée non plus. Elle avait un visage assez maigre, et un grand nez. Il
était frappé par sa façon de marcher classique, avec une assurance arrogante
de tout le corps, comme si elle était maîtresse du monde.
........Sa vie lui avait donné le droit
d'être fière et sûre d'elle. Elle est née en 1942 à New York d'une mère française
et d'un père qu'elle n'a pas connu. Sa mère l'a envoyée habiter chez sa grand-mère.
Elle a vécu dans la misère et la pauvreté tout au long de son enfance.
........Quelquefois elle retournait vivre
chez sa mère, mais pas pour longtemps, car on l'a transférée d'une famille à
l'autre. A treize ans, elle a travaillé dans un théâtre, où il y avait
plusieurs danseuses. Elle a pu réaliser son rêve : danser et chanter. Elle a
donc décidé de partir se joindre à un théâtre pour devenir célèbre et connaître
la gloire. Elle a fait tellement de tournées. Elle est allée à Paris où la revue
pour laquelle elle a joué a été acclamée de tous. Elle s'est fait surtout connaître
aux Folies-Bergères, et encore plus avec ses premières chansons françaises.
........Barbra était en train
de parler quand l'inspecteur a appelé son nom. Elle l'a regardé un moment, avant
de mettre la main sur sa bouche en disant :
........ « Désolée Monsieur Clousseau, j'ai
oublié de vous dire que je ne peux pas parler avec vous aujourd'hui. » L'inspecteur,
fan de Barbra Streisand depuis toujours, essayait de ne pas montrer son admiration.
« S'il vous plaît Madame, j'imaginais que vous voudriez m'aider à trouver la
personne qui a tué votre bonne amie. »
........Barbra s'est approchée, et s'est
assise sur une chaise juste à côte de lui, sans rien dire. « Merci beaucoup
Madame. Pourriez-vous me dire où vous étiez le soir du concert de Céline Dion
entre 6 heures et 8 heures ? »
........« Oui Monsieur. J'avais envie de
passer un moment avec mon ancienne amie Céline avant le début de son concert
pour lui donner un bouquet de fleurs et lui souhaiter « Bonne Chance ». « Je
vois. Savez-vous la raison pour laquelle quelqu'un aurait voulu faire du mal
à Céline ? » Barbra a regardé par la grande fenêtre en réflichissant.
........« Non, je n'en ai aucune idée. Elle
et ses amis s'entendaient bien. Tout le monde l'aimait bien. La seule personne
qui était fâchée avec Céline s'appelle « Cocotte ».
........ Céline lui avait promis de porter
le costume qu'elle avait fait pour elle, afin de présenter au public sa nouvelle
collection qui s'appelle « Habillée comme une vedette ». Au dernier moment,
Barbra a changé d'avis, et Cocotte s'est mise en colère. Désolée, mais je n'ai
plus de renseignements à vous donner Monsieur. »
........
........ En rentrant chez lui
ce soir-là, l'inspecteur Clouseau a décidé d'écouter des disques de chansons
de Barbra Streisand. Il a fermé les yeux et s'est allongé sur le canapé avec
un petit verre de vin à la main. Il se demandait si une femme avec une voix
d'ange serait capable de meurtre, juste pour imposer le silence à la voix d'un
autre ange. Puis, si une femme créatrice et chic comme Cocotte Chanel aurait
pu tuer ? Ou l'agent ? Un monsieur à l'air sincère et dévoué ? Une sœur
jalouse ? Ou bien son mari, son amant depuis longtemps ?
Qui aurait pu le faire ?
A vous d'écrire la fin !
FIN
Haut de la page,Court, Jennifer, Kristin, Landry, Marianne, Marilyn, Marya, Meghan , Michelle, Nina, Olivia, Sarah, Shauna ,Suzanne, Sylvia, Ateliers écriture
.................................................................................Samedi, 14 juin 1967
...............Chère Cousine Mireille,
...............Te voir à Pâques a été un grand plaisir. Bien que ton frère soit embêtant, il est aussi beau que jamais. Quelle chance de vivre si près de la côte, que tu puisses y accéder si facilement pour te promener ou nager ! Comme je t'ai déjà dit, j'ai bien écrit à un mec dont j'ai trouvé le nom dans le journal Spirou, et il m'a répondu tout de suite.
...............Corentin, mon correspondant, n'habite pas loin de chez toi. Il est interne en cinquième à Sainte Marie de la Victoire à Montaigu. Ecolier sérieux à l'esprit bricoleur, il peut défaire, réparer et refaire n'importe quoi. Etant grand et maigrichon, il surpasse ses copains en natation à la MJC, et, comme tous les gars, c'est un passionné de foot. L'aîné des enfants, le week-end, il rentre en train à Clisson où habitent ses deux frères et sa petite sœur avec ses parents.
...............Corentin me semble plutôt sympa et tu verras sur la photo ci-jointe qu'il est assez beau. Cependant j'ai fait la connaissance d'un gars quand je suis allée au ciné avec ma copine Sylvie (celle qui habite en bas de chez nous). Je voudrais donc poursuivre cette proie appétissante à portée de main …. D'ailleurs, la correspondance de Corentin m'ennuie un peu et je n'aime pas écrire. Ne veux-tu pas prendre la relève comme correspondante à cause de ta proximité et de ta carrière de nageuse? Si cette proposition te tente, écris-lui directement à l'adresse ci-dessous ; sinon, fais-le-moi savoir.
...............En juillet je pars en colonie à Granville pour quatre semaines. Et toi, quels sont tes projets pour les grandes vacances ? Sans doute, nous retrouverons-nous en famille chez toi pour quinze jours en août - chouette !
...............Gros bisous,
...............Chantal
..............................Corentin
Prunel ...................Corentin Prunel
..............................54
rue de la Paix .................Saint Marie de
Victoire
..............................44190
CLISSON ...............85600 MONTAIGU
Marya /Olivia
* ....*.... *
...............Chère cousine,
...............Merci bien de m'avoir écrit récemment. C'est sensas que l'année scolaire soit terminée. J'ai eu des notes passables, avec le deuxième prix en histoire. Mon prof, dont je t'ai déjà parlé, m'a donné un beau bouquin sur le Deuxième Empire. Je n'ai pas de grands projets pour les vacances. J'aiderai ma mère avec la livraison des bouquets et d'autres petites commissions qu'elle fait, et elle m'a promis de me laisser faire le trajet à la côte tous les week-ends pour m'entraîner dans l'océan. Aussi, quand je suis sage, elle me laisse sortir flâner en ville avec mes copines jusqu'au crépuscule.
...............Quant à ta proposition concernant Corentin, correspondre avec lui pourrait être intéressant étant donné que les amis de mon frère, les seuls jouvenceaux qui passent en coup de vent dans mon monde, me traitent comme une enfant. Admettons que nous soyons dans la même classe et que tous les deux aimions la natation, toutefois un mec qui ne pense qu'au bricolage peut être peu sociable aimant les machins plus que les personnes. Certes, c'est bien lui qui a entamé la correspondance mettant son nom à ta disposition à travers Spirou. Cela dit, je ne trouve pas que ce soit pénible de lui écrire - on a le temps avec les vacances qui commencent. Si tu lui passais un petit mot lui disant que je prends la relève (tu me le lègues), et lui, s'il est d'accord, je poursuivrai la communication.
...............Et toi, as-tu revu le gars qui t'intéresse? Comment s'appelle-t-il et comment est-il? Je voudrais en connaître tous les détails.
...............Je m'impatiente pour août quand on sera ensemble pour deux semaines. C'est alors que les vraies vacances commenceront pour moi. On fera de grandes promenades en ville, et si tes parents sont d'accord, nous ferons une semaine de camping à la plage. Amuse-toi bien en colonie ; peut-être auras-tu d'autres aventures romantiques à me raconter après.
...............Gros bisous,
...............Mireille
Marya /Olivia #2
* ....*.... *
...............Cher Corentin,
...............Ma cousine, Chantal, m'a fait savoir que tu voulais bien correspondre avec moi, étant donné les vacances et son manque d'énergie. J'habite avec mes parents et mon frère aîné, Gilbert, à Nantes dans un immeuble d'un quartier modeste. A vrai dire, je serai enfant unique car mon frère part à la fac de Nanterre pour étudier la sociologie en septembre. On a bien fait la fête chez nous quand on a appris qu'il avait réussi au bac ! Mon père est un petit fonctionnaire à la SNCF et ma mère travaille chez un fleuriste.
...............Ma cousine m'a dit que tu entrais en quatrième, comme moi. Quelles sont tes matières préférées ? Moi, j'adore l'histoire et je me débrouille assez bien en maths. C'est à cause de ma mère que j'ai commencé à aimer l'histoire. Quand on a le temps on fait des promenades dans les quartiers historiques de Nantes. C'est avec mon père et Gilbert que je pratique mon autre passion, la natation dans l'océan. Hors de l'école, je parie que tu t'intéresses à la mécanique, tout bricoleur que tu es. As-tu jamais réparé une télé ? On a la télé qui ne fonctionne que la moitié du temps. Puisqu'on a l'habitude de se réunir devant la télé le soir pour les actualités, ces interruptions nous embêtent. Ma mère nous a annoncé qu'elle en avait assez et si on n'arrivait pas à la faire fonctionner elle la jetterait par la fenêtre. Tant mieux ! Inondée par la lumière resplendissante qui illumine mon roman historique, j'adore me mettre au balcon donnant sur la cour, blottie entre les coussins vert foncé, avec, sur la table un vase plein d'œillets que l'on a cueillis l'après-midi près du château. Ainsi, je peux jouir de mon petit moment de silence et de paix avant le brouhaha provoqué par l'arrivée de mon frère.
...............Comment est-ce que tu te détends ? Quel est ton projet de bricolage en ce moment ? Qu'est-ce que tu aimes lire ? Quels sont tes projets pour les grandes vacances ? Vas-tu rester en Bretagne ou est-ce que tu vas à la recherche du soleil ? La météo que j'écoute à cette sacrée télé ne nous donne que les moindres occasions de pratiquer des activités en plein air, vu que l'on ne prévoit qu'un temps nuageux et pluvieux. Comme j'aurai du mal à nager ou à me promener, je jouerai aux échecs avec ma famille ou j'écouterai le nouveau disque de Mireille Mathieu.
...............J'attends avec impatience ta lettre, et je t'exprime mes vœux les plus chaleureux.
...............Salut !
...............Mireille
Marya /Olivia # 3
* ....*.... *
...............Chère Mireille,
...............J'étais ravi de recevoir ta lettre et d'apprendre ta vie à Nantes. Il paraît que ma ville n'est pas tellement loin de chez toi, quoique je n'y aille pas souvent, étant interne à Montaigu.
...............Excuse-moi de ne pas t'avoir écrit plus tôt, mais j'étais en vacances dans l'Aquitaine au Château de Beynac dans la Dordogne. Là, j'ai participé à un chantier où on faisait des fouilles dans la partie du château construite au XIème siècle. Je m'étais inscrit parce qu'on avait sollicité une personne qui pouvait s'occuper de petites réparations sur place - électricité, appareils ménagers - et de l'entretien de base des véhicules motorisés de l'équipe, et je m'y connais pas mal. Franchement j'étais là pour gagner quelques sous, pourtant j'ai fini par apprécier le côté historique de l'expérience ! Auparavant je ne m'intéressais pas beaucoup à l'histoire, mais on a chacun joué le rôle d'un habitant de la cour ou du patrimoine du seigneur.
...............J'ai choisi le personnage du gardien huissier principal de la grande porte d'entrée et du pont-levis au-dessus de la douve extérieure. J'ai fait des recherches approfondies dans des livres que nos moniteurs avaient apportés pour trouver des schémas de pont-levis. En étudiant les restes des mécanismes, j'ai réussi à préciser quelle espèce d'appareils on avait utilisée pour soulever le tablier du pont-levis. Pour m'amuser je suis en train d'en faire un modèle à échelle réduite. Chaque nuit quand on a joué une scène de l'histoire médiévale, c'était moi qui annonçais l'arrivée des visiteurs, ou qui leur refusais un laissez-passer. C'était chouette d'exercer tant de pouvoir sur les troubadours, les gitans, les paysans, les croisés, les moines, les mendiants, ou les seigneurs voisins qui venaient menacer notre petit royaume, tout en suivant les conseils du moniteur-historien qui nous a aidé à interpréter nos rôles.
...............Maintenant je suis de retour chez moi pour encore dix jours avant de me remettre sous le joug des curetons. Entre-temps, malheureusement, je n'arrive pas à faire de la natation car l'eau de la piscine de la MJC est polluée. De ce fait, je suis obligé de divertir constamment mes petits frères et la cadette, pendant que ma mère en profite pour faire ses courses. Après deux heures, ça devient agaçant !
...............Je te souhaite une très bonne rentrée. Réponds-moi plus vite que je ne l'ai fait.
...............Amitiés sincères,
...............Corentin
Marya /Olivia #4
* ....*.... *
...............Cher Corentin,
...............J'espère que tu as bien retrouvé tes copains à la rentrée et que tes cours ne sont pas trop exigeants. Je me demande comment tu peux faire du bricolage à l'internat, étant donné le tas de devoirs et le manque de lieu approprié où les faire. D'ailleurs, peut-être n'as-tu pas accès à tes outils et aux matériaux nécessaires ?
...............Est-ce que tu reçois
les actualités du monde quotidiennement ? As-tu entendu parler de la mort insensée
des fillettes Charpignon qu'on a retrouvées mortes enfermées dans un frigo abandonné.
Cet épisode m'a touchée au cœur car j'ai des cousines du même âge. Qu'on perde
une enfant chérie est tragique, d'autant plus deux. Comment pourrait-on exprimer
le chagrin ressenti à l'issue d'un tel événement ? Il m'est venu à l'esprit
des poèmes que j'ai lus récemment, envoyés à Victor Hugo à l'occasion du vingt-troisième
anniversaire de la mort de Léopoldine. L'auteur, lui-aussi, avait perdu deux
de ses enfants en bas âge. Les sentiments qu'il exprime face à ces morts tragiques
traduisent à perfection la douleur et l'angoisse ressenties à un tel moment.
Je t'en recopie quelques vers :
............... Puis, mes chants se sont tus,
étouffés sous les larmes,
............... Une nuit, nuit de deuils, de mortelles
alarmes
............... Où, pour peupler les Cieux,
............... Dieu m'a pris mon enfant ceint
encor de ses langes,
............... Ainsi qu'il prit jadis, pour augmenter
ses anges,
............... Ton ange radieux.
...............
............... Cette immense douleur, que pas
une n'égale,
............... Que le coeur entretient comme un
feu de Vestale…
...............…Chaque jour la (sa fille) dotait
d'une grâce nouvelle ;
............... Puis, brisée en sa fleur, dans
la tombe avec elle
............... Elle a tout emporté,
............... Tout, excepté pour toi la sublime
espérance
............... De posséder enfin les Cieux pour
récompense
............... Pendant l'Éternité.
............... …Leurs fronts, tout rayonnants
de flammes,
............... Sont fiers d'habiter pour toujours
............... Le céleste séjour des âmes,
............... Pays d'éternelles amours.
............... Elles n'ont plus qu'une espérance,
|...............Te revoir dans l'Éternité…
...............D'habitude, je ne suis pas pratiquante mais je peux comprendre le rôle de la religion devant la mort; ça donne au moins un soulagement atténué, un espoir fragile. Heureusement, je n'ai jamais senti une perte personnelle mais l'idée me fait frémir. As-tu jamais perdu un être bien aimé ? Qu'est-ce que tu éprouves quand tu te rends compte du tragique d'un fait divers épouvantable ?.. ou les sentiments, sont-ils le domaine du sexe féminin ?
...............Que tu aies trouvé un aspect de l'histoire de France qui t'intéresse me semble chouette ; j'aurais bien aimé participer à cet ouvrage et aux scènes historiques. En ce moment dans la classe d'histoire on aborde notre siècle, la Belle Epoque et les racines de la Première Guerre Mondiale. Cette étape de notre histoire n'est pas aussi romantique que le Moyen Age, mais ce conflit a vraiment marqué la génération de nos grands-parents et même de nos parents.
...............J'ai des devoirs qui m'attendent. Je file.
...............Amitiés,
...............Mireille
Marya /Olivia #5
* ....*.... *
...............Chère Cousine Chantal,
...............Tu ne vas pas le croire, mais Corentin, le mec de Spirou, viendra en ville dimanche en quinze avec un copain pour me rencontrer ! Ça fait presque dix mois que nous correspondons, à peu près une fois par mois. On a partagé nos intérêts, les nouvelles de la famille, nos préférences littéraires, nos pensées intimes. Quoiqu'on ait tant partagé, je me sens un peu effarouchée à l'idée de le découvrir en chair et en os. Je me sens nue, transparente. C'était facile de se révéler remplissant une page blanche qu'on met dans une enveloppe, qui s'envole au lointain.
...............En faisant le bilan de ce que j'ai appris de lui à travers notre correspondance je me rends compte que nous avons pas mal d'intérêts communs. Tout d'abord, chacun de nous aime les films polars. De sa part, une appréciation de l'histoire s'est éveillée en lui ; à mon tour, je me suis intéressée à ses créations manuelles. Il est même assez émotif et peut exprimer ses sentiments, un trait admirable que je n'ai point remarqué chez les autres mecs. Serait-il l'homme de ma vie ?
...............Pourtant, il a une foi qui l'aveugle aux injustices sociales, il croit au destin, que les pauvres sont responsables de leur condition. Il vient d'un milieu plutôt aisé, tandis que moi, comme tu le sais, mes origines sont humbles. Sans doute, ne faisons-nous pas nos achats dans les mêmes endroits. Sa famille bourgeoise, serait-elle dédaigneuse envers la mienne ?
...............Les nouvelles de mon frère sont étonnantes. Il s'est inséré dans un groupe d'étudiants qui s'intéressent à améliorer la situation universitaire en accommodant les trop nombreux étudiants qui ne peuvent pas tous trouver des débouchés à la fin de leurs études. En avril il faisait partie du groupe qui a occupé la tour administrative, et qui a donné naissance à un mouvement militant. Leur animateur dit que le président de Nanterre ne leur accorde pas le droit de s'exprimer et qu'ils doivent descendre dans la rue. Comme tu peux imaginer, mon père ne se réjouit pas de ces événements ; par contre, ma mère insiste à dire que tout ce qu'il éprouve est une éducation.
...............Ecris-moi vite avec des conseils pour le grand rendez-vous.
...............Bons baisers,
...............Mireille
Marya /Olivia #6
* ....*.... *
...............Chère Mireille,
...............J'admets que j'ai ressenti une variété d'émotions pendant notre réunion dimanche passé. Bien sûr, je me suis réjouie du grand plaisir de t'avoir rencontrée enfin ; après tant de lettres et de cartes postales ! Tu étais tout à fait comme je t'avais imaginée-polie, indépendante. Mon copain m'a dit que tu étais une très jolie fille. Tu as fait tout ton possible pour nous mettre à l'aise, moi et mon copain. Le restaurant où nous avons mangé était excellent : le choix de plats, le service, les prix et, en plus, c'était un lieu paisible où nous étions à notre aise tout en poursuivant nos efforts pour nous connaître.
...............Nonobstant tout ce qu'il y avait de positif, j'étais un peu troublé par certaines qualités que j'ai remarquées chez toi. Moi , je suis scandalisé par les événements de ces 15 derniers jours. Si tu n'étais pas tellement innocente et sympathique, tu ne te serais pas fiée à ce mouvement universitaire. Mon copain et moi nous avons fait un effort pour te convaincre de l'aspect nuisible de ces faits, mais tu restes farouchement convaincue de la justice du mouvement de ces étudiants. Que ce soit à cause de la participation de ton frère , que tu aimes, c'est naturel ; cependant, ne te laisse pas trop influencer par lui. Après tout, j'ai plus d'expérience que toi dans la vie et je t'assure que ça va passer sans que rien de nouveau n'arrive. Peut-être faut-il que tu te mettes à tes études et que tu laisses à part ces émeutes qui ne serviront qu'à te distraire. Quand l'année sera finie et que tu auras reçu de bonnes notes, tu seras contente. C'est le moment d'approfondir tes connaissances - pas de faire la révolution !
...............Je te souhaite une bonne fin de semaine avec ta famille.
...............J'espère que ton frère est à l'abri de danger !
...............Corentin
Lettre #7 Marya/Olivia
* ....*.... *
...............Cher Corentin,
...............Cela a été gentil de ta part de faire le trajet jusqu'à Nantes pour me rendre visite. Cette occasion a été révélatrice sans doute pour nous deux. Je m'excuse de ne pas être la fille que tu attendais, la copine charmante que tu voulais présenter à ton copain. A vrai dire, ces derniers mois, j'ai pris conscience de la vie hors de ce petit monde de lycéennes. Je ne peux plus rester tranquille, à dire des répliques courtoises à chaque moment. Quoique nous partagions des intérêts, comme le cinéma, on ne peut pas se borner à une relation qui ignore des valeurs plus fondamentales. J'admets que mon admiration pour mon frère a joué un rôle dans cette transformation intellectuelle, néanmoins je ne suis pas une marionnette sans cerveau qu'il manipule. Peut-être ai-je des pensées peu communes pour une adolescente, mais nous sommes tous impliqués dans la société dans laquelle nous vivons. Il est évident que nous n'avons pas le droit de vivre avec des œillères.
...............Franchement, et comme tu as remarqué, je n'hésite pas à être franche, je ne vois aucune raison pour qu'on continue notre correspondance. Je préférerais ne plus t'écrire de sorte que je puisse m'investir dans la poursuite de changements sociaux. Il n'y aura plus désormais que deux catégories d'hommes : les veaux et les révolutionnaires. On ne pourrait jamais les marier car cela ferait de nous des ré-veau-lutionnaires.
...............Adieu,
...............Mireille
Marya /Olivia #8
* ....*.... *
Trente-quatre ans après, le fils de Mireille trouve sa correspondance d'adolescente :
...............Quelle surprise d'avoir découvert un paquet de lettres écrites par ma mère pendant son adolescence ! Pendant ses vacances en Corse, elle m'a demandé de chercher l'adresse d'une de ses amies qu'elle avait oubliée chez elle. En fouillant dans ses tiroirs, qu'est-ce que j'ai trouvé d'inattendu ! Ces lettres dévoilent des pensées qu'elle n'avait jamais exprimées en ma présence. En effet, elle n'avait jamais évoqué cette époque révolutionnaire et tranchante pour elle. Pourquoi ? Hésite-elle à révéler ses sentiments sur cette période. Craint-elle qu'ils soulèvent encore des émotions ensevelies depuis si longtemps? Ne voulait-elle pas en parler à cause d'une liaison déchirante concernant son premier amour ? Ou bien, est-ce qu'elle aurait changé de philosophie et donc elle préfère supprimer de sa mémoire cette période folle ? Peut-être en a-t-elle honte ? J'ai toujours trouvé nos rapports fils/mère intimes et transparents, mais évidemment j'ai tort.
...............Ferai-je semblant de n'avoir pas fait cette découverte ou est-ce que je lui en parlerai ? En admettant que je lui en parle, comment vais-je entamer la discussion ? « Maman, en cherchant l'adresse de Margot que tu m'as demandée, j'ai découvert des lettres datant de ton adolescence » ? Ou bien, « Maman, en cherchant l'adresse de Margot là où tu me l'as demandé, j'ai découvert quelques lettres. Je me demande si tu les y as mises exprès pour que je les trouve et que je t'en parle. » Je trouve que toute cette aventure est tellement piquante que, tout compte fait, je lui en causerai, mais j'attendrai l'inspiration du moment.
Marya/Olivia #9
...............Le moment de parler de la correspondance de Maman est venu au cours d'une promenade dimanche soir, quand nous étions un peu éloignés de la famille. Elle a avoué qu'elle avait gardé les lettres comme témoin de sa propre évolution sociale et personnelle . Aussi, son frère, mon oncle, avait été incarcéré pendant une partie de cette période, et il l'avait priée de n'en point parler. Elle avait respecté ses vœux bien qu'elle ne fut pas d'accord . Cependant, le temps s'est écoulé et les sentiments de son frère ont évolués jusqu'au point où il est devenu fier de sa participation aux évènements de mai 1968. De sa part, elle sent le besoin de réviser son passé. Elle n'était pas au point de partager directement ses lettres ; donc, elle a décidé de les laisser là pour ma découverte éventuelle. Le début de notre entretien était un peu difficile, mais, une fois entamée, la conversation s'est déroulée rapidement. Cela n'a pas seulement servi à Maman de réfléchir sur son passé, mais en plus, de fondre de nouveaux liens entre nous. J'arrive enfin à comprendre des moments dans le passé où maman s'est tue, sans raison. Il y avait des lacunes dans nos rapports qui, à partir de maintenant, vont se remplir.
...............Quelle personne admirable et complexe que ma mère ! Voici mes sentiments à la suite de cet incident. Tout au début de sa vie, pousée par sa conscience, elle a suivi une carrière d'avocate. Défenseur des exclus de la société, elle était pionnière. D'où lui est venue cette qualité d'indépendance que j'admire tellement chez elle ? Probablement de sa famille qui a connu des personnages assez têtus et non-conformistes. Quel va être mon patrimoine ? J'ai reçu une partie de ces qualités mais en quelle mesure ? Encore plus important, c'est de savoir si je les emploie à de bonnes fins ? On m'a proposé le poste de médecin à bord d'un navire des Médecins sans Frontières. Je n'avais pas voulu accepter car je ne voulais point abandonner de mes patients lucratifs. Toutefois, l'exemple de ma mère m'inspire en ce moment à entreprendre une telle expérience. Et je tombe enfin là sur la vraie raison pour laquelle elle m'a fait ses confidences : elle me pousse vers de nouveaux horizons.
Marya/Olivia #10
FIN
Haut de la page,Court, Jennifer, Kristin, Landry, Marianne, Marilyn, Marya, Meghan , Michelle, Nina, Olivia, Sarah, Shauna ,Suzanne, Sylvia, Ateliers écriture
Sarah MURRAY et Kristin BRADLEY
..........................................................................................Aix, 10 mars 2000
...............Nathalie !
...............Coucou ma copine ! Tu sais, j'ai fait la connaissance d'un gars hier à travers Spirou - il m'a écrit une lettre tellement lourde ! Etant à l'école, je veux me faire des amis, mais pas comme ça ! Ce garçon ennuyeux, il a même parlé de Zola, t'imagines, je souffre en lisant… tu aimes les trucs comme ça, avec ton esprit romantique ! Sa manière de s'expliquer me fait penser à toi un peu ! Etant donné qu'il vient de Saintes-Maries-de-la-Mer, il se peut qu'il soit gitan. Tu penses qu'il est gitan ? Ma mère ne supporte pas du tout les gitans ! De toute façon il semble avoir l'esprit libre. Il a les yeux marron et souriants, le visage brun bien sûr brûlé par le soleil. Jeune garçon à l'esprit malin, il aime jouer de temps en temps un tour à sa petite sœur tout en faisant l'innocent.
...............Ayant reçu une photo de lui je peux te donner une description encore plus détaillée. Grand et mince, assez beau, aux cheveux légèrement bouclés et bien coiffés - le front encadré par une mèche de cheveux, il porte une chemise de gardien provençal qui a un trou sur l'épaule et un pantalon en lin. Il a un regard intense, et il me semble qu'il est trop sérieux pour mon goût.
...............En écrivant sur lui-même il explique que ses doigts préfèrent la position sur les cordes raides de la guitare ainsi que le bois lisse qui lui rappelle le lit de son enfance. Dans la Camargue flotte l'odeur d'une vie riche. Remplie d'une beauté sauvage la Camargue connaît l'existence des gardiens ainsi que des flamands roses. D'après une légende les flamands qui mangent des crevettes deviennent roses.
...............Alors, tu vois, il n'est pas mon type. Tu veux prendre la relève ?
...............Je t'embrasse,
...............Claire
* ....*.... *
.................................................................................Aix, le 14 mars, 2000..Ai
...............Chère Claire,
...............Comme je voudrais bien écrire à ce garçon intéressant… mais je ne sais pas si j'ai le temps. D'une part j'ai toujours rêvé d'avoir un correspondant, mais si je lui écrivais je n'aurais ni le temps de lire ni de créer mon site web. D'autre part, si je ne lui écrivais pas, je ne saurais jamais faire la connaissance d'un mec aussi fana de livres que moi. Qu'est-ce que je dois faire alors ? Imaginons que ce soit une amitié inoubliable et que j'aie tout raté parce que j'ai hésité...Je ne crois pas que ce soit gentil de ma part mais que ferais-je s'il n'était pas mon prince charmant ? J'en mourrais d'un chagrin infini. Mais, cela me rappelle Notre Dame de Paris, et il se peut que Marius soit comme Quasimodo, le bossu à la beauté intérieure.
...............De toute façon je suis folle de la Camargue et je voudrais la connaître mieux. Je ne l'ai jamais visitée mais ma grand-mère qui habite Arles m'a raconté de belles histoires pour m'endormir quand j'étais toute petite. « La promesse d'Alexis» est l'un de mes contes préférés.
...............Après avoir réfléchi je trouve que j'aimerais bien entrer en correspondance avec Marius, mais à condition qu'il aime lire à la folie. Sinon, on n'a pas assez en commun parce que c'est l'une de mes passions essentielles.
...............En attendant ta prochaine lettre,
...............Gros bisous,
............... Nathalie (Esmeralda)
* ....*.... *
.......................................................................................Aix, le 20 avril, 2000
...............Marius !
...............Après un monologue intérieur sur le modèle de « Etre ou ne pas être » dans Hamlet, j'ai décidé d'être ton correspondant ! Est-ce qu'on peut se tutoyer ? J'ai horreur de vouvoyer. Qu'est-ce que tu fais actuellement ? Moi, j'ai rendu visite à ma grand-mère à Arles. Elle m'a préparé une soupe au pistou F-O-R-M-I-D-A-B-L-E ! T'as goûté à cette soupe, bien sûr ! Je viens de finir Notre Dame de Paris. Comme je l'ai adoré ! Je rêve d'être très belle comme Esmérelda, chantant toute la journée au rythme d'un tambourin. Est-ce que les gitans sont vraiment comme ça ? Ah, dis-moi, je veux tout savoir ! J'ai acheté une écharpe rouge que je porte comme turban chaque jour.
...............L'école me barbe, ce n'est pas comme l' histoire. Mes profs sont horribles ! J'ai une prof qui me punit tout le temps. Elle m'a dit que j'avais la tête dans les nuages ! T'imagines ! Je veux visiter la Camargue, surtout Saintes-Maries de la Mer. Raconte-moi. Qu'est-ce que tu aimes faire ? Décris-moi ta famille. Combien de frères et de sœurs as-tu ? Quels sont tes livres préférés ?
...............J'attends avec impatience
ta première lettre.
............... Nathalie
* ....*.... *
..........................................................Stes-Maries de la Mer, le 17 avril, 2000
...............Chère Nathalie,
...............Je suis ravi de faire TA connaissance, mais pourquoi est-ce que tu as fait un 'monologue intérieur' ? Que nous soyons de bons amis est clair. J'aime Aix, mais quand je suis là je me sens un peu mal à l'aise, comme si je ne m'étais pas assez baigné, coiffé, etc…tu sais ? Les vieilles dames avec leurs petits chiens nommés 'frou frou,' ce n'est pas mon genre. J'aime plutôt mes chevaux parce qu'ils sont puissants et uniques au monde.
...............J'habite dans un mas près de Stes-Maries de la Mer. Mon père était manadier, mais maintenant il est propriétaire d'un resto qui s'appelle « A la brise de la Mer. » Leur spécialité est 'taureau sauvage à la gardiane,' la recette de mon arrière-grand-mère. Elle a été la première femme gardienne de la Camargue. Je n'ai jamais fait sa connaissance, mais ma grand-mère m'a raconté des histoires. Ma mère étant morte quand j'avais trois ans, depuis j'habite avec mon père, ma grand-mère, quatre chevaux et mon animal domestique, un épervier d'Europe qui s'appelle Luno, c'est à dire la lune en français. Je travaille au mas avec le bayle-gardien. Nous avons presque 200 têtes de bétail, plus les chevaux. Evidemment je n'ai pas vraiment de temps pour lire, mais j'ai acheté Notre Dame de Paris selon ta recommandation.
...............Ma grand-mère a dit que si tu voulais visiter la Camargue, ce serait facile à faire. En partant de chez ta grand-mère il suffirait d'y aller en voiture. Tu suivrais une route départementale (D570) pour traverser la Camargue, une vaste étendue de marais dans le delta du Rhône. Il faudrait continuer tout droit, en dépassant les pâturages ainsi que le mas, Pont de Rousty. Et au Petit Rhône tu longerais la rivière. Tu arriverais à un petit étang qui s'appelle Gines et là se trouve un joli parc orthinologique où j'ai sauvé Luno et un musée de Boumian. Et juste après, aux bords de la Meditérranée, voilà Saintes-Marie de la Mer. Pour se rendre chez moi il faudrait prendre un taxi ou aller à pied. Pour le taxi appelle le 04.20.33.65.32. Mon ami, Benoît est chauffeur de taxi et il t'emmènera chez moi directement. Mais le trajet à pied est très agréable aussi. Il faudrait prendre la route du cheval blanc. Demande à la poste parce que tout le monde nous connaît.
...............Notre région est très romantique et je suis sûr que tu vas l'adorer. En ce moment il fait agréable, un peu chaud, 30 ° Celsius. Une fille fragile de la ville comme toi va se faner dans cette chaleur. Peut-être qu'il vaudrait mieux venir en hiver.
...............Dans quel type de maison habites-tu ? Au cours de ma visite à Aix j'ai vu de fort jolies maisons aux portes très ornées, sculptées en bois précieux comme ma guitare. De plus, j'ai vu des statuettes aux coins des rues.
...............En attendant ta réponse,
...............Amitiés,
...............Marius
* ....*.... *
.......................................................................................Aix, le 25 avril, 2000
...............Cher Marius,
...............J'ai bien reçu ta lettre et je t'en remercie. Quel plaisir de te connaître par correspondance. Tu t'intéresses à ma maison. C'est vrai, mais j'ai honte de te dire que j'habite une de ces maisons du 18eme siècle. La porte elle-même est très photographiée par les touristes. Je l'admire surtout juste à l'aube quand la lumière est encore douce et dorée. Quant à ma salle préférée, c'est le salon. Quand j'étais petite fille j'aimais y danser. J'imaginais que j'étais acrobate dans un cirque et la panetière servait de cage pour les lions. La panetière, tu sais ce que c'est ? Nous ne l'utilisons pas, mais c'est un meuble d'autrefois qu'on utilisait pour garder le pain. La pièce aux murs couleur vieux rose et décorée d'une frise or donne par la douceur de ses tons l'impression d'un vrai paradis. J'aimerais bien te la montrer un de ces jours, mais seulement si tu te sens à l'aise à Aix.
...............J'attends ta prochaine
lettre,
...............Nathalie
* ....*.... *
........................................................................................Aix, le 27 avril, 2000
...............Marius
...............J'ai reçu ta lettre hier - comme c'était intéressant. Tu es un vrai cow-boy, toi ! Je croyais que les cow-boys n'existaient plus, sauf dans les films d'Hollywood. Merci pour le CD - mixe que tu m'as donné. C'était très beau la musique gitane et Cabrel me plaît beaucoup : Je l'écoute souvent !
...............Ta description m'incite à visiter la Camargue. Deux cents têtes de bétail ! Tiens ! Je n'ai que ma chatte, Pénélope, mais elle demande beaucoup d'attention.
...............Je suis allé à Arles pour voir une corrida samedi dernier. C'était extra ! Le torero portait un costume noir et or très élégant, brodé joliment avec de petites épaulettes roses. Il a tenait à la main une grande écharpe rouge pour attirer la bête et il regardait le taureau d'une manière féroce. Je n'arrivais pas à respirer tant la danse entre eux était élégante et féroce en même temps.
...............Et l'amphithéâtre
est l'un de mes monuments préférés. Quand j'étais là j'ai imaginé que j'étais
une fille romaine habillée d'une toge blanche et que j'attendais doucement le
moment où les bêtes sauvages allaient dévorer les Chrétiens ! Après le spectacle,
j'ai monté l'estrade au-dessus de l'entrée de l'amphithéâtre. De là j'ai vu
toute la ville, le Rhône, les Alpilles et aussi l'abbaye de Monseigneur. Je
me souviens de ça quand j'écoute la chanson de Francis Cabrel, 'la corrida'.
............... '…je vais l'attraper lui et son
chapeau, les faire tourner comme un soleil
............... Ce soir la femme du torero dormira
sur ses deux oreilles…'
...............Tu sais, en écoutant la guitare dans cette chanson, c'est comme si tu joues pour moi et quand Nicolas Reyes chante en gitan, au fond c'est toi qui chante pour moi et je me sens très proche de toi à ce moment-là.
...............Bon. Je te laisse
-
...............Il est tard -
...............
...............Je vais rêver de corrida et de ta musique.
...............
...............J'attends avec impatience
ta prochaine lettre.
...............Nathalie
* ....*.... *
.......................................................................................Aix, le 10 mai, 2000
...............Marius,
...............Je suis désolée de ne pas avoir eu le temps d'écrire mais j'ai reçu une lettre profondément bouleversante. Claire, ma meilleure amie (tu te souviens d'elle, n'est-ce pas ?) va déménager en Afrique. C'est grâce à elle que nous sommes correspondants. Son père sera l'ambassadeur français en Algérie. Je ne peux pas accepter qu'elle part ! Qu'est-ce que je vais faire ? Nous avons fait tout ensemble depuis l'âge de dix ans. Elle m'a donné un précieux collier avec les mots meilleure amie chacun coupés en deux. Elle a l'autre moitié. Je me sens comme cette breloque, brisée, sans l'autre partie de mon cœur.
...............Claire va partir demain et je suis sûre que je vais pleurer pendant toute la journée. La vie, ce n'est pas juste ! J'ai essayé de parler avec son père et mes parents pour demander si elle peut rester avec ma famille. Maman et papa sont toujours occupés et nous avons quatre chambres supplémentaires. Le livre préféré de Claire est Le Petit Prince. Je me suis toujours moqué d'elle parce que je croyais que ce livre était vraiment enfantin et trop simpliste. Mais en ce moment ce livre me touche particulièrement. Puisqu'ils sont simples les messages dans le livre sont clairs et forts. Les grandes personnes ne comprennent rien, notamment l'imagination d'un enfant. C'est l'amitié qui compte le plus au monde. On ne trouve pas d' amis sans effort et il faut le temps pour les apprivoiser. J'étais comme la rose parce que je n'avais pas su apprécier notre amitié. Et maintenant c'est trop tard. Mes parents sont toujours en train de fêter ou de se préparer pour les vacances ou de travailler et Claire est la seule personne sur qui je peux compter…et bien sûr ma chère grand-mère…et toi, j'espère ! Est-ce que tu as jamais eu une peine de cœur. Qu'est-ce que tu as fait. Je ne sais plus….
...............A la prochaine,
...............Nathalie
* ....*.... *
.........................................................Saintes-Marie de la Mer, le 13 mai, 2000
...............Chère Nathalie,
...............Je suis très content que tu aimes le CD que je t'ai envoyé - ce sont mes chansons préférées. La vie est un peu solitaire ici, donc ces chanteurs sont comme des amis, chacun ayant sa propre personnalité.
...............J'étais triste d'entendre que ton amie vient de partir. Elle est folle, mais fort gentille. Ecoute, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Tu ne m'as jamais parlé d'une rencontre entre nous. Je ne suis pas, en fait, très loin de toi. En effet, Arles est tout près à seulement une vingtaine de kilomètres de Saintes-Maries-de-la-Mer. Tu es là souvent pour rendre visite à ta grand-mère ! Si j'étais un garçon plus sensible et que je sois très seul, cela me rendrait très triste de ne pas te voir.
...............Voilà ! C'est fait. J'ai donné un coup de fil à Benoît. Il va m'emmener dans ton taxi parce qu'il veut visiter Aix aussi. J'adore le Grillon, alors j'y serai le 4 octobre à 17h30. Faute de temps libre en semaine il faut se voir le week-end. C'est à toi maintenant.
...............Amitiés,
............... Marius
P.S. Je vais porter un pull marin et un chapeau rouge.
* ....*.... *
........................................................................................Aix, le 13 mai, 2000
...............Ma chère Claire,
...............Ta manière de faire et ta patience ainsi que ton bel esprit me manquent déjà ! J'ai de grandes nouvelles dans ma vie et personne n'est là pour écouter. J'ai tout dit à Pénélope, mais parler à un animal, aussi rassurant que ce soit, ce n'est pas la même chose.
...............Tu t'amuses en Afrique ? Il faut que tu m'envoies des photos ! Je voudrais absolument voir des lions, un peuple différent, de vastes déserts. Mais écoute, MARIUS veut me voir CE DIMANCHE ! Il faut que tu sois ici pour m'aider ! Qu'est-ce que je dois faire ? Et quoi porter ? Je ne sais pas de quoi on va parler ! Il s'occupe de chevaux et il ne cadre pas avec le modèle de l'intellectuel que mes parents souhaiteraient me voir fréquenter. Un vrai paysan aux mains sales, à l'esprit borné, mais qu'est-ce que je raconte, moi ? C'est Marius - très gentil, très sensible qui m'écoute - qui me comprend. Tu sais Claire, en fait j'ai peur. Oui, je ne sais pas si je suis prête à être adulte. Je suis tellement renfermée dans mon monde enfantin. Je ne veux pas que notre amitié (celle entre moi et Marius), si douce, si rafraîchissante, change.
...............Regarde ce qui s'est passé entre Camille Claudel et Rodin ! Elle a été complètement consommée par l'amour…Elle était comme moi, pendant son adolescence, remplie de promesses. Déterminée, intelligente, charmante, et paf ! Tout d'un coup l'amour est arrivé et elle devient folle, ivre, se traînant dans la boue, sans amis. Il lui reste seulement son « petit Paul .» C'est une histoire à pleurer.
...............Mais d'autre part, Marius est si gentil, il n'a pas le même comportement que celui d'un artiste maudit comme Rodin !
...............C'est simple, il écoute, c'est ça que j'adore chez lui ! Nous sommes faits l'un pour l'autre.
...............Sans doute, cette lettre se perdra-t-elle alors je ne l'envoie pas. Je veux que ce problème se résolve sans que j'aie besoin d'y penser.
...............Amour ? Amitié ? Les deux à la fois ? Je suis tout à fait perdue ! !
...............Gros bisous,
...............Nathalie
* ....*.... *
........................................................................................Aix, le 17 mai, 2000
...............Marius,
...............Je fus enthousiasmée de te voir cet après-midi. Après notre amitié épistolaire, c'était bien d'ajouter une voix, un corps, de la chair aux mots que tu as écrits. J'ai imaginé maintes possibilités, tu sais. Pour une raison ou l'autre (qui n'est pas claire) je t'avais imaginé comme étant le jeune homme dans le film « Le fabuleux destin d'Amélie Poulain. » avec une voix beaucoup plus grave que la tienne.
...............J'écoute en ce moment la bande sonore du « fabuleux destin d'Amélie » tu sais quand j'ai vu le film j'ai rêvé à nous. Je pensais que nous étions un peu comme eux - solitaires, des goûts pas comme ceux des autres, je sais que tout les Français aiment le film, mais cela m'a beaucoup émue parce que j'ai eu la sensation de me reconnaître.
...............Et maintenant nous ne vivons plus dans les lettres…C'est une amitié dépourvue de son imagination et de sa magie. Je voudrais bien que nous puissions continuer notre correspondance, mais j'ai l'impression lors de notre rencontre que l'on a trouvé une personne différente de celle qu'on espérait trouver. Ton sourire semblait diminuer légèrement et tes yeux ont perdu un peu de leur brillance. Je réfléchis trop en ce moment. Je dois me coucher. Réponds vite pour que je sache la vérité.
...............J'attends ta prochaine
lettre avec impatience.
...............Nathalie
* ....*.... *
.......................................................Saintes-Maries de la Mer, le 22 mai, 2000
...............Chère Nathalie,
...............Bonjour ! Tu t'es trompé complètement ! J'étais ravi de faire ta connaissance - et rien n'a changé à mon avis. J'espère que tu iras avec moi à la fête - c'est vraiment quelque chose à voir. On va commencer au restaurant de mon père. Toute la famille et nos amis y serons réunis. Et ensuite on va chanter et danser. Il y aura beaucoup de monde, mais nous connaissons des endroits qui nous aideront à éviter la foule. Tu sais pourquoi nous faisons le pèlerinage ? Selon la légende les trois Saintes Marie (Ste. Marie Magdalene, Ste. Marie Jacobé, et Ste. Marie Salomé) sont arrivées ici en bateau avec leur servante, une femme noire qui venait d'Ethiopie et qui s'appelait Sarah. Elle est la sainte-patronne des gitans. Je ne vais pas souvent à l'église, mais ce jour-ci est sacré pour nous et s'il te plaît fais-moi l'honneur de venir fêter avec moi.
...............Mes sentiments sont plus forts après notre rencontre. La réalité est toujours plus intéressante que les rêves. Tu n'es plus une enfant et je suis sûr que tu es prête à sortir avec un adolescent, mature pour mon âge. Je voudrais être ce garçon pour toi. Ma grand-mère a fait une robe pour toi, pour la mettre sur la statue de Sarah dans l'église. Elle veut faire ta connaissance et je sais qu'elle est contente que j'ai quelqu'un comme toi dans ma vie. Intelligente, raffinée, belle, douce, tu es la fille dont je rêve. Oui, c'est vrai, ta beauté m'a frappée quand je t'ai vue au café. La couleur rose pale de ta robe faisait ressortir la rougeur de tes joues. Je me suis dit, « j'espère que c'est Nathalie. » Depuis ce moment-là, je ne pense qu'à toi. Pendant notre rendez-vous j'ai regardé tes lèvres si souples et ta bouche quand tu parlais. Même les bêtises qui sortaient que de ta bouche étaient poétiques. Je t'en supplie, ne sois pas découragée par la réalité. Elle est mille fois plus intéressante que les rêves.
...............Je t'attends,
...............Marius
* ....*.... *
....................................................Nouveaux Etats-Unis, le 2 septembre, 2056
...............Ma chère grand-mère,
...............Aujourd'hui au beau milieu du nettoyage de ta maison ici j'ai découvert une boîte à chocolats ancienne. Je l'ai ouverte - et figure-toi que dedans j'ai trouvé toute une correspondance entre toi et un garçon qui s'appelait Marius…datée 2001. Tu avais quatorze ans à l'époque ! Je ne peux pas le croire - toi à l'âge de quatorze ans. C'est comme une capsule témoin. Je suis si content que tu m'aies enseigné le français. Sans cette connaissance je n'aurais compris aucun mot de ces lettres.
...............Je ne connais personne qui parle l'ancienne langue de la France. Quand j'étais à Starbucks ce matin, j'ai fait la connaissance d'un homme qui se souvient un peu de l'époque où toute cette région d'Europe (maintenant les Nouveaux Etats-Unis) parlait français. Mais depuis la loi Bush de 2007 qui décrète que tout le monde doit parler anglais sous peine de mort, personne ne veut dire qu'il est francophone.
...............C'est difficile à croire que l'on pouvait autrefois choisir entre les cafés qui s'appelaient « deux garçons » et « le grillon » et que les gens restaient là pendant des heures, n'étant pas pressés. (Maintenant il n'y a que Starbucks.) Ils écoutaient la musique de l'eau des fontaines, ils bavardaient avec leurs amis. Je n'arrive pas à comprendre comment ils avaient tout ce temps libre. C'est vrai qu'ils avaient 35 heures de travail par semaine et non pas 55 comme nous. Et il y avait beaucoup de magasins, non seulement « Gap » mais aussi des boutiques avec des tissus provençaux. Au lieu de se vêtir de noir et khaki comme nous faisons de nos jours on pouvait avoir des vêtements de vraies couleurs comme le bleu clair, le jaune et le violet…Il y avait une avenue qui s'appelait le Cours Mirabeau où les gens faisaient des promenades et il y avait des fontaines partout. On pouvait mettre une bouteille sous la fontaine et la remplir - comme ça ?! L'eau n'était pas rationnée par l'Etat comme maintenant ! Tout cela m'étonne.
...............Merci d'avoir préserver cette histoire épatante.
...............Je t'embrasse très
fort,
...............Paul
* ....*.... *
............................................................San Francisco, le 14 septembre, 2056
...............Cher petit Paul,
...............C'était avec une joie indescriptible que j'ai lu ta lettre ! Tu as trouvé quelque chose que je croyais avoir perdu ! J'avais presque oublié son existence. Oui, c'était tout à fait différent à l'époque. Aix était une ville superbe - tu as remarqué dans les lettres sûrement. Je n'ai pas écrit beaucoup de lettres parce que Marius est parti pour l'Espagne. Quelques années plus tard j'ai fait la connaissance de ton grand-père et nous étions très heureux. Voilà ma vie !
...............Je t'embrasse avec
tendresse,
...............Granny
P.S. Merci encore pour ta lettre. On n'en reçoit pas beaucoup maintenant.
* ....*.... *
............................................................Nouveaux Etats-Unis, le 20 septembre
...............Chère Grand-mère,
...............J'ai presque fini l'aménagement de ta maison. J'ai peint ta chambre en beau violet clair parce que j'ai lu que c'était ta couleur préférée quand tu étais petite. Tu n'as pas de photos, par hasard ? Je voudrais bien voir ma grand-mère à 14 ans. Et avec un homme qui n'est pas mon grand-père ! Chouette ! C'est quelque chose à voir !
...............Merci encore pour
ta lettre,
.............. Ton petit Paul
FIN
Haut de la page,Court, Jennifer, Kristin, Landry, Marianne, Marilyn, Marya, Meghan , Michelle, Nina, Olivia, Sarah, Shauna ,Suzanne, Sylvia, Ateliers écriture
Marianne, Marilyn et Sylvia WESCHE
(Chef d'oeuvre de Marianne-Marilyn-Sylvia)
.............. Chère Ludi,
.............. Je viens de recevoir une lettre d'un copain parisien que j'ai rencontré dans Spirou. Ayant le même âge que moi, venant de Paris, il semblait parfait pour moi. Je pensais que cela allait être une bonne occasion de rencontre. Mais je crois m'être trompée. Sous un physique séduisant il cache un tempérament trop sérieux. Malgré le fait qu'il soit charmant, il n'est pas mon type de garçon. Tout d'abord, féru d'expériences chimiques, c'est un fervent disciple de Nostradamus, tandis que moi, tu me connais. Je suis sportive, j'aime la moto, la danse, le rock. Je suis joyeuse, j'aime rire alors que lui est toujours plongé dans les revues scientifiques. Bref, il est tout le contraire de moi. Tout compte fait, vous vous entendriez à merveille.
.............. Je te donne ses coordonnées
: Jacques Nottemère, 3, rue de la Rose, 75017 Paris.
.............. Je t'embrasse,
.............. Véro
* ....*.... *
.............. Chère Jacques,
.............. Je m'appelle Ludivine, j'ai 13 ans, je suis de taille moyenne, j'ai les cheveux noirs et longs, les yeux bruns foncés, ce qui fait ressortir mon teint clair. Mes points d'intérêts sont la danse, la musique classique et le piano.
.............. J'habite à Montfrin situé entre Nîmes et Avignon, à 10 Km du pont du Gard. C'est un pittoresque village, tout imprégné d'un passé prestigieux. Je suis née dans ce joli village et je l'aime bien. En ce moment on joue un conte musical, « Les lettres de mon moulin » en danses et en chansons. Si j'ai l'autorisation de mes parents, j'aimerai y aller ce soir, en supposant que ce soit un événement inoubliable.
.............. Passionnée par les études, je suis la première de ma classe, surtout en français, car je suis folle de poésie. Véro m'a dit que les matières scientifiques sont tes points forts. Si on correspondait, je crois que nous pourrions nous apporter beaucoup de choses, à condition que tu sois d'accord.
.............. Bien à toi,
.............. Ludi
* ....*.... *
.............. Salut Ludi !
.............. Je te remercie de m'avoir si gentiment
écrit à la place de ta copine. Moi aussi, je suis très intéressé par la poésie
et aussi par la littérature fantastique. En ce moment, je suis en train de lire
Le Seigneur des Anneaux écrit par le père des jeux de rôle médiéval -
fantastique, J.R.R. Tolkein. Franchement, il n'y a rien de meilleur que ce livre.
Tous les critiques disent que ce livre est un pur chef-d'œuvre. Monsieur Ruffat,
journaliste du Monde, a même trouvé que c'est la plus belle œuvre fantastique
que l'homme ait créée.
.............. Je suis actuellement étudiant au grand lycée Henri IV qui se trouve juste à côté du Panthéon et en face de l'Eglise Sainte Geneviève. Mon école se trouve dans un quartier très animé où il y a des restaurants à go-go, un bowling, quelques cinémas, un petit théâtre, des promeneurs et des musiciens partout ! C'est génial ! Mais il y a aussi un côté plus poétique. En effet, hier soir je suis sorti pour prendre un peu l'air. Je suis passé devant l'église ( mentionnée plus haut). J'y suis entré et du premier coup d'œil, j'ai été étonné de voir un jubé jaillissant qui traversait le transept de l'église. En m'approchant, je me suis aperçu qu'il y avait de jolies lumières qui rayonnaient à travers les vitraux comme une flamme éternelle et cela m'a profondément ému. Tout ceci m'a fait penser à mes voyages en Grèce.
.............. Il est tard, je dois me coucher.
.............. A bientôt.
.............. Jacques
* ....*.... *
.............. Chère Ludi ,
.............. J'ai été vachement content de recevoir ta lettre. Je vois de plus en plus que l'on a certaines choses en commun. Les voyages, surtout ! Je dois avouer que je suis fou d'histoire européenne. C'est pourquoi on me trouve parfois plongé dans des textes historiques.
.............. Il y a deux semaines, ma famille et moi avons eu la chance de visiter le château de Champignac qui est situé en plein milieu du Périgord. Cette demeure du 14ème siècle, est toujours considérée comme un site de défense, perchée sur une grande colline imposante au dessus de la Dordogne. Figure-toi, ce qui est même plus fascinant, c'est son histoire. En fait, on a fait la visite de ce château. Mon récit favori est celui de l'ancien propriétaire du 18ème siècle (j'ignore son nom). Il a épousé la sœur d'un capitaine dans l'armée française. Mais au cours de ses dix premières années de mariage, le seigneur eut le malheur, un jour de découvrir sa femme dans les bras de son maître de dessin, ce qui a provoqué des remous scandaleux. D'emblée l'artiste a été renvoyé et la jolie Lucille a été emprisonnée dans la grande cour. C'était dans ce même lieu qu' elle avait vécu une aventure amoureuse avec son amant. Ils se réunissaient en cachette pour s'adonner à des jeux et d'autres « activités » sans doute. De plus, c'est dans ce lieu qu'ils avaient creusé ensemble sur les dalles, un bel échiquier qui reste encore visible ! ! Que les deux amoureux fussent doués, il n'y a aucun doute. Malheureusement, madame a langui pendant longtemps dans sa prison et s'y est éteinte sans jamais avoir de nouvelles de son amant. On l'a enterrée dans cette tour, derrière un mur - lequel ? Personne ne le sait. Ceci dit, depuis ce temps, on dit que souvent la nuit, le fantôme de Lucille se voit dans l'escalier à vis, se dirigeant vers la tour, tenant dans chaque main une reine noire et un roi blanc. Ainsi peut-on conclure que sa vie ne fut pas un « échec », mais plutôt un grand « Champ pion mat » !
.............. Trêve de plaisanteries ! Donne-moi de tes nouvelles.
.............. Amicalement,
.............. Jacques
* ....*.... *
.............. Cher Jacques,
.............. Imagine ! Moi aussi j'ai visité le Château Champignac. On était là la même journée ! Pas croyable ! Peut-être qu'on s'est même vus sans le savoir. Mais non, étant donnée la merveilleuse photo que tu m'as envoyée, je t'aurais tout de suite reconnu.
.............. Tu sais je suis fana de Spirou (et non seulement parce que c'est grâce à lui qu'on se connaît !). Entre les personnages, c'est surtout le comte de Champignac qui m'intéresse. Quand tu étais là au château, tu as remarqué le petit champ de champignons derrière, près du ruisseaux ? Tu sais le comte étant grand amateur de champignons, parcourait tous les jours le terrain du château à la quête des espèces rares qui poussaient dans les endroits les plus cachés. Alors, comme tu sais, le comte fait des inventions remarquables. Alors, là , je me suis amusée à imaginer sa prochaine invention : le lave-champignons au sec ! On y met les champignons bien sales et couverts de terre, et une poudre magique y entre rapidement. Elle crée une sorte de vide autour qui nettoie les champignons en deux secondes. Cette poudre a naturellement d'autres pouvoirs aussi…et voilà le début d'un prochain épisode. Je sais que toi aussi, tu aimes écrire autant que moi. Ta description du château de Champignac a exposé en détails l'histoire fascinante de ce vieux bâtiment. Mais j'aimais surtout l'histoire du capitaine et de sa maîtresse ainsi que du damier creusé dans le sol. Comme ils ont souffert ! Tu aimes jouer aux dames, Jacques ? Tiens, j'ai une idée . Si on y jouait dans nos lettres ? Alors, ci-inclus, je t'envoie un plan de l'échiquier ; c'est à toi de commencer. Tu me le renverras avec ta prochaine lettre qui, j'espère, arrivera par retour de courrier.
.............. Alors, j'arrête mon bavardage.
.............. Bien à toi !
.............. Ludi
* ....*.... *
.............. Cher Jacques,
.............. Plus je lis tes lettres et plus je me sens proche de toi. C'est une impression que je n'ai jamais ressentie jusqu' à présent. Il y a tant de sentiments vécus, de points communs entre nous que j'ai l'impression de te connaître depuis toujours.
.............. Je suis très bonne élève, toi aussi. Mais n'est-ce pas une façon pour moi de me cacher, toujours le nez dans les livres, d'échapper au monde qui m'inquiète. Je te sens pareil, un peu craintif, mais étant un garçon, tu le surmontes beaucoup mieux.
.............. J'ai tellement de pensées qui me passent par la tête. Ces pensées ont un nom, que je ne peux exprimer et définir. De toute façon. le sachant, je ne pourrai le dire. Je suis trop timide.
.............. Mes parents me sachant très timide m'ont envoyé dans une école de filles. Les garçons, à part mes frères, je ne les connais pas. Leurs amis viennent parfois à la maison. Lorsqu'ils viennent, je reste dans ma chambre et je t'écris !
.............. Autant j'aime mes frères, leur compagnie, autant j'exècre leurs amis, que je trouve bruyants, inintéressants. Puis, je t'ai rencontré, et je constate que les garçons peuvent être différents. Je crois que tu es unique. C'est pour çà que je
(La fin de cette lettre de Ludi est illisible.)
* ....*.... *
.............. Chère Véro,
.............. Je suis complètement folle, maboule, marteau ! Je ne trouve plus les adjectifs décrivant mon état mental. Après toutes ces lettres échangées, ces non-dits, ces profonds sentiments non dévoilés, mon imagination galopante, bref, je me jette à l'eau. J'aime Jacques et je le rencontre demain pour la première fois. Je ne me contrôle plus. Je tremble. Est-ce que je vais lui plaire ? Que dois-je porter ? Quelle robe me conseilles-tu ? Il faut que je sois belle ! Il faudra que je sois moins timide et surtout il ne faut pas que je rougisse stupidement.
.............. Je sens que je vais être idiote, et qu'il ne voudra plus m'écrire. Je ne peux pas vivre sans ses lettres. Elles sont trop importantes pour moi...la tendresse, la chaleur qui s'en émane. S'il ne m'écrivait plus, je mourrais !
.............. Véro, je te quitte. Je dois me préparer. Il faut qu'il soit fier de moi !
.............. Ludi
* ....*.... *
.............. Cher Jacques,
.............. Je ne sais pas par où commencer, mais j'éprouve un énorme besoin de partager mes sentiments avec toi.
.............. Il y a quelques jours, pendant que je fouillais dans une grande malle au grenier, je suis tombée, par hasard, sur une enveloppe quelconque. J'ai supposé que c'était une correspondance écrite par mon père (à ma mère) à l'époque où il faisait son service militaire ; j'ai failli la mettre de côté. Cependant, en l'examinant de plus près, je me suis rendue compte que l'écriture n'était pas celle de mon papa. Etant prise de curiosité, j'ai regardé furtivement dedans, discernant une lettre jaunie. Je l'ai sortie et je me suis mise à la lire. Effectivement, Jacques, je te jure que si tu avais été avec moi, tu aurais pu voir cette douleur profonde qui pesait lourd sur mes épaules.
.............. Il s'agissait d'un billet doux de « Philippe », plein de déclarations d'amour éternel, de fantasmes sexuels, et finalement, de mots d'adieux. Quand j'ai eu terminé, j'ai remis la lettre à sa place, ne voulant laisser aucune trace de mon passage.
.............. C'est ainsi que j'ai rencontré l'amant de ma mère, sachant en même temps que ma légitimité est en question. Comme tu peux le constater, je suis vraiment bouleversée par cette grande découverte, mais au moins, ça me fait du bien de t'en parler.
.............. A bientôt,
.............. Ludi
* ....*.... *
.............. Salut Jacques !
.............. En parlant de Grèce, moi aussi j'adore voyager et pour la première fois j'ai eu l'occasion d'aller en Corse, quelle île merveilleuse ! Comment peut-on se croire en France, alors que tout y est si différent -- les maisons ; le ciel lui-même a sa propre couleur ; les gens portent toujours leurs costumes traditionnels. Leur accent quand ils parlent est au premier abord incompréhensible. Il faut que je te raconte cette anecdote. Alors que nous étions à l'embarcadère, mon père s'est dirigé vers le guichet pour acheter les billets. Il a attendu au guichet. Personne, l'employé s'était confortablement installé en retrait de son comptoir et sommeillait ; d'habitude, il n'y a personne en période creuse. Mon père était furieux, et très poliment lui a demandé de bien vouloir lui vendre 3 billets pour notre famille. L'employé lui a répondu qu'il ne se dérangeait pas pour 1 client et que de toute façon c'était l'heure de sa sieste, que le prochain bateau ne serait pas là avant une heure et demie, et que, d'ici là, il serait réveillé. Mon père a menacé de se plaindre auprès de son chef. L'employé le lui a fortement déconseillé, car le chef, lui aussi, était en train de dormir !
.............. Une heure après, tout est rentré dans l'ordre. Nous voyagions joyeux vers la Corse.
.............. Il est tard, demain j'ai cours.
.............. Je te souhaite une
bonne nuit.
.............. Ludi
* ....*.... *
.............. Salut Ludi !
.............. J'espère que tu te sens mieux après notre dernière rencontre. Si j'avais su plus tôt que tu craignais rencontrer Jacques, je serais venue chez toi sans hésiter. Avant de voir Jacques peut-être pourrions-nous nous rendre au salon de thé prendre une infusion, comme on le faisait dans le passé. Tu te rappelles que c'est ici qu'on jouait souvent à l'Anglaise en pratiquant les dialogues entre Harry et Mary. On faisait une équipe merveilleuse, n'est-ce pas ? En tout cas, je suis sûre que ce thé t'aurait soulagée et que tu aurais retrouvé tes forces avant de te présenter à lui.
.............. Entre temps, je suis entrée en communication dans un forum d'Internet avec un autre mec (pas surprenant, tu dirais !) Il s'appelle Bernard, et il a 15 ans. Concernant son aspect physique, déjà là, il n'est pas mal. Il a les cheveux bruns avec une raie droite et une mèche qui lui couvre le front. N'ayant ni barbe ni favoris, on peut mieux apprécier son beau menton à fossette qui est absolument séduisant. Il ne fait pas du tout le grand cerveau, cependant il est tenté par la science fiction - livres et films. On a décidé tous les deux de créer un fichier sur lequel se trouveront, en définitive, les titres des œuvres qui nous plaisent le plus. Quant aux sports, on partage l'amour de la natation, du basket, et du tennis. Assurément, on aura l'occasion de faire des parties ensemble si le moment se présente !
.............. Bon, je te laisse mais avec ce joli proverbe : Après la pluie, le beau temps !
.............. Grosses bises,
.............. Véro
* ....*.... *
.............. Chère Véro,
.............. Et voilà. Je l'ai rencontré. Quoiqu'on s'écrive maintenant depuis plus de six mois, j'ai dû constater que ce n'est pas exactement le garçon que j'avais imaginé. Il m'a dit qu'il aimerait qu'on se voie encore une fois, mais je ne suis pas sûre que ce soit le garçon pour moi. Tout d'abord il ne voulait parler que de sa poésie. Il a même apporté une grande boîte dans laquelle se trouvaient la plupart des poèmes qu'il a écrits : Après en avoir lu plusieurs ; il ne s'arrêtait même pas pour me demander ma réaction-mais non ! C'est lui qui a fait tout le commentaire (très favorable, d'ailleurs) de son propre œuvre. S'il n'avait pas tant parlé de ses poèmes et qu'il se fût davantage intéressé à moi peut-être aurais-je fait un plus grand effort pour entrer vivement dans le dialogue.
.............. De toute façon, j'ai un nouvel intérêt maintenant. Depuis quelques mois je sors avec Mohammed, un copain de lycée. Tu sais que la religion n'a jamais été très importante pour moi et j'ai hésité longtemps avant de lui en parler. Mais enfin, au fur et à mesure que notre amitié s'est approfondie, on s'est lancé avec grand intérêt dans une discussion animée sur les dogmes de l'Islam. Ce qui me fascine, c'est le paradoxe que cette religion représente vis-à-vis du traitement des femmes. N'ayant qu'une connaissance très superficielle de l'Islam, la plupart des Français sont victimes de leurs idées stéréotypées. Moi, je trouve que c'est dans les limites qu'impose ce dogme qu'on trouve la vraie liberté. Prenons par exemple le « problème » du foulard. Se couvrir, c'est l'acte de l'homme (et de la femme) civilisé(e) ! C'est seulement après que l'homme s'est couvert avec des peaux qu'il a été qualifié de « civilisé » ! Alors comme résultat de nos discussions, je commence à comprendre que le foulard est le vrai symbole de la LIBERTE !
.............. Alors, ma chère Véro, écris-moi vite ce que tu en penses ! Je laisse Jacques dans la poussière ?
.............. Amitiés,
.............. Ludi
* ....*.... *
(Quarante-cinq ans plus tard.
Ludivine est maintenant une vieille femme.
Elle est actuellement à l'hôpital suite à une attaque. Son état l'oblige
dorénavant à vivre dans un appartement où elle aura tout le confort et
l'attention médicale nécessaires. Afin de trier les quelques affaires dont elle
aura besoin dans son nouveau logement, son fils, Bertrand âgé de 45 ans propose
de se rendre chez elle pour trier ses quelques affaires. Il s'y rend accompagné
de la plus vieille amie de Ludivine, la fidèle Véronique. Durant cette visite
il trouve une boîte anonyme au fin fond d'une armoire. Il en fait part à sa
mère.)
.............. Chère maman,
.............. J' espère que tu commences à t'habituer à ton nouveau logement, et que tu te reposes car tu en as besoin. Je sais ô combien tu étais heureuse dans ta maison, mais tes problèmes de santé ces derniers mois nous ont obligés à prendre une décision importante : trouver un endroit correspondant à tes problèmes de santé.
.............. Je suis allé dans ta maison, aujourd'hui. Ta fidèle amie Véronique a tenu à m'accompagner. Ton attaque l'a absolument bouleversée. Nous avons réuni quelques objets auxquels tu es très attachée tels que tes livres et le petit buffet Louis XV où tu aimes ranger tes petits travaux.
.............. Au fin fond d'un placard, nous avons découvert dans une vieille boîte en carton, nouée d'un ruban, une correspondance bien plus âgée que moi. Véronique s'en est prestement saisie, en laissant échapper quelques petites larmes d'émotion. Elle a murmuré - Ludi, quelle grande romantique et elle a gardé toutes mes lettres.
.............. L'autre paquet de lettres plus volumineux est couvert d'une écriture masculine. Je ne voulais pas les lire, mais Véronique m'y a encouragé, en prétextant que, ainsi, nous ferions plus amplement connaissance. Ces lettres m'ont bouleversé. Je ne te savais pas si fougueuse dans tes sentiments et j'ignorais que tu pouvais être une si grande amoureuse. Plus je lis ces lettres, plus je t'aime et plus la jeune fille que je découvre derrière ma mère me séduit, et j'en arrive à vivement regretter nos querelles, nos conflits de mère à enfant.
.............. Je finis, la lecture, et je viens te voir au plus tôt, avec quelques unes de tes affaires.
.............. Ton fils,
.............. Bertrand
* ....*.... *
(La lettre de la fille de Ludvine à son amie, Alice.)
.............. Chère Monique,
.............. Voilà. Ma mère est morte avant hier d'un cancer au cerveau. Quelle ironie du sort . La fameuse neurologiste Ludivine Lubedon qui savait tout faire pour ses patients, mais qui ne pouvait pas se guérir elle-même. Aucune cérémonie pour marquer la fin de cette vie rendue si remarquable d'un côté par les résultats de ses recherches scientifiques, et de l'autre par le degré par lequel elle a pu se détacher de sa famille.
.............. Tu peux bien t'imaginer comme j'ai frissonné devant une boîte de lettres que j'ai trouvée parmi ses affaires. Je n'ai jamais pu imaginer ma mère comme jeune fille. Elle ne nous a presque jamais parlé de sa jeunesse de sorte que mon frère et moi n'ayons aucune idée de notre mère comme jeune fille. Figure-toi, d'après ses lettres elle serait tombée amoureuse d'un Arabe ! Elle pensait même se convertir à l'Islam. Alors, là, je ne retrouve pas du tout cette mère trop sévère, autoritaire et exigeante qui nous a mis à la crèche dès l'âge le plus tendre. Je me sentais plus attachée à notre nourrisse qu'à ma mère. Cette femme qui a complètement négligé sa vie familiale pour se sacrifier à son travail A AIME!
.............. Cela te choque peut-être que je ne ressente aucun regret à la mort de ma mère. Le remords me sera pour toujours impossible. J'ai trop souffert de son indifférence envers moi. Si ce n'avait pas été pour ma grand-mère, de qui j'étais très proche, je n'aurais jamais survécu à mon enfance.
.............. Alors, j'arrête ce bavardage morne et trop mélancolique. Ecris-moi que tu viendras bientôt me rendre visite.
.............. Bien à toi,
.............. Alice
FIN