Aix
2004
Clémentine Pascal
- Mini-roman -
de
Nancy Moran, George
McJimsey et Sabine Mauri
.....Clémentine
Pascal, parisienne de 18 ans, habite dans le 12ème arrondissement.
Elle a les cheveux châtains, longs et bouclés, et des
yeux marron qui brillent. De petite taille, elle a un esprit indépendant
et un comportement plein de confiance qui lui donne l'air de quelqu'un
de plus grand. Son héritage français-maghrébin
ne lui a pas seulement donné un teint foncé et exotique
mais aussi un intérêt profond pour les sujets nord-africains.
Elle aime bien flâner dans les petites rues du Quartier Latin
souvent à la recherche de bouquins. Récemment elle a
ainsi découvert des livres de Gisèle Halimi et les trouve
des plus intéressants, surtout La cause des femmes. L'hiver
passé, après s'être cassé la jambe, elle
a passé deux mois à ne lire que ce livre. Elle raffole
de ses idées. L'autre jour elle a vu une affiche annonçant
une réunion à la Sorbonne avec cette grande dame des
causes féminines, et elle ne veut pas la rater. Très
animée et la tête pleine de questions, elle est donc partie
de bonne heure et a pris le métro.
.....Arrivée à la
porte et quittant la rue bruyante, Clémentine entre dans la tranquillité reposante
de la cour intérieure. Des rayons de soleil s'infiltrent parmi
les feuilles tendres des platanes qui dégagent une odeur de printemps.
Petit à petit, la cour commence à se remplir d'une foule
de gens poussant Clémentine vers la porte d'entrée. Tout
d'un coup, les gens s'aperçoivent de la présence de Mme
Halimi. Se bousculant pour mieux la voir, la foule force Clémentine à l'intérieur.
Elle se trouve face à face avec Mme Halimi, une vieille dame de
77 ans.
.....Clémentine,
n'ayant jamais connu son père, sait seulement qu'il était
d'origine tunisienne. En lisant le livre d'Halimi, elle a appris qu'Halimi,
elle aussi, était en partie maghrébine.
- Madame, dit Clémentine en lui serrant la main, je m'intéresse
beaucoup à vos livres. La Tunisie, c'est aussi mon héritage et
j'essaie de mieux examiner la condition des femmes en Tunisie. J'essaie de
le faire tout en achevant mes études en France, ce
qui pose un problème de temps mais je suis très contente que
cette conférence se
passe si près de chez moi. Si vous me le permettez, je vous poserai
quelques questions après votre présentation.
- Avec plaisir, mademoiselle, et si nous discutions un peu après la
soirée ? J'aime bien que la jeunesse française s'intéresse à ces
questions, répond Mme Halimi.
.....Une
heure plus tard, après avoir fini son discours, Mme Halimi invite
Clémentine à aller à un café où elles
peuvent discuter tranquillement.
- Vraiment, Madame, vos livres sont tout ce qu'il y a de plus intéressant,
dit Clémentine pleine d'admiration.
- Admettons qu'il y ait aujourd'hui une sélection assez répandue
sur la cause féminine, mais jadis, quand j'ai commencé à écrire,
il n'y en avait pas autant, répond Halimi.
- Me permettriez-vous de vous poser une question personnelle, Madame ? demande
Clémentine.
- Volontiers. Allez-y mademoiselle.
- Comment avez-vous surmonté les interdits que la société vous
a imposés en tant que femme maghrébine s'intéressant activement à la
politique ? Je ne crois pas que cela ait été facile.
- Bien que la politique soit un domaine encore réservé aux hommes,
en tant qu'avocate, activiste et femme politique j'ai trouvé certains
moyens de m'intégrer dans ce domaine et de faire de mon mieux pour faire
avancer la cause des femmes qui m'a toujours paru essentielle et qui me tient à cur,
répond Halimi. Puisque vous vous intéressez tellement à cette
question, je vous propose d'aller voir un ancien collègue à moi.
C'est un disciple de Michel Foucault qui aborde ce sujet du point de vue du
traitement de l'individu dans le groupe. Il habite Poitiers et il s'appelle
Jacques Martin.
.....Deux
jours plus tard Clémentine se rend à la gare Montparnasse.
Après avoir indiqué à l'employé au guichet
qu'elle voulait un aller-retour pour Poitiers, elle a appris que le
train partirait dans une demi-heure. Dans la salle d'attente la télé présente
la météo du jour. Le présentateur explique qu'il
fera beau avec de petits nuages pendant l'après-midi. Arrivée à Poitiers à 14h,
Clémentine quitte la gare et cherche le chemin le plus court
pour la cité universitaire. Elle se met en route en cherchant
un cadeau pour sa copine Fatima chez qui elle passera la nuit. Dans
une boutique elle trouve de belles boucles d'oreille pour sa copine.
Arrivée devant la porte de la chambre de Fatima, elle trouve
facilement la clé cachée. En entrant, Clémentine
met son blouson sur le porte-manteau juste à coté de
la porte et regarde la chambre ensoleillée. Sur le lit couvert
d'un drap de style tunisien il y a de grands coussins carrés
de couleurs variées. Contre le mur s'appuie une table étroite
sur laquelle se trouvent des livres empilés. Au-dessus, attaché par
des rubans, s'étend un tapis artisanal.
.....En
regardant la table de plus près, Clémentine aperçoit
un article intitulé Le Professeur Jacques Martin dénonce
Foucault ! Etonnée, elle commence à parcourir le
texte qui explique qu'après avoir enseigné les idées
de Foucault pendant vingt ans, Jacques Martin a fini par les réfuter.
Peut-être qu'elle est venue à Poitiers en vain ? A vrai
dire, elle avait déjà eu des doutes avant de venir mais
elle voulait suivre les conseils d'Halimi. Alors, quoi faire ? En fait,
la décision fut vite prise ; elle sort de l'appartement et reprend
son chemin vers l'université. Elle avait rendez-vous à la
Médiathèque François Mitterrand à 14 heures.
.....A
l'entrée, elle passe par la loge et elle se renseigne auprès
d'une des bibliothécaires afin de trouver le bureau de M. Martin.
En traversant la salle centrale d'un style moderne et pleine d'étagères
tout au long des murs, elle arrive au bureau sans difficulté.
Elle est bien surprise de trouver affichée à la porte
un portrait au-dessus duquel, en lettres majuscules, se trouve la citation
de Chateaubriand, " Cet effrayant génie se nommait Blaise
Pascal ". Elle sourit en se rendant compte du fait que M. Martin
rend hommage à l'un de ses ancêtres dont l'esprit profond
coule encore dans ses veines. Ainsi frappe-t-elle à la porte
de la découverte.
- Entrez.
- Bonjour, Professeur Martin. Je m'appelle Clémentine Pascal. Je suis
venue vous voir après avoir parlé avec Mme Halimi qui m'a recommandé à vous.
Je m'intéresse beaucoup à la cause des femmes et je voudrais
vous demander si vous pouviez m'expliquer le lien entre les idées de
Foucault et la condition féminine actuelle.
- Bien sûr. Je suis content que l'article controversé qui a paru
dans le journal ne vous ait pas détourné de votre piste. Comme
vous savez, Foucault se focalise sur la question des structures du pouvoir.
Ces structures ont depuis longtemps servi à maintenir les divisions
entre les sexes aux niveaux politique, social et économique. C'est en
déconstruisant ces structures misogynes que les femmes réaliseront
leur but de parité.
- Pourriez-vous me donner des exemples de ces structures ?
- Pensez simplement à certaines structures linguistiques : beaucoup
de professions n'ont qu'une forme au masculin, dans une salle remplie de femmes
et d'un seul homme, on dit toujours " ils ". Comme la langue est
au fond de notre pensée et formalise la manière dont nous nous
exprimons, il est essentiel de reformer ces structures linguistiques. Créer
ces nouvelles structures, c'est aussi nous forcer à accepter de nouvelles
vérités.
- Si l'on mettait ces changements linguistiques et que la société les
accepte, est-ce que la condition féminine s'améliorerait vraiment.?
Ou faudrait-il d'autres changements.?
- Dès que la société s'adaptera on sera sur le bon chemin.
Si vous avez lu l'article qui a paru récemment, vous avez sans doute
remarqué que mes idées sont mal comprises et que la vérité demeure
un mystère.
.....Clémentine
quitte le professeur en le remerciant. En retrouvant son chemin vers
la cité universitaire, elle réfléchit sur ce que
lui a dit le professeur. Comment pourrait-on instituer de tels changements
? Faudrait-il commencer par les jeunes.? Peut-être que les facultés
de langues étrangères pourraient s'organiser.? Peut-être
faudrait-il le soutien de l'Académie Française.? Le professeur
avait dit que ce serait un bon début. Elle finit par décider
de discuter de ses idées avec Fatima une fois rentrée
chez elle.
.....Clémentine
trouve Fatima allongée sur le lit feuilletant un magazine d'actualités.
Les amies s'embrassent et commencent à bavarder.
- Cela s'est bien passé.? Tu as retrouvé le professeur.? Est-ce
qu'il t'a dit des choses intéressantes.?, demande Fatima. J'avais peur
que tu sois déçue à cause de l'article.
- Ah non, bien au contraire, je l'ai trouvé accueillant et intéressant.
Il m'a dit qu'il ne fallait jamais se décourager. Il paraît que
le journaliste s'est trompé, répond Clémentine.
- Que la presse se trompe tant est étonnant, murmure Fatima.
- Pour que les femmes trouvent leur place dans la société, il
m'a dit que nous devrions - à priori - reformer nos structures linguistiques.
Une fois ce travail fini, nous devrions ensuite nous occuper de la vie politique
et des questions portant sur le travail et la vie au foyer.
- Non, s'exclame Fatima avec force, voilà un bon exemple du raisonnement
des hommes. Il faut toujours que nous, les femmes, nous patientions. A bas,
les hommes, qu'on les arrache de leur palais du pouvoir ! Il faut agir maintenant
! Aux armes !
- Mais, Fatima, calme-toi. Ne t'en fais pas ! On y arrivera, mais doucement
! dit Clémentine en éclatant de rire. Fatima, toujours la révolutionnaire
!
.....Les
deux amies bavardent encore un peu et puis sortent pour trouver un
bistro. Le lendemain, Clémentine remonte à Paris où elle
arrive enthousiaste et inspirée. Elle décide de se rendre
au Musée d'Orsay afin de se détendre un peu devant ses
tableaux impressionnistes préférés. Depuis son
enfance, elle s'intéresse à la manière dont les
artistes impressionnistes représentent la réalité dans
leurs uvres. La première fois qu'elle était allée
au musée elle avait été frappée par le
contraste entre le tableau réaliste de Courbet L'enterrement à Ornans
et le style impressionniste. Comment pourrait-on avoir deux telles
interprétations de la réalité si différentes
?
.....D'après
le tableau de Courbet, les réalistes ont représenté un
monde assez sombre où la lumière éclaircit non
seulement les traits physiques des sujets mais aussi leur classe sociale.
Le paysage s'y impose peu sauf comme cadre pour l'enterrement qui a
attiré tout le village.
Le tableau présente une scène caractérisée par
des teintes foncées et par le noir dominant et ténébreux
d'un événement morne. Par contre, les tableaux des Impressionnistes
se montrent pleins de lumière qui met en relief les couleurs vives de
la vie quotidienne. Comme le jeu des enfants dans tous les tableaux est animé !
Et c'est la qualité de la lumière qui le fait. Où se trouve
la vérité ? A chacun de choisir.
.....En
descendant l'escalier du musée, encore perdue dans ses pensées,
Clémentine se heurte contre quelqu'un.
- Pardon, dit-elle en levant la tête.
- Ce n'est pas grave, mademoiselle, dit le jeune homme devant elle. Vous aviez
l'air très préoccupé. On se connaît ? Il me semble
que je vous ai vue à la conférence de ma grand-mère Gisèle
Halimi.
- Mais oui, répond-elle étonnée et contente, on prend
un verre ? . . .
.....Fin
ou début ?
George,
Nancy et Sabine
Marius
et Marie-Chantal
-
Une correspondance -
de
Michele Barbian, Annie Knudsen et Suzanne
White
....Marie-Chantal,
assise sur son lit Louis XIV, regarde les vagues de la mer Méditerranée,
qui lèchent les plages sablonneuses de Monte Carlo. Poussant
un gros soupir, elle se tourne lentement vers la glace dorée
pour regarder sa robe Chloé. Cette robe rose, déjà fatiguée,
l'ennuie. Que faire ? Fouiller les collections sur le boulevard Louis
II ? Se faire faire les ongles ? Téléphoner à sa
copine Juliette ? Défaire les valises de son voyage à Bali
? L'appel de la cuisinière la sort de sa torpeur, et , résignée,
elle descend, une fois de plus, manger seule à cause de l'absence
constante de ses parents. Sa démarche lente, son regard distrait
reflètent son manque d'enthousiasme pour la vie.
....Marius,
enfournant les baguettes, pense aux premiers vers qu'il avait écrits
avant d'arriver à la boulangerie familiale. Poussant un gros
soupir, il regarde l'horloge ancienne de son grand-père pour
voir combien de temps il lui reste avant de quitter ce lieu d'apprentissage.
Ce poème serait destiné à qui ? A un amour éternel
qui aimerait comme lui le parfum des champs de lavande en été,
le bruit doux de l'eau dans les ruisseaux au printemps, la brume matinale
en automne et la lecture devant un feu de cheminée en hiver
? L'odeur de brûlé le sort de sa rêverie et ses
mains rudes enlèvent précipitamment le pain avant que
son père ne lui fasse des reproches. Son petit corps musclé travaille
d'une manière systématique tandis que son esprit s'aventure
près des calanques.
....Salut
Marie-Chantal,
....Ça
va ? Moi, plus ou moins. Ma famille m'ennuie, comme toujours, alors je
passe mes journèes à la plage ici à Biarritz où je
n'ai rencontré personne d'intéressant. La nuit, je m'enferme
dans ma chambre en passant des heures devant mon ordinateur. Tu ne devineras
jamais ce qui s'est passé : j'ai pris contact avec Marius, quelqu'un
qui habite le Luberon. Il a l'air bien sympa, mais il n'est pas de mon
goût. Tu sais, moi j'aime les couche-tard réalistes. Lui,
il est plutôt romantique et matinal. Peut-être devrais-tu
te mettre en contact avec lui. Si ça te dit, voilà son
courriel : cyrano23@wanadoo.fr. Je lui ai déjà parlé de
toi.
....Je
t'embrasse
....Juliette
....Coucou
Juliette,
....J'ai été heureuse
de recevoir ton e-mail. Tu as raison, je pense aussi qu'on s'ennuie dans
la vie. Au moins les plages à Biarritz sont-elles plus sauvages
que celles de Monte Carlo. N'y a-t-il pas de beaux garçons à rencontrer
? Et ce Marius ? Tu veux vraiment que je prenne le relais ? Son caractère
romantique, dont tu m'as parlé, m'intrigue. En plus, je n'ai rien
d'autre à faire maintenant. ....Cependant,
j'hésite à correspondre avec un inconnu. S'il habitait à Monte
Carlo, je pourrais aller le voir, mais ce n'est pas le cas. Cela dit,
il serait peut-être intéressant de découvrir quelqu'un
de la campagne. Bien sûr, en ce moment, il est vrai que mes parents
se fâcheront, s'ils apprennent que je crée des liens d'amitié avec
un paysan. En fait, c'est pourquoi je décide de poursuivre cette
idée. Imaginons qu'il soit mon prince charmant. Merci pour cette
merveilleuse idée.
....Ta
copine
....Marie-Chantal
....Salut
Marius,
....Cet
e-mail ne vient pas d'une étrangère mais de la meilleure
copine de Juliette. J'habite Monte Carlo et ma chambre donne sur la
mer. En ce moment, je suis emprisonée à la maison, parce
que mes parents sont en voyage dans les Iles Caraïbes, et Juliette
est à Biarritz. Elle m'a dit qu'elle n'aurait pas vraiment le
temps de correspondre avec toi. Donc, elle m'a demandé si je
voulais t'envoyer un petit mot.
....Je
suis censé réviser mon cours de maths cet été,
parce que dans cette matière je n'ai pas eu la moyenne l'année
passée. Mon lycée, Albert Ier, est vachement difficile.
Mes parents veulent que je prépare le Bac S, parce que ça
me permettra d'intégrer X, la Grande Ecole Polytechnique à Strasbourg,
mais je m'intéresse plutôt à la langue et à la
littérature. Mon professeur de maths, M Martin, est mon tuteur.
Il a insinué que je n'y arriverais jamais. Mes parents sont
d'un autre avis et ils m'ont promis que, si je réussissais au
bac, ils me paieraient un voyage avec un ami. Moi, ça m'est égal.
....Et
toi, qu'est-ce que tu fais pendant les vacances ?
....Marie-Chantal
....Marie-Chantal,
....Quelle
surprise et quel bonheur ! Ta confiance me plaît. Quand je ferme
les yeux, j'entends le bruit du mistral qui traverse la forêt
comme les vagues dans la mer et cela me rapproche de toi, enfermée
et seule, comme une princesse dans une tour. J'imagine ta chambre comme
celle décrite par Baudelaire : " des meubles luisants,
polis par les ans ", " Là, tout n'est qu'ordre et
beauté, luxe, calme et volupté ". Le soir, je rentre
du travail, épuisé, et je m'assieds sur la terrasse où j'entends
les cigales qui chantent dans les chênes . . . " La Nature
est un temple où de vivants piliers laissent parfois sortir
de confuses paroles ". Les maths, quelles confuses paroles ! Moi
non plus, je n'ai jamais trouvé ma Correspondance dans les maths.
Une fois que tu termineras tes études d'été, quels
auteurs t'accompagneront dans tes voyages ? Bernard Henri Lévy
? Victor Hugo ? Tahar Ben Jelloun ?
....Mes
loisirs ? Le matin, j'embrasse l'aube comme Rimbaud et je compose les
premières strophes de mon prochain poème. Et toi, que
fais-tu quand tu ne meurs pas d'ennui devant tes calculs de maths ?
....Avec
toutes mes amitiés
....Marius
....Marius,
....Il
est 11h00 du matin et je réponds à ton e-mail. Je viens
de me lever. Tu m'as demandé ce que je faisais quand je ne révisais
pas. Hier, par exemple, je suis allée au café avec mes
amis où nous avons parlé de nos derniers achats. Moi,
j'avais trouvé des lunettes de soleil de Dolce et Gabbana, qui
sont tout à fait à la mode en ce moment. Ensuite, j'ai
essayé quelques robes chez " Céline ", mais
rien ne me plaisait. Parfois, je vais à la plage avec des copines
pour bronzer, mais hier je suis restée à la maison et
je me suis reposée au bord de notre piscine.
....Tu
m'as parlé de Victor Hugo. Le nom me dit quelque chose. Normalement,
je lis des magazines de mode comme " Marie-Claire " ou " Elle ".
L'année passée à l'école, j'ai lu " Bonjour
tristesse " de Françoise Sagan et je l'ai adoré.
Les vacances de Cécile ressemblent aux miennes.
Et toi, que fais-tu pendant tes vacances ? Est-ce que tu viens souvent à la
plage ? Aimes-tu aussi aller au café ?
....A
la prochaine
....Marie-Chantal
....Chère
Marie-Chantal,
....Les
vacances, quelle mystère ! Moi, je voyage à travers les
lectures et les films. Récemment j'ai vu " Jean de Florette " au
cinéma du village. Que ce serait-il passé si Ugolin n'avait
pas attaché le ruban de Manon à sa poitrine ? L'amour,
doit-il être destructif ? Quand je vais au café avec mes
amis nous en discutons longuement, mais comme je n'ai pas encore partagé une
amitié avec une femme, mes réflexions ne restent que des
hypothèses.
Est-ce qu'il y a une jolie plage à Nice ? J'imagine que oui. Aurais-tu
envie de contempler le coucher du soleil avec moi sur le sable pur et blanc
? Si on se rencontrait à la Cours Saleya et qu'on se réunisse
au café Thor, je serais enchanté de me déplacer. Mon père
me prêtera sa 2CV et mon ami Jean-Baptiste, qui a déjà été à Nice
m'accompagnera. Il me montrera le chemin.
....A
très bientôt je l'espère
....Marius
....Chère
Juliette,
....Dans
quelle situation est-ce que tu m'as mise ? Hier, j'ai rencontré ton
Marius au café à Nice. Quel cauchemar ! Ça m'étonne
qu'on se soit fait prendre au piège. J'ai vu arriver un petit
abruti habillé en salopette avec un tee-shirt jaune citron, des
tennis de Monoprix et une rose fanée. Je craignais qu'il se mette à ma
table. Il s'est approché de moi et m'a demandé si j'étais
la Marie-Chantal de ses rêves. Moi, je ne savais pas quoi dire
mais j'ai fait signe de la tête. Il a commandé un coca tandis
que moi, j'avais déjà demandé un diabolo-menthe.
Il s'est mis à me réciter des vers de poèmes jusqu'à ce
que je le supplie de se taire. Il a été un peu déçu
mais par la suite, m'a demandé si je voulais faire une promenade.
Ce crétin croyait que les plages de Nice étaient des plages
de sable. J'ai failli refuser de monter dans sa voiture " boîte
de conserves ". Pendant la balade il m'a pris la main. Qu'il dégage
! Heureusement, son ami est apparu à cet instant-ci et a demandé qu'ils
rentrent. Ton prochain " Marius ", garde-le pour toi.!
....Je
t'embrasse quand-même
....Marie-Chantal
....Marius,
....Je
pars en voyage. Je n'aurais pas d'e-mail. Que tu te trouves une autre
correspondante.
....Marie-Chantal
....A
qui veut lire ces lignes,
....Pourquoi
ai-je mérité une telle déception ? Mon cur,
brisé, ne s'en remettra jamais. " Il pleure sans raison dans
ce cur qui s'écure. Quoi ! nulle trahison ?
" Moi,
qui avais tant souhaité que cette rencontre mène à une
amitié sincère. Pourquoi m'a-t-elle rejeté ? A cause
de mon bavardage ? Elle s'est montrée indifférente à ma
poésie. Mon ami, est-il venu au mauvais moment ? Lui ai-je pris
la main trop tôt ? Je n'avais que des intentions pures. A-t-elle
eu peur de moi ? Je ne le saurai jamais puisqu'elle m'a envoyé une
lettre d'adieu. Au moins ai-je eu l'opportunité de quitter mon
village et de connaître une grande ville. Cette visite rapide me
servira d'inspiration pour mon prochain poème : " Espoir
abattu par un galet de plage niçoise " .
....Chers
lecteurs et chères lectrices, j'attends vos conseils avec impatience.
Marius du Luberon
Annie,
Michele et Suzanne
Sylvie
et Théo
-
Une correspondance -
de
Jennifer Mader et Julia Morgan
Les
personnages :
Théo
....On
l'appelle Théo, un gamin de treize ans, à peine. On remarque
tout de suite, en regardant son visage, ses origines méditerranéennes.
Peau bien bronzée, cheveux d'un brun pareil à ses yeux
noisette, nez noble s'étendant de son front jusqu'à son énorme
lèvre supérieure, Théo aime bien se regarder dans
le miroir. Théo, nom écrit avec un T majuscule malgré la
petite personnalité du garçon, se croit marginalisé dans
le monde des grands. Lorsque le petit se trouve entouré d'adultes,
il fait toujours semblant d'être malade ou bien trop chargé de
devoirs pour ajouter le moindre mot à la conversation. Il va
sans dire qu'il se sent plus à l'aise au milieu de sa bande
de copains. Mais peut-être est-ce parce qu'il a du mal à s'exprimer à cause
de son appareil dentaire. On ne sait jamais. L'appareil n'était
pas son idée, mais il le porte sans rien dire. Sa sur
lui a assuré qu'il aurait plus de succès en ce qui concerne
les filles s'il avait un joli sourire à l'américaine,
mais il ne s'intéresse pas beaucoup aux filles en ce moment.
Vu de l'extérieur, son monde semble assez réduit. Sa
grand-mère lui suggère de temps en temps d'aller dehors
jouer avec ses copains. Mais cela ne l'intéresse pas non plus.
Il ne s'intéresse à rien. Il ne fait rien. Rien du tout.
Yasmine
....Elle
a treize ans mais elle a l'air d'en avoir 17 à cause de sa grande
taille et de son visage sophistiqué. La cadette d'une famille
de 6 enfants, elle n'aime pas passer trop de temps en famille, préférant
sortir avec ses amis. Etant une fille assez superficielle, elle n'aime
pas tellement écrire et elle trouve la correspondance embêtante.
Elle connaît Théo depuis 10 ans, depuis presque toute
sa vie, puisque leurs parents sont des amis de l'université.
Ce sont leurs parents qui les ont présentés l'un à l'autre.
Sylvie
....Jeune
fille de 13 ans, Sylvie habite à La Rochelle avec ses parents
et ses deux frères aînés. Assez indépendante
et consommée par ses pensées (elle espère devenir écrivain),
elle aime bien le style de Saint-Exupéry ainsi que sa pensée
et ses descriptions. Grande pour son âge avec les cheveux et
les yeux bruns, elle ne se croit pas belle, mais en fait elle a une
beauté naturelle qui la rend gracieuse. Plus mûre que
ses camarades, frustrée par les filles trop féminines
(qui sont bêtes) et par les garçons adolescents (comme
les amis de ses frères), elle a un petit cercle d'amis très
fidèles et elle se réfugie souvent dans son propre monde.
Un peu timide, elle développe lentement sa confiance en quelqu'un.
Pour les gens, elle a fréquemment de grandes espérances
qui sont malheureusement souvent déçues
Les
lettres :
....Chère
Sylvie,
....Comme
tu le sais par mon coup de fil, j'ai une correspondance avec ce Théo.
Nos parents sont d'anciens amis et j'ai renouvelé mon amitié avec
lui récemment grâce au Journal Spirou. Malgré le
fait que Théo soit vraiment très gentil, en fait, je ne
peux plus continuer cette correspondance parce que je pars en vacances
et aussi Théo m'écrit si souvent que je n'ai même
plus le temps de lui répondre (tu sais comme je suis toujours
occupée). Je ne sais pas quoi faire !
....Bisous,
....Yasmine
....Coucou
toi,
....Merci
de m'avoir envoyé un petit mot. Pas de grandes nouvelles à te
dire. Mes vacances ne sont pas tellement intéressantes puisque
je reste à la Rochelle jusqu'à la fin de ce mois. Mes frères
continuent à m'énerver, comme d'habitude. C'est chouette
que tu aies fait la connaissance de ce type sur Internet ! C'est bizarre
que vos parents se connaissent déjà ! Tu sais, j'aimerais
bien faire la connaissance de quelqu'un de cool comme ça, de quelqu'un
avec qui je pourrais parler facilement. Toutes mes copines sont parties
en vacances et les copains de mes frères sont nuls, vraiment embêtants.
Réponds-moi vite !
....Bisous,
....Sy-Sy
....Sy-Sy,
.... J'ai
une idée fantastique ! Si tu faisais la correspondance avec Théo
? Je crois qu'il aimerait plus t'écrire que m'écrire (en
fait tu t'intéresses plus à ce genre de choses que moi).
Qu'en penses-tu ?
.... Gros
bisous,
....Yasmine
....Ya-Ya,
.... Quelle
bonne idée ! J'aimerais bien écrire à ton Théo.
Donne-moi son adresse.!....Bisous,
.... Sy-Sy
....Chère
Théo,
.... Je
m'appelle Sylvie et je suis la meilleure amie de Yasmine. Elle part
en vacances bientôt et elle m'a demandé si je voulais
continuer cette correspondance avec toi. Tu es d'accord ?
....J'habite à La
Rochelle comme Yasmine. J'ai 13 ans et je suis au collège. Ma
famille et moi, nous habitons en ville dans un appartement sympa. J'ai
deux frères qui ont 15 et 17 ans et qui vont au lycée,
mais ils sont tellement occupés avec leurs amis que je les vois
très peu. Mes parents me disent que j'ai la chambre la plus
belle de l'appartement à cause des affiches et des photos que
j'ai mises sur les murs. J'aime bien acheter les affiches de mes livres
et films favoris (comme Harry Potter, et Le Seigneur des Anneaux).
Evidemment j'aime bien lire et voir des films, et aussi j'aime participer
aux clubs d'échec, de lecture et de scrabble à l'école.
Qu'est-ce que tu aimes faire dans ton temps libre ?
....J'espère
que tes vacances d'été se passent bien.
....Amitiés,
....Sylvie
....Chère
Sylvie,
....Merci
de m'avoir écrit. J'écris à Yasmine depuis quelques
semaines mais elle ne m'a répondu qu'une seule fois. Vous êtes
copines de collège, alors ? Il y a combien d'élèves
dans ton collège ? Mon collège est de grandeur moyenne,
il y a 300 élèves. Pendant les vacances de Pâques
je suis allé en Angleterre avec ma classe de 3ème pour
visiter la ville de Londres et voir ses monuments. C'était notre
professeur d'anglais, Mme Béatrix, qui avait organisé le
voyage. Nous étions accompagnés aussi par trois autres
professeurs, celui d'arts plastiques, celui d'histoire géographie,
et celle de technologie. Mme Béatrix nous a dit qu'il vaudrait
mieux rester en famille pendant toute la semaine. Comme ça nous
profiterions mieux de la langue anglaise. Je me suis beaucoup amusé pendant
mon séjour. Est-ce qu'on peut participer à des voyages à l'étranger
dans ton collège ? C'est très chouette, à mon avis.
.... Bon,
ma mère m'appelle à table, donc il faut que je m'en aille.
....Amitiés,
....Théo
....Cher
Théo,
....Dans
ta lettre tu parlais d'un voyage que ton collège a fait. Moi
aussi, j'ai fait un voyage ce printemps avec mon collège au
Château de Champignac en Belgique. Tu le connais ? Ca a été un
voyage super parce que ça m'a fait penser à Spirou. Dans
la bande dessinée le Comte de Champignac (qui habite dans ce
château) est mon personnage favori parce qu'il était si
intelligent et savait toujours résoudre les problèmes.
Les autres élèves n'aimaient pas tellement le château
(peut-être l'histoire est-elle quelque chose d'ennuyeux pour
eux ?), mais moi j'ai bien aimé son histoire parce qu'elle m'a
aidé à mieux comprendre le Comte (cela a enrichi ma compréhension
de la bande dessinée). Ce que j'ai aimé le plus, c'étaient
les jardins du château : je pouvais imaginer le Comte, Spirou
et Fantasio ayant des aventures là ! Si tu as la chance de visiter
ce château, saisis-la.
....Il
est tard, je dois me coucher maintenant.
....A
bientôt,
....Sylvie
....Chère
Sylvie,
....C'était
pendant ma classe d'histoire-géographie aujourd'hui que j'ai eu
l'idée de venir à la Rochelle te rendre visite. En regardant
la carte de France, je me suis rendu compte que la Rochelle n'est pas
aussi loin que j'avais pensé et que c'est un coin du monde que
je ne connais pas très bien. Si ça ne te dérange
pas, je voudrais te proposer un rendez-vous pour dimanche prochain au
Restaurant des Pêcheurs, 12 rue d'Espagne, vers 14h00. Même
si nous ne nous connaissons qu'à travers notre correspondance,
je serais ravi de te voir la semaine prochaine. ....Fais-le-moi
savoir si ce rendez-vous ne te convient pas.
....A
bientôt, j'espère,
....Théo
Journal
de Sylvie :
.... J'ai
reçu une lettre de Théo aujourd'hui me demandant si on
pourrait se rencontrer à La Rochelle. Ce serait la première
fois que nous nous verrions. Ai-je vraiment envie de le rencontrer
? Au commencement de notre correspondance j'aurais dit Oui, encore
que..., mais maintenant je ne sais pas. Ca pourrait être intéressant
de voir le garçon qui m'a écrit tant de lettres, si ça
améliore notre amitié. Mais mettre un visage derrière
ces mots, un visage qui pourrait bouleverser le lien et l'intimité que
nous partageons maintenant m'inquiète. Je veux qu'il soit tout
comme je l'imagine quand je le rencontrerai, parce que sinon je serai
déçue.
....Chère
Sylvie,
....Ça
fait déjà trois semaines depuis notre rendez-vous à la
Rochelle. Il aurait mieux valu que mon ami Sébastien ne soit pas
là. Mais comme ses parents sont en Corse jusqu'au 13 septembre,
il est obligé de rester avec ma famille. D'habitude c'est un type
très détendu, mais je ne sais pas ce qui lui a pris pendant
notre déjeuner. Son comportement a vraiment été affreux,
et c'est pour cela que je m'excuse. Si j'avais su qu'il s'entendait si
mal avec les filles, je ne l'aurais jamais amener à la Rochelle.
Quel manque de dignité ! Et quant à moi, la rentrée
est arrivée et j'ai l'impression que cette année sera beaucoup
plus difficile que l'année dernière. Je ne sais pas si
j'aurais assez de temps pour t'écrire comme je le devrais. De
toute façon, bonne rentrée. Il est tard et mon frère
a besoin de l'ordinateur, donc à la prochaine.
....Amitiés,
....Théo
....Cher
Théo,
.... Merci
d'avoir fait l'effort de venir à La Rochelle. Si je passe par
ta ville cet été, je te le dirai. J'espère que
ton ami Sébastien ne s'est pas trop ennuyé pendant notre
rendez-vous ; je me suis sentie si mal qu'il n'ait pas fait partie
de la conversation plus fréquemment. Je suis désolée
de ne pas t'avoir envoyé de lettre depuis longtemps, mais avec
mon boulot à la bibliothèque j'ai très peu de
temps libre en ce moment. Quand je quitterai mon boulot et que l'école
recommencera, peut-être aurai-je le temps de t'écrire
plus souvent.
....Cette
semaine, Yasmine est revenue de ses vacances en province et je la vois
de temps en temps. Elle voulait que je te dise " bonjour ! " de
sa part. Autrement, il n'y a rien d'intéressant qui se passe à Le
Rochelle en ce moment.
....Que
tes vacances se passent bien !
....Amitiés,
....Sylvie
40 ans plus tard
.. La
fille de Sylvie :
....Je
ne peux pas croire ce que j'ai trouvé ce matin ! En aidant Maman à déménager
ce week-end, je suis tombée sur une boîte où il
y avait une collection de lettres qu'elle avait écrites à l'âge
de 13 ans. J'ai été tellement étonnée de
voir ce côté de ma mère que je ne connaissais pas
avant. Parfois la vie pèse lourdement sur une femme mariée
depuis 30 ans, et on n'a pas souvent l'occasion de voir comment elle était
avant son mariage. Dans ces lettres elle parlait comme si elle découvrait
le monde autour d'elle pour la première fois. Elle s'exprimait
de sorte qu'on sentait bien son envie de quitter la ville de sa naissance.
Bien qu'elle n'ait pas trop aimé ce jeune garçon ; ils
ont partagé une amitié assez intime. Pour une fille assez
maladroite, la correspondance d'un jeune garçon qui habitait
loin d'elle représentait un milieu où elle pouvait s'exprimer
honnêtement sans craindre de se sentir embarrassée. Il
est intéressant pour moi de voir comment ces pensées à cette époque-là se
distinguent de celles d'aujourd'hui. Les découvertes qu'elle
a faites il y a 40 ans l'ont vraiment marquée pour toute sa
vie. Evidemment, la correspondance s'est terminée abruptement
(j'aimerais bien en connaître la raison), mais en tout cas, c'est
resté quelque chose d'important pour ma mère après
40 ans.
Un
mot de Sylvie à sa fille qui a trouvé sa correspondance
:
....Après
toutes ces années, tu as trouvé la boîte où j'avais
mis tous les souvenirs de mon enfance ! Ça me plaît énormément
que tu l'aies trouvée. J'avais presque oublié cette correspondance
d'été qui s'est passé pendant les années
où ma famille habitait à la Rochelle. Pour aider une
amie qui partait en vacances, j'ai commencé cette correspondance,
il y a 40 ans, avec l'intention de m'amuser pendant l'été.
A l'époque, je connaissais très peu de garçons
(les écoles n'étaient pas encore mixtes) alors, pour
moi, c'était une manière de rencontrer un garçon.
Habitant loin de chez lui, j'ai aimé voir une autre ville et
une autre vie à travers ses lettres. On avait des intérêts
en commun, mais on s'est rencontrés une fois et c'est après
ce rendez-vous je me suis rendue compte que l'amitié allait
mieux de loin. C'est toujours un bon souvenir pour moi et quelque chose
qui me rappelle ma jeunesse.
Jennifer
et Julia
Solange,
Anne-Marie et Julien
-
Une correspondance -
de
Jackie Furrer, Susan
Meffert et Joyce
Roush
Description
des personnages
Solange
Charmet
....Solange,
une fille des montagnes près de Pau, est le portrait parfait
de sa mère, un mannequin très connue dans le monde de
la mode. Mais si Solange ressemble à sa mère par sa beauté,
elle lui est différente par sa personnalité. Solange
est aussi grande que presque tous les garçons de sa classe et,
bien sûr, plus grande que toutes les filles. Elle est vraiment
fière de sa hauteur et de son corps mince qui ajoutent à ses
talents de jeune athlète. Elle court comme une gazelle et fait
des randonnés dans les Pyrénées tous les samedis.
Comme sa mère, elle a les cheveux longs, bruns, et droits et
de grands yeux bruns. Sa peau à la teinte d'olive lui donne
une mine très exotique. Elle tourne la tête de presque
tout le monde même à l'âge tendre de 13 ans.
.... Malgré l'attention
qu'elle reçoit de ses admirateurs, Solange n'est pas gâtée.
Elle est très gentille et montre de la politesse à chaque
personne qu'elle rencontre. Elle reçoit de bonnes notes à l'école,
presque sans devoir étudier, ce qui lui permet d'avoir beaucoup
de temps pour inventer des surprises pour sa famille, qu'elle adore,
ou des tours qu'elle joue souvent à ses amis. C'est grâce à son
rire que ses amis l'excusent toujours.
.... Solange
habite à Pau dans le sud-ouest de la France. Pau, situé à une
trentaine de kilomètres des contreforts des Pyrénées,
est une ville connue pour sa cuisine et ses vins. Du balcon de sa chambre
et par beau temps, Solange peut voir ces montagnes majestueuses et mystérieuses.
C'est dans les montagnes que Solange échappe à une vie
qu'elle considère comme ordinaire.
Anne-Marie Solon
....Anne
Marie a 13 ans. Elle habite avec sa grand-mère à Pau
en France, ayant perdu ses parents à l'age tendre de 8 ans.
Ils ont été tués dans un accident d'avion en Amérique
du sud alors qu' ils voyageaient pour assister à une conférence,
parce que tous les deux étaient professeurs.
....Anne
Marie a les yeux bleus et les cheveux blonds et frisés. Elle est
petite mais tout à coup, l'année passée, son corps
a commencé à pousser, et maintenant sa graisse de bébé a
commencé à fondre. Elle adore sa grand-mère et elle
protège fièrement son jeune frère de 10 ans.
....A
l'école, Anne Marie se débrouille assez bien maintenant
alors qu'il en était autrement après l'accident ; donc,
elle a été obligée d'étudier tout le temps
pour qu'elle se mettre à niveau dans sa classe. A cause de ça,
elle ne fait pas de sport, elle ne fait que ses devoirs et les tâches
hebdomadaires chez elle. Sa relation avec son amie, Solange, a beaucoup
souffert après l'accident. Solange n'était pas très
patiente avec sa souffrance. Maintenant, toutes les deux étaient
en train de réparer leur amitié.
.... Elle
a un air un peu triste, mais son sourire est comme le soleil qui brille
sur le monde.
.... Solange
lui a demandé d'écrire à Julien parce que Solange
n'aime pas d'écrire et parce que Solange n'aime pas beaucoup Julien
- elle le trouve trop sérieux et elle sent qu'il est attiré par
elle.
Julien
Dupont
....Julien,
un jeune Parisien de 14 ans, habite avec sa famille dans un grand appartement
dans la rue St. Germain, près du Jardin du Luxembourg. C'est
un élève grand, brun, aux yeux bleus comme son père.
Ses surs, Nathalie et Sandrine, toutes les deux plus âgées,
ressemblent à leur mère, une femme d'une quarantaine
d'années, blonde, assez petite et très sophistiquée.
Julien est très doué à l'école, sympa,
assez ouvert et curieux. Le week-end il aime explorer les divers quartiers
de Paris, ou bien prendre le train pour découvrir des endroits
plus éloignés qui l'attirent pour des raisons différentes.
Un jour, en lisant le journal Spirou, il trouve une annonce avec des
renseignements pour se trouver des correspondants du même âge
ayant des intérêts communs. Il décide de trouver
quelqu'un avec qui il peut correspondre et peut-être, un jour,
lui rendre visite.
La Correspondance
Solange
Charmet
9, rue de Mérens
Pau
Pau,
le 10 avril, 1964
....Ma
chère Anne-Marie,
....Ayant
simultanément les mêmes idées que toi quelquefois,
j'ai été bien surprise d'entendre ta voix en décrochant
le récepteur - pour t'appeler ! Mais avant de pouvoir te raconter
ma liste de doléances, la tempête a coupé la ligne.
Et maintenant, je dois t'écrire cette lettre parce que le service
est encore interrompu. Tu sais que je n'étudie jamais et que je
déteste écrire - d'ailleurs je me demande comment j'ai
réussi jusqu'à présent à l'école -
mais me voici, dans la chambre de ma mère, en train de regarder
toutes ses photos de mannequin et à attendre l'inspiration. Pourquoi
l'inspiration ? Parce que j'ai un service énorme à te demander.
....Avant
que l'orage maudit ne coupe notre lien vital, je te parlais de Julien,
le Parisien qui a trouvé mon nom dans Spirou. Tu te souviens de
notre conversation sur lui quand j'ai reçu sa première
lettre, n'est-ce pas ? Il habite avec sa famille dans un grand appartement,
comme toi, près du Jardin du Luxembourg. De plus, il est très
doué à l'école, sympa, curieux, et assez ouvert.
Malgré la tristesse qui t'a saisie il y a cinq ans, je vois chaque
jour que l'étau se desserre un peu. Alors, j'ai pris la liberté de
mentionner ton nom à Julien en lui disant que tu es aussi douée à l'école
- toujours de bonnes notes - et très sympa.
....Je
sais que tu préfères rester près de ton frère
et de ta grand-mère et que tu étudies beaucoup, mais tu
es aussi une musicienne qui a du talent. Dans sa dernière lettre,
Julien m'a dit qu'il jouait du violon. Voilà la raison parfaite
pour lui écrire ! Vous deux pouvez former un duo - flûte
et violon. Je blague, mais ce n'est pas une idée complètement
bizarre. Je veux, simplement, ma chère, que tu aies une diversion
sans risque. D'autre part, Julien m'a assuré qu'il aimerait bien
te connaître.
....Après
la fin des cours en juin, je vais accompagner ma mère à Nice
où l'on va faire des photos pour le magazine Vogue. Ma mère
est très délicate et élégante, et elle veut
que j'apprenne à être comme ça. Cependant, je préfère
faire des randonnées dans les montagnes. Je vais aller avec elle,
mais mon cur restera ici avec mes amis. C'est pourquoi je veux
te passer la correspondance avec Julien qui est beaucoup plus à ton
goût qu'au mien.
....Qu'en
penses-tu ? Ecris-moi bientôt. Je te donne ses coordonnées
:
.................... M.
Julien Dupont, 38, rue St. Germain, Paris 90016.
....Je
t'embrasse très fort,
....Solange
Anne-Marie Solon
Porte no. 3
Pau
Pau,
le 12 avril, 1964
....Chère
Solange,
....Il
est drôle que nous nous soyons téléphonées
au même moment. Mais comme je t'ai dit, je veux t' inviter à déjeuner
avec Grand-mère et moi. On a un tas de choses à discuter,
n'est-ce pas ? Je n'avais aucune idée de ce qui se passait chez
toi. Maintenant, je sais tout, merci pour ta lettre.
....Mais
ayant reçu ta lettre, maintenant je suis sûre qu'il nous
faut nous voir. Viens manger avec nous. Le jardin est tellement beau
en ce moment, les petites fleurs commencent à s'ouvrir, les muguets
se mettent à fleurir. Nous avons même des arbres en fleurs,
comme le pommier que Grand-mère nous a donné à Philip
et à moi il y a cinq ans pour commémorer mes pauvres parents.
Il a beaucoup grandi cette année et je dirais que c'est à cause
de la nourriture que nous lui donnons toutes les trois semaines.
.... Je
me sens si contente dans le jardin ! J'aimerais beaucoup que tu viennes
partager avec nous ce bel endroit aux murs couverts de lierre.
....Mais
en ce qui concerne Julien, je n'oserais jamais correspondre avec lui.
J'imagine qu'il est très sophistiqué - un Parisien - mon
amie ! Il n'aura rien à faire avec moi. Je suis timide, pas très
sûre de moi - comme toi. Je peux assez bien écrire, mais
j'aurais peur de lui envoyer une photo.
....Bien
sûr, nous aimons tous les deux la musique, mais ... j'ai demandé à Grand-mère
si elle croyait que c'était une bonne idée de commencer
une correspondance avec Julien. Elle m'a assuré qu'elle trouvait
qu'une telle correspondance serait utile, intéressante, en fait,
une idée super. Nous avons vraiment de la chance d'avoir une grand-mère
si chère. Donc, je vais m'y mettre mais j'ai beaucoup de doutes.
....Je
t'envoie de grosses bises ...
....Anne-Marie
Anne-Marie Solon
Porte no. 3
Pau
Pau,
le 13 avril, 1964
....Cher
Julien,
....Laisse-moi
me présenter. Je m'appelle Anne-Marie Solon, une chère
amie de Solange Charmet le nom que tu as trouvé dans le journal
Spirou. (Je me permets aussi de te tutoyer et j'espère que ça
ne te gêne pas !)
....Je
sais que tu seras déçu qu'elle ne puisse plus t'écrire.
C'est une jeune fille fantastique avec qui tu avais probablement beaucoup,
beaucoup d'intérêts en commun. Admettons que je ne pourrai
jamais prendre sa place. J'essaierai tout de même de me présenter.
Je dois te dire que c'est la première fois que j'écris à un
garçon. Je me sens un peu maladroite et ça me gêne.
Me trouvant dans cette situation embarrassante, je n'ai pas d'autres
possibilités que d'y plonger tout à fait. Alors, j'ai 13
ans. J'ai les cheveux blonds et frisés. Je fais à peu près
1m55 de taille et je suis mince (oh, on peut toujours être plus
mince...mais...) Ces jours-ci je passe beaucoup de temps dans mon jardin.
....J'aime
la musique - je joue de la flûte. J'apprends à en jouer
depuis 7 ans. Je connais les Etudes de Bach et je joue, aussi,
mais pas sans fautes, la Sonate Pathétique de Beethoven.
Je suis élève au collège à Pau avec Solange.
....Mon
petit frère, Philippe, que j'adore, est mignon et intelligent,
et il ressemble à notre père qui a été tué avec
ma mère il y a cinq ans. Nous habitons avec notre grand-mère.
....Ça
a été un tel choc, l'accident nous a beaucoup bouleversés.
J' ai dit à Bonne-Maman, justement hier, que j'étais toujours
triste quand je parlais d'eux.
Quand je parle de ma grand-mère, ça me fait sourire - elle est
si bonne, si géniale, hyper chouette. C'est vraiment une dame très
charmante et aimable.
....A
la prochaine fois,
....Anne-Marie
Julien
Dupont
38 rue St. Germain
90016 Paris
Le
17 avril, 1964
....Chère
Anne-Marie,
....J'ai
hâte de faire ta connaissance, d'abord en t'écrivant, et
plus tard, j'espère, en nous rencontrant. Je dois te dire que
j'ai commencé cette correspondance avec Solange pour trouver quelqu'un
qui ait les mêmes intérêts et avec qui je pourrais
bien m'entendre. Je vois que tu es, comme moi, une étudiante consciencieuse
qui s'intéresse à la musique. Mes amis se moquent de moi
parce que je suis, peut-être, un peu trop sérieux. Je passe
au moins deux heures par jour à jouer du violon. Je voudrais,
un jour, jouer professionnellement. Pour
me détendre un peu, je me balade dans les quartiers pittoresques
de Paris. Ainsi, j'ai trouvé un magasin de violons très
rares et de très haute qualité la semaine dernière.
Il y avait même un Stradivarius dont j'avais tellement envie.
.... A
part la musique, je m'amuse à lire, à voir des films
récents et classiques, français et étrangers,
et à voyager. Quand je suis à la campagne, j'aime faire
des randonnées à pied et aussi à vélo.
J'adore rendre visite à mes grands-parents qui habitent dans
la vallée de la Loire. J'ai même l'intention de leur rendre
visite ce week-end. Je mettrai mon vélo dans le train en espérant
qu'il fera très beau pour prendre la route de chez eux au Château
de Chambord. On a dit à la météo qu'il ferait
un peu nuageux, mais beau ce week-end.
....La
prochaine fois je te parlerai plus de ma famille, de mes études,
etc. Tout en espérant que tu veuilles continuer cette agréable
correspondance, je te dis au revoir maintenant.
....Amitiés,
....Julien
Anne-Marie Solon
Porte no. 3
Pau
Pau,
le 20 avril, 1964
....Cher
Julien,
....Ça m'a
beaucoup plu de recevoir ta lettre. Ce que tu m'as dit du château
de Chambord m'intéresse parce que je vais visiter le Château
de Chenonceau ce week-end avec Solange et sa famille. C'est dans la même
région. Quand je visite les châteaux, je rêve d'être
un des personnages qui y a habité auparavant, Diane de Poitiers,
la ravissante maîtresse de Henri II, par exemple. Vachement belle,
elle est devenue veuve à 32 ans. En attirant le roi, elle s'est
faite sa maîtresse après son couronnement. On dit qu' elle
l'a encouragé dans sa répression contre les protestants.
Mais quand même, elle a fait beaucoup pour favoriser le développement
des arts.
....Quand
tu as dit que les autres élèves se moquaient de toi, je
te comprenais complètement. Je souffre de la même chose
des fois ici. J'adore lire, voir les films récents et voyager.
....Mes
héros cinématographiques sont Catherine Deneuve et Gérard
Depardieu mais celui-ci je ne le trouve pas si admirable dans la vie.
Il fait toujours des bêtises, de la drogue ... ; parfois il boit
trop. Enfin, je crois qu'il est plutôt bon acteur et qu'il choisit
bien ses scénarios. Est-ce que tu as jamais vu Un Homme et
Une Femme ? C'est un film magnifique !
....Bon.
Ca suffit pour l'instant. Je t'écrirai encore bientôt.
....Avec
toutes mes amitiés,
....Anne-Marie
Anne-Marie
Solon
Porte no. 3
Pau
Pau,
le 30 avril, 1964
....Cher
Julien,
....J'ai été tellement
bouleversée en recevant ta lettre parce que je pensais que nous
avions un rapport spécial. Nous avons déjà partagé beaucoup
de confidences, mais si tu ne veux plus correspondre, je comprendrai
et je ne t'ennuierai plus.
....Anne-Marie
Julien Dupont
38 rue St. Germain
Paris
Paris,
le 3 juillet, 1965
....Chère
Anne-Marie,
....Samedi
prochain je serai à une heure de route de chez toi et je pensais
te rendre visite si tu n'es pas trop fâchée contre moi.
Mon ami Paul va m'accompagner. Peut-être pouvons-nous nous rencontrer
sur la Place de l'Hôtel de Ville ? Je veux que tu sois sûre
de vouloir me rencontrer parce que je sais que ça fait longtemps
que nous nous sommes écrit. En attendant ta réponse et
en espérant que tu veux me revoir
....Amicalement,
....Julien
Le
journal d'Anne-Marie Solon
....Chère
Solange,
....Il
a interrompu notre correspondance sans m'avoir donné de raison. ....Maintenant
il veut me retrouver. S'il ne voulait pas m'écrire avant, pourquoi
voudrait-il me voir maintenant ?
....Chacun
de nous a eu une année de réflexions sur nos rapports
sans rien faire pour recommencer la liaison. Je ne suis pas sûre
que je veuille le revoir. Peut-être se développe-t-il
quelque chose ? Je ne sais pas. On verra.
....Anne-Marie
Julien
Dupont
38 rue St. Germain
Paris
Paris,
le 12 juillet, 1965
....Chère
Anne-Marie,
....Quand
tu es arrivée au restaurant et que je t'ai vue pour la première
fois, j'ai dit à mon camarade, Paul, que nous pourrions peut-être
... même que nous devrions continuer nos rapports par lettres.
Paul m'a expliqué que nous habitions loin, l'un de l'autre, et
qu'une telle amitié pouvait s'éteindre à cause de
la distance. Si l'idée de continuer t'est agréable et que
cela en vaille la peine, fais-m'en part. Sinon, je comprendrai. Néanmoins,
je te transmets tous mes vux.
....Ton
ami,
....Julien
Anne-Marie Solon
Porte no. 3
Pau
Pau,
le 12 juillet, 1965
....Cher
Julien,
....J'ai été ravie
de te voir. C'est tellement différent de rencontrer quelqu'un
au lieu de lui écrire. J'ai eu un peu de difficulté d'abord
parce que j'ai cru que tu n'avais plus envie de me voir, mais tout s'est
passé si bien, que maintenant j'ai beaucoup envie de continuer.
J'ai toujours rêvé de mieux te connaître quoiqu'il
arrive. En attendant de tes nouvelles, je t'envoie mes meilleures salutations.
....Anne-Marie
Quarante
ans plus tard
....de
la part de Nicole, la fille d'Anne-Marie, qui a trouvé dans
le grenier de sa mère une boîte remplie de lettres
....Elle
commence à réfléchir
Mais, qu'est-ce
que c'est ? Des lettres de maman.? Quelqu'un
qui s'appelle Julien ? Qui est-ce ? Comme c'est bizarre. Je suis curieuse
Et
plus tard
....Je
suis triste qu'elle ne nous ait jamais parlé de cet ami. J'imagine
qu'ils étaient amoureux et je me demande s'il est toujours vivant.
Il faut le demander à ma mère !
Après
le dîner
-
Maman, pourquoi est-ce que tu n'as jamais parlé de cet homme
Julien ? Je m'excuse, mais j'étais en train de fouiller dans
le grenier et j'ai trouvé une boîte de lettres sur une étagère.
C'étaient des lettres entre toi et un homme qui s'appelait Julien.
Il y a une cinquantaine d'années. C'est un ancien amoureux ?
- C'est un garçon avec qui j'ai échangé des lettres quand
nous étions très jeunes. Je l'ai trouvé formidable et
j'aurais eu envie de continuer notre correspondance, mais, lui, il n'a pas
voulu. J'ai été accablée de tristesse après la
perte de cette amitié.
- Est-ce que tu as jamais essayé de le retrouver ?
- Non. Même si je ne l'ai jamais oublié, je ne lui ai jamais écrit.
Et puis, j'ai rencontré ton père deux ans plus tard.
- Eh maman, tu peux peut-être, maintenant, essayer de le retrouver !
Nous pouvons essayer de trouver ses coordonnées sur Internet !
- Oh, je ne pourrais jamais faire ça ! Ça fait trop de temps
que nous nous sommes vus !
- Pourquoi pas, maman ? Tu es seule depuis longtemps et peut-être lui
aussi ! On ne sait jamais ! Il pense peut-être à toi aussi !
Un
mois plus tard...
....après
avoir beaucoup réfléchi, Anne-Marie décide de
contacter Julien. Nicole avait trouvé son numéro de téléphone
et elle l'avait gardé pendant tout ce temps.
- Julien ? C'est toi ? Ici Anne-Marie Solon.
- Anne-Marie ? C'est vraiment toi ? J'ai souvent pensé à toi
pendant toutes ces années. Comment vas-tu ?
- Très bien. J'habite toujours à Pau. Ma fille a trouvé nos
lettres et m'a encouragée à reprendre contact avec toi. Et toi
? Comment ça va ? Tu habites toujours à Paris ?
- Ben, oui. Ma femme est morte, il y a 10 ans et je reste seul. Mes enfants
vivent ailleurs. Et toi ? Tu es mariée ?
- Oui, j'ai été mariée pendant 50 ans. Mon mari, lui aussi,
est mort, il y a 3 ans de cela.
- Alors, que penses-tu d'un autre rendez-vous au même café à la
Place de l'Hôtel de Ville à Pau ?
- Bien sûr. Je serai très contente de te revoir après toutes
ces années.
....Et
après leur rendez-vous
ils sont devenus un duo dans plusieurs
sens du terme, en ménage, mais aussi, elle, à la flûte
et lui, au violon. Ils ont joué sur toutes les places d'Aix,
jusqu'à la fin de leur vie, très contents d'être
enfin ensemble.
Jackie, Susan et
Joyce
L'incroyable
Voyage de Philippe
- Mini-roman -
de
Patricia Balestra, Jenny
Meyer et Elaine Stromquist
....La
cloche a sonné. Pour Philippe Martin, lycéen à Martin
Luther King Jr. High School à Brooklyn, New York, c'était
un son aussi désagréable que la sonnerie de son réveille-matin.
Surtout à ce moment-là, avec les examens finals qui approchaient,
et la classe de français à sept heures et demie du matin.
Philippe, un junior, n'avait eu ni la présence d'esprit,
ni le temps de prendre son bon petit déjeuner ce matin-là.
Il avait faim, il avait sommeil, et il était très énervé.
C'était toujours pareil ; il devait se précipiter pour
attraper son bus, pour arriver à l'école à l'heure,
pour aller à son casier, et pour se frayer un chemin à travers
la foule accablante qui le bousculait dans les couloirs, comme s'ils
voulaient tous l'empêcher d'arriver en classe. En fait, il n'avait
vraiment pas envie d'y aller, lui-même. La classe de français
n'était pas sa classe préférée, pour dire
le moins. C'était plutôt un fardeau forcé sur lui
par sa famille, censé lui faire apprécier son patrimoine
français. Son grand-père, qui vivait avec eux, était
un ancien combattent de la Deuxième Guerre Mondiale. Et à cause
de son esprit rebelle, fréquent chez les jeunes de son âge,
il s'obstinait à ne pas faire très attention à son
travail et à rêver pendant la classe. C'était une
classe de quatrième année, qui se focalisait sur l'histoire
de France, du Moyen Age au présent. Et Philippe, qui s'était
obstiné à se montrer blasé pendant toute l'année,
commençait à s'inquiéter. Allait-il échouer à l'examen
final, et ainsi provoquer la fureur de ses parents ? Découragé,
il est arrivé a la salle de classe, et a pris son siège
au dernier rang.
....Ironiquement,
le professeur d'histoire française était un vieil homme
russe qui avait beaucoup étudié le français pendant
sa jeunesse à St. Petersbourg. Sergei Ivanovich ne souriait pas
beaucoup. Il avait les yeux vacants de quelqu'un qui en avait trop vu
dans la vie.
....Cependant
ses étudiants l'aimaient beaucoup. Ils trouvaient son accent,
qui existait toujours après plus de trente ans, assez charmant.
Chaque matin il entrait dans la salle de classe et il mettait son porte-documents
exactement au même endroit sur le bureau. Il semblait toujours
introspectif et il ne s'occupait pas des particularités insolites
de quelques-uns de ses étudiants. Il ne les jugeait pas. Une lèvre
percée, des cheveux roses, à son avis, ça ne nuisait à personne.
En effet, il aimait leur présence. Ils étaient une curiosité pour
lui, une espèce animale qu'il ne comprenait pas mais qui l'amusait
beaucoup.
....Mais
ce jour-là était différent. Il n'avait pas le temps
de les laisser bavarder, de les laisser lui expliquer les mérites
de la culture américaine - l'importance de la musique hip-hop,
pourquoi Brittney Spears était une grande vedette, comment le
sandwich Philly-steak était de la haute cuisine. En effet, on
devait se préparer pour l'examen final ! Avec dix siècles
d'histoire à réviser on n'avait pas de temps à perdre.
....Il
a pris une grande bouffée d'air et il a commencé la révision.
Il s'est dit, " si j'avais plus de temps, les étudiants réussiraient
mieux . " Mais avec tous les jours de congé qu'ils ont eus
ce semestre, il n'a pas eu assez de temps pour finir le programme d'études.
....Et
lentement mais avec beaucoup d'emphase et de solennité il s'est
mis au travail. Il savait très bien que le Moyen Age n'était
pas la période d'histoire préférée de ses étudiants.
Dans leur petit monde bien protégé et limité, il était
très difficile pour eux d'imaginer une existence sans avion, sans
baladeur et sans Internet. Il a remarqué tout d'abord que quelques-uns
parmi eux ne faisaient pas attention.
....Il
a fait un grand effort pour soutenir leur intérêt. Ses étudiants, étant
jeunes, il pourrait peut-être les réveiller avec une histoire
d'amour. Alors il a commencé le récit d'une de ses histoires
favorites du Moyen Age, celle de Tristan et Iseut :
- Yseut la blonde est une jeune fille de taille moyenne à la peau blanche.
Ses lèvres sont rouges comme une rose le matin. Elle a les yeux verts
- on dirait que la couleur est comme celle de la mer des Caraïbes quand
elle est tranquille et claire. A chaque fois qu'elle voit Tristan, son vrai
amour, ses yeux étincellent, aussi brillamment qu'un diamant digne d'une
princesse.
....En écoutant
son professeur - qui parlait un peu trop - Philippe avait l'air d'être
presque endormi. Son copain, Victor, était de l'autre côté de
la salle et le regardait. Sans que le professeur s'en rende compte, Victor
a lancé un crayon qui a tapé la tête de Philippe.
Pour Philippe ce fut comme si quelqu'un l'avait subitement transporté au
Moyen Age.
....Se
trouvant dans une vaste forêt, le voici qui se promène avec
une seule idée en tête : trouver la belle Yseut. Le soleil
brûlant, il fallait trouver aussi de l'eau. De loin, Philippe voyait
une rivière qui coulait. Il savait, au moins, dans quelle direction
il fallait s'avancer, au moins pour le moment. En marchant, il ramassait
des fleurs, toujours en pensant à Yseut la blonde. Finalement
il est arrivé à l'eau qui coulait. Là au bord de
la rivière, il s'est assis pour se bien situer dans ce nouveau
monde qu'il n'avait jamais connu.
....De
loin, Philippe écoutait les chevaux des cavaliers qui avançaient
vers lui. Maintenant il se sentait vraiment au Moyen Âge - tout
autour de lui était nouveau ; les bruits, les odeurs, le goût
de l'eau. Si seulement il pouvait connaître l'intérieur
d'un château !
....Quand
les cavaliers y sont arrivés, ils se sont arrêtés
pour bien regarder cet étranger qui était habillé d'une
manière bizarre - il était sans chapeau, sans bottes, et
sans un seul instrument pour se bien protéger ! Mais alors ! ,
se disaient-ils entre eux, qu'est-ce qu'il fait ce jeune homme tout seul
dans une forêt si vaste ! ? Reconnaissant qu'il faudra l'aider,
les cavaliers sont descendus de leurs chevaux et ils se sont précipités
vers Philippe. Pendant une seconde, Philippe a eu peur. Mais il s'est
rendu compte immédiatement qu'ils sauraient peut-être où trouver
Yseut.
....Philippe
a vite saisi l'occasion de demander, premièrement, s'ils la connaissaient.
La question les a étonnés, puisqu'il n'y avait personne
dans la région pour qui Yseut était inconnue !
....Les
cavaliers lui ont répondu qu'il n'existait personne qui ne la
connaissait pas. Ils ont ajouté qu'il était intéressant
que Philippe, venant d'une autre terre, connaissait l'histoire de la
belle jeune femme. Philippe leur a expliqué qu'il était
très intéressé par tout ce qui était français
et qu'Yseut était le seul personnage du Moyen Âge qui l'avait
captivé.
....Après
avoir un peu mangé et bu, Philippe est monté à cheval
et ils sont tous partis ensemble à sa recherche.
....Pendant
leur promenade à cheval - ils étaient encore loin du château,
les cavaliers voulaient en savoir plus sur la vie de Philippe. De quel
siècle venait-il ? Qu'est-ce qu'il faisait pour s'amuser ? Comment était
son école ? Comment étaient les maisons de son village
? Pour Philippe, toutes ces questions lui donnaient l'occasion de pratiquer
son français.
....Philippe
leur a ainsi expliqué qu'il venait du 21e siècle, et d'un
pays qui, en fait, n'existait pas encore pour eux. Dans ce grand pays,
il habitait, avec sa famille, dans une grande maison, construite en 1910.
Pour eux, il était presque impossible d'imaginer un temps si loin
dans le futur ! Ils continuaient à lui poser des questions. Ils
voulaient vraiment savoir comment était sa vie !
Il était 17 heures quand ils sont finalement arrivés au bord
d'un lac. Le lac était grand et bleu, entouré par des fleurs
et des arbres. De l'autre côté , Philippe apercevait un château
! Ça y est !, se disait Philippe, finalement je verrai Yseut !
....Si
Philippe avait grandi au Moyen Âge, il serait maintenant, peut-être à la
place de Tristan. Mais alors, Yseut n'a d'yeux que pour Tristan aujourd'hui.
Philippe, donc, se contentera de la rencontrer.
....Dans
la classe d'histoire française, Philippe a étudié l'histoire
tragique de Tristan et Yseut. Il savait qu'Yseut était promise
en mariage au Roi Marc et que Tristan, en respectant son oncle, le Roi
Marc, n'a jamais rien dit au sujet de l'avenir d'Yseut. Pour Philippe
il était difficile de comprendre ce type de loyauté. Comment
pouvaient-ils, Tristan et Yseut, accepter leur destin si facilement ?
Ce type de mariage arrangé était tellement loin de sa réalité qu'il
en est devenu tout triste en pensant aux deux amoureux.
....Mais
en ce jour médiéval, où se trouvait Philippe, Yseut
n'était pas encore mariée et elle profitait de sa vie de
jeune femme. Le matin, elle faisait la grasse matinée et se levait
vers 10 heures du matin. Dans son château, Yseut n'était
jamais seule - il y avait toujours quelqu'un à sa disposition
pour l'aider à s'habiller et pour l'accompagner, pour qu'elle
ne soit jamais seule. Pendant la journée, Yseut se promenait dans
les champs égayés par des fleurs et se baignait au lac.
Le soir, elle mangeait tard, parfois avec ses parents, parfois avec ses
amis, et de temps en temps, elle mangeait avec des nobles de pays lointains.
Elle aimait toujours partager son beau château avec les autres.
Mais, à vingt ans, elle n'avait jamais imaginé qu'un jour
elle aurait quelqu'un qui lui rendrait visite de si loin dans le temps
et dans le monde !
....Philippe
et les cavaliers ont traversé le lac en une heure. Il était
18 heures et le soleil commençait à disparaître.
Le coucher du soleil était d'une telle beauté que Philippe
en avait presque oublié la beauté d'Yseut. Le ciel déjà rose,
les oiseaux perchés dans les arbres qui chantaient dans le crépuscule
naissant, et le doux son des vaguelettes sur le bord du lac aidaient à calmer
Philippe.
....A
leur arrivée, Philippe et les cavaliers ont entendu de la musique
et une douce voix qui chantait. Les cavaliers ont su tout de suite que
la voix était celle d'Yseut. Philippe a frappé à la
porte et la musique s'est arrêtée. La porte, vieille et
lourde, s'est ouverte et, de l'autre côté, était
Yseut ! Philippe a pensé qu'il allait s'évanouir.
....Les
cavaliers et Philippe ont été invités à table
et ils ont bien accepté. Là, dans la grande salle à manger,
Philippe était à côté d'Yseut mais il est
devenu muet ! Après quelques minutes, et un verre de vin, Philippe
a pu parler et tous les deux, Yseut et lui, ont bavardé pendant
des heures - jusqu'à ce que les bougies se soient éteintes.
Il était temps, déjà, qu'Yseut se couche
-Tu es fatigué Philippe ?, disait Yseut. Il faut se coucher de bonne
heure pour pourvoir passer et réussir à l'examen final.
....Examen
final au Moyen Âge ? Tout d'un coup, Philippe se réveille
et se rend compte que c'était le prof qui lui parlait !
Quelle honte ! Le professeur avait déjà fini le Moyen Âge
et il était en train de parler de la fameuse Marie-Antoinette. Philippe
n'avait pas encore envie de s'arrêter de penser aux jolies femmes. Pendant
que son prof parlait, il rêvait, cette fois encore, qu'il était
assis à la grande table du Palais de Versailles, goûtant à tous
les repas excellents à côté du roi Louis XVI, et encore
plus attirant, qu'il causait avec sa femme, la belle Marie-Antoinette.
Cette image lui paraissait si réelle, qu'il a commencé à entendre
les voix des nobles, et tout d'un coup, il s'est vu se promenant dans les couloirs
du grand palais
....Marie
Antoinette est une femme de grande taille, bien faite, à la posture
royale et au sourire fier mais pas dédaigneux. Elle a les mains
très fines, les bras longs, et les épaules blanches et
délicates - on les dirait sculptées dans du marbre. Ses
yeux montrent une naïveté d'enfant, curieusement mélangée
avec une espèce de sage tristesse. Douée d'une voix mielleuse
et douce, elle s'adresse à tous d'un ton d'une égale bonté.
Sa voix dénote un esprit magnanime ; elle projette de la bonne
volonté envers tous, sans vraiment sembler comprendre ce qui se
passe autour d'elle.
....Philippe
s'est aperçu de cette naïveté surtout pendant leur
promenade au Petit Trianon. La reine et ses amies avaient mis leurs costumes
de bergère, tout ornés d'or et de bijoux, pour jouer dans
le petit village féerique qui captait leur fascination pour la
vie à la campagne. Philippe arrivait à comprendre l'ironie
dans tout cela. Cette gentille personne, avec son jeune mari, qui montrait
un pareil niveau de naïveté, était censée représenter
toute la France. Et pourtant le jeune couple n'y comprenait rien ! En
flânant sur les petits sentiers bordés de cottages charmants
et à travers les parcs où des agneaux blancs et des canards
bavards mangeaient paisiblement, Marie-Antoinette semblait inquiète.
- Son Altesse me semble un peu préoccupée cet après-midi,
a-t-il hasardé poliment. Elle a souri gracieusement, sans répondre.
Ils ont continué à se promener à l'ombre.
- Oui, en fait, a-t-elle soupiré, je m'inquiète. On me dit que
le peuple français n'est pas content. Et vraiment, je n'arrive pas à comprendre
pourquoi. Je ne suis pas la seule, a-t-elle rajouté, vous avez dû remarquer
l'ambiance au palais. C'est affreux.
....Philippe
se rappelait les motifs de Louis XIV en construisant Versailles pendant
son règne : d'abord, pour s'éloigner du même peuple
qu'il était censé gouverner, et ensuite, pour surveiller
les nobles. Mais maintenant, ce n'étaient plus les nobles qui
causaient des problèmes, et Versailles n'était plus assez
loin de Paris pour les protéger de l'orage qui s'y tramait.
- Vous savez, a dit Philippe, toujours respectueux, ils sont dans un état
pas trop agréable, là, à Paris. Ils n'ont même pas
de pain. Confuse, Marie-Antoinette l'a regardé avec de grands yeux :
- Pourquoi ne mangent-ils donc pas du gâteau ?
....Philippe
n'a guère eu le temps de réfléchir à l'ignorance
désastreuse que cette réponse indiquait. On a entendu le
son des pas précipités sur le chemin du jardin, et des
voix affolées qui criaient :
- Le peuple se révolte, à Paris ! Sauvez vous, Votre Altesse
! A la protection de la famille royale ! On demande la tête du roi !
....Dans
la confusion qui a suivi, Philippe s'est éloigné de sa
douce compagne de l'après-midi, bousculé par les bergères
et les gardes suisses et par tout ce monde effaré qui réagissait
avec panique à l'ombre des arbres majestueux des jardins de Versailles.
Il est tombé parmi les cris de " au secours ! " et de " Vive
le roi " qui résonnaient des murs du palais jusqu'aux fontaines
opulentes de la cour. Tout d'un coup il est tombé - il ne pouvait
apercevoir que des pieds bottés tout autour de sa tête.
- On va me guillotiner ! s'est-il dit, paniqué, en luttant pour se lever.
Il a été possédé à ce moment-là par
l'image d'un homme masqué tout en noir venant vers lui, sa propre tête
posée sur une planche en bois, un panier en dessous pour l'attraper,
des traces de sang partout sur l'estrade, la foule hurlante, anxieuse d'y voir
mélanger le sien
la lame descendait
BOUM !!! Philippe était réveillé par le son de son manuel
d'histoire qui venait de tomber par terre. Il a été étonné d'apercevoir
que le prof avait fini son discours sur la Révolution Française,
et s'était déjà lancé dans une révision
précipitée de l'art des dix-neuvième et vingtième
siècles. Il faut dire qu'il n'était vraiment pas admirateur du
style artistique de cette époque.
....Philippe
a fermé les yeux un instant mais en dépit de ses meilleurs
efforts il a commencé à rêver. Devant ses yeux il
a aperçu des papiers découpés de Matisse et après
quelques instants il s'est vu transporté dans l'atelier de l'artiste.
Là, il s'est trouvé entouré d'un mélange
incroyable de couleurs, de textures, de formes et de lignes. Et juste
en face de lui se tenait debout le peintre lui-même. Il travaillait
sur un tableau qui commençait à prendre vie indépendamment
de l'effort de l'artiste. La forme de la femme devenait plus animée,
plus palpable, même plus réelle que la vie, sur la toile
de l'artiste.
....Philippe
voulait demander à l'artiste comment il était capable de
créer une telle merveille mais il ne pouvait rien dire et il se
sentait figé entre le temps et l'espace. Il est resté quelques
instants dans cet état étonné mais tout à coup
la parole lui est revenue :
- Je suis désolé de vous déranger Monsieur. Je ne sais
pas comment je suis arrivé ici. Je n'avais jamais été dans
un tel endroit, a expliqué Philippe.
- Votre présence ne me dérange pas, a grogné l'artiste.
Je vais continuer à peindre comme toujours. Quand je travaille je suis
tout à mon uvre.
- C'est formidable. Mais moi, je suis lycéen. Mon père veut que
je sois médecin, mais je ne vois aucun intérêt dans cette
carrière. Je voudrais trouver une profession qui me plaise, a déclaré Philippe.
- Je n'ai pas toujours été artiste , a avoué Matisse.
J'avais commencé des études de droit. Cependant je suis devenu
malade et à cause de cette maladie toute ma vie s'en est trouvée
changée pour toujours. C'est pendant cette période que j'ai été saisi
par le désir d'être artiste : Et voilà les résultats.
....Tout
en regardant les résultats, Philippe a trébuché sur
une petite marche et il s'est évanoui. Quand il a repris connaissance,
il était encore une fois dans la classe d'histoire française.
La cloche venait de sonner, et son prof le regardait d'un air mécontent.
Il a vite quitté la salle de classe et a couru pour attraper l'autobus.
....Philippe
est rentré chez lui - épuisé, bouleversé,
et ayant extrêmement faim. Il s'est débarrassé de
son sac en poussant un grand soupir.
- Ca va, chéri ? a crié gaiement sa mère, le faisant presque
sursauter.
- Oui, maman, a-t-il finalement réussi à dire, mais sans vraiment
pouvoir le croire lui-même.
- Tu as l'air d'avoir vu un fantôme
tiens, qu'est-ce que tu as
? Tu as peut-être faim ? Je peux te préparer quelque chose ? Philippe
a dit " oui " de la tête, avec beaucoup de vigueur.
....Elle
a commencé à fouiller dans le frigo, toujours en bavardant.
Philippe a reposé la tête sur la table, et a fermé les
yeux, mais s'est tout d'un coup rendu compte du danger de ses actions.
Il s'est levé avec un tel geste que sa mère s'est arrêtée
de parler.
- Mais, vraiment, Philippe, dit-elle inquiète en le grondant doucement,
tu ne dois pas être dans ton assiette. Va te reposer. Va, va. Elle l'a
poussé, malgré ses protestations, dans la direction de sa chambre.
Il a quitté le salon, sans énergie pour se disputer.
....Au
lieu d'aller dans sa chambre, ne voulant pas y rencontrer la tentation
forte de son lit confortable, il a frappé à la porte de
son grand-père. Il n'en avait vraiment pas l'habitude, ayant un
peu peur du vieux bonhomme. Mais quelque chose dans les événements étranges
de la journée le poussait à lui parler.
....Philippe
a attendu à la porte, indécis, ne sachant pas si le vieil
homme était endormi, ou si c'était sa surdité qui
l'empêchait de répondre. Il allait continuer le long du
couloir pour rentrer dans sa chambre, quand brusquement, la porte s'est
ouverte, et il a été surpris par le son d'un vieux phonographe.
- Viens ! a aboyé son grand-père. Je veux te faire écouter
quelque chose !
....Philippe
est entré dans la chambre, timide de nouveau. Il a regardé avec
méfiance la machine de laquelle émanait une mélodie
lugubre de saxophone, ponctuée du hurlement strident d'un chur
de trompettes - tout cela à travers le crépitement confus
du vieil appareil. Puis il a tourné son regard vers son parent âgé,
qui parlait sans se rendre compte qu'on ne l'entendait pas.
-
ce qu'on écoutait pendant la guerre, finissait-il de dire, jetant
un coup d'il suffisant à son petit-fils. Ta génération,
vous ne pouvez pas l'apprécier, avec le bruit que vous écoutez à la
radio. Le jazz, c'est de la vraie musique. Il s'est tu et a regardé par
la fenêtre. Philippe en a profité pour baisser le volume du phonographe.
Il a regardé son grand-père en silence.
....Grand-père
avait de petits yeux enfoncés dans des couches molles de rides.
Il avait une bouche déterminée et une voix éclatante.
Quand il vous serrait la main, malgré le tremblement des siennes,
on pouvait y sentir toute la résolution de son esprit. On ne pouvait
rien lui cacher, comme s'il pouvait lire tout ce qu'on avait en tête.
Il était strict, effrayant même, mais doué en dépit
de lui d'un cur dont seulement quelques personnes privilégiés
apercevaient la profondeur. Son comportement digne n'arrivait pas à déguiser,
pour ceux qui le connaissaient le mieux, une sensibilité tendre,
inattendue chez un homme qui portait autant de cicatrices dans l'âme.
- Tu aimes ? a demandé Grand-père, de sa façon bourrue.
Philippe avait un peu perdu la conscience de l'endroit où il était.
- Pardon ? a-t-il balbutié. Grand-père a gloussé un peu
tristement.
- Avec toi, c'est toujours la même chose. Tu as toujours la tête
dans les nuages. Philippe a baissé la tête, honteux. Grand-père
a fermé les yeux. Il avait l'air de s'endormir.
- Et si on allait dîner ? a dit Philippe, fort. Mais Grand-père
avait encore envie de faire souffrir son petit-fils. Sans ouvrir les yeux,
il a abordé le sujet dont Philippe avait horreur, surtout de discuter
avec cet ancien combattant.
- Et comment se passe le cours sur l'histoire française ? a grogné Grand-père,
en ôtant finalement l'aiguille du disque sur le phonographe.
....Dans
le silence résultant où résonnait cette questionne
odieuse, Philippe a remué sur son siège, et s'est éventuellement
rendu compte de l'impossibilité de s'échapper. Grand-père
attendait, exigeant.
- Le prof m'a châtié en me disant que je ne faisais pas attention
en classe.
- Mais qu'est-ce que tu faisais pour te faire gronder comme ça ?
- Je dormais, a avoué Philippe.
....Il
a été soudainement pris par le désir de se cacher,
ou peut-être de pleurer, en face du visage tellement déçu
et presque révolté de son grand-père. Celui-là a
poussé un soupir. Il a ouvert les yeux et a regardé son
petit-fils pendant quelques instants, sans parler.
- Tu sais, a presque chuchoté son grand-père, la raison pour
laquelle on étudie l'histoire ? Philippe a haussé les épaules,
en faisant une tête maussade. Tu sais, a repris son grand-père,
avec un regard lointain, ce que je faisais il y a soixante ans, dans le sud
de la France, mon pays natal ?
- Vous faisiez parti de la Résistance, a répondu machinalement
Philippe, selon ce que sa mère lui avait mille fois répété.
Son grand-père l'a regardé fixement, d'un regard pénétrant.
- Et qu'est-ce que cela te dit, à toi ? a-t-il questionné. Philippe
n'arrivait toujours pas à regarder son grand-père directement
dans les yeux.
- Que vous êtes très courageux, a-t-il essayé timidement,
que vous aimez la France ? Que vous voulez bien que je connaisse l'histoire
de mon patrimoine ?
- Tu crois que c'est à cause de mon orgueil que je te fais souffrir
dans un cours d'histoire française ? a-t-il songé, médusé.
Philippe a haussé les épaules. Tu ne pourrais jamais imaginer,
a continué son grand-père, tu ne pourrais jamais savoir comment
c'était de voir son propre pays détruit devant ses yeux. Mes
propres amis
j'en ai vu déportés vers des camps de travail
forcé. Imagine cela. Tes camarades de classe, tout d'un coup, partis,
quelques uns pour ne plus jamais revenir. D'autres qui mouraient, tous les
jours, dans un chaos insensé, dans cette campagne même que nous
connaissons depuis l'enfance. Ecore d'autres, envoyés dans des pays
inconnus pour se battre contre un ennemi dont nous ne comprenions pas les motifs,
un ennemi qui ne semblait même pas posséder de qualités
humaines, et que nous haïssions pour cela même. Mais cet ennemi
n'était, en fait, qu'un tas d'autres garçons naïfs et confus,
juste comme nous.
....Grand-père, ému,
devant son petit-fils intimidé, était en même temps
torturé par son plus grand espoir ainsi que par sa plus grande
crainte : l'espoir de pouvoir communiquer à Philippe la signification
de ce qu'il avait vécu, et, semblablement, la crainte de ne pas
pouvoir le faire. Le petit avait l'air de vouloir le comprendre. Néanmoins,
tous les deux comprenaient qu'il s'agissait d'une expérience qui
ne pourrait jamais être expliquée, ni tout à fait
se faire comprendre.
- Est-ce que tu comprends, a questionné sérieusement Grand-père,
l'élément le plus atroce de la Deuxième Guerre Mondiale
? Ici, il s'est penché vers Philippe, les mains tremblantes, et fixant
ses yeux désespérés sur ceux du garçon. Philippe
voulait pouvoir répondre. Il souhaitait de tout son cur ne pas
s'être endormi pendant le cours d'histoire française. Mais il
se trouvait muet devant une pareille manifestation d'émotion, avec laquelle
il avait tellement de mal à établir un rapport. C'est que, a
repris le vieux guerrier doucement, c'est la deuxième fois que cela
se passe.
....Grand-père
s'est tu, se retournant vers la fenêtre, et Philippe, bouleversé,
avait l'impression que c'était peut-être le moment de partir.
Cependant, bien que l'ayant souhaité pendant tout le discours
de son grand-père, il a compris qu'il ne voulait plus s'enfuir
devant les serments pédagogiques du vieux sage. Il avait l'impression
qu'il commençait à comprendre les raisons pour lesquelles
son grand-père avait tellement envie de lui parler de son passé,
et, de surcroît, son insistance sur l'importance de l'histoire
française. Au lieu de l'attribuer, comme jadis il le faisait,
au chauvinisme caractéristique d'un ancien combattant âgé,
il se rendait compte, en ce moment, du fait qu'il y avait d'autres motifs
chez son grand-père. L'urgence avec laquelle le vieux lui parlait
venait plutôt d'un fort désir de se rassurer que son petit-fils
n'aurait jamais à endurer la même épouvante qu'il
avait enduré, il y a soixante ans.
- Voilà, a dit son grand-père, comme s'il lisait la pensée
de Philippe. Que cela ne se passe jamais plus encore. Il y a beaucoup de mal
dans le monde, tu sais, beaucoup de mal
mais, tu es jeune, tu n'as pas
envie d'écouter les réminiscences décousues d'un vieil
homme pendant tout une soirée. Allons, on va dîner. Grand-père
s'est levé lentement, s'appuyant sur sa canne.
- Peut-être qu'après, a dit Philippe timidement, qu'après
le dîner, vous pourriez m'interroger, et m'aider à me préparer
pour mon examen final qui aura lieu cette semaine.
- Mais bien sûr ! a tonné Grand-père avec zèle,
On commencera avec le Moyen Age et on continuera jusqu'au présent !
Tout d'un coup, il a eu l'air de rajeunir. Il s'est avancé vers le salon,
une nouvelle grimace de détermination sur le visage. Prépare-toi
pour un voyage historique, artistique, et littéraire ! Et Philippe n'a
même pas eu l'occasion de regretter sa décision avant que son
grand-père ne se lance dans une grande diatribe sur les fondations historiques
du pays qu'il aimait.
Elaine,
Patricia, et Jenny
Aurélie,
Jean-Marc et Laeticia
-
Une correspondance -
de
Danica Messerli et Allison
Litten
Le
2 mars, 2003
....Cher
Jean-Marc,
....Je
t'écris en espérant trouver un correspondant. J'ai vu ta
photo sur le site ".Supers Ados " et
je veux en savoir plus sur la Côte D'Azur, là où tu
habites. Etant parisienne depuis toujours, je m'intéresse à découvrir
des endroits loin d'ici. On est partis en Bretagne tous les mois d'août,
mais c'est tout. A part ça, je suis toujours à Paris. J'ai
les cheveux bruns frisés et les yeux marron. Je n'ai pas de surs
ni de frères, et parfois je trouve ma situation nulle. Mon amie
Laeticia, qui est ma voisine, a beaucoup de grandes surs. Il est
marrant de voir tout ce qui se passe chez elle. Ses surs sont très
sophistiquées et bruyantes. Une de ses surs vient de se
marier en secret avec un type qu'elle connaît depuis seulement
un mois. Laeticia est venue ici se plaindre de cette nouvelle choquante,
parce que maintenant ses parents ne vont s'inquiéter que de ça
pendant le reste de l'été.
....Moi
je suis plutôt timide, mais ça ne me gêne pas parce
que j'aime beaucoup lire. J'aime lire des livres policiers palpitants
aussi bien que tout ce qui se trouve sur les grandes étagères
dans le couloir. Qu'est-ce que tu fais comme passe-temps ? Je n'ai pas
une grande quantité d'amis mais puisqu'il y a Laeticia juste à côté,
ce n'est pas un problème. Mon père est un homme politique
et ma mère est avocate. Ils sont gentils mais ce sont des parents
sérieux. Mon père, toujours soucieux, rentre tard et passe
le soir au téléphone. Comment sont tes parents ? Il y a
aussi mes deux chats qui sont mes meilleurs amis au monde, à part
Laeticia, bien sûr. Mes chats, toujours en train de remuer leurs
longues queues pour qu'on fasse attention à eux, me font rire
quand mon père est collé au téléphone. Ah
oui, et je joue du violon. Laeticia et moi, on aime beaucoup la musique.
....Réponds
vite s'il te plaît. Je voudrais bien recevoir d'intéressantes
nouvelles du lointoin sud.
....Bisous,
....Aurélie
Le
21 mars 2003
....Salut
Aurélie,
....Je
viens de recevoir ta lettre ; en la lisant je me suis rendu compte qu'une
fois j'ai visité Paris quand j'avais huit ans. Un film très
célèbre venait de sortir, " Le Septième
Ciel, " et j'y suis allé pour regarder la première
séance. J'ai fait la connaissance de Vincent Lindon (l'acteur
principal), dont j'ai reçu un T-shirt et un porte-clé.
....D'abord,
je suis grand et mince. Ma mère me dit toujours qu'il faut manger
plus, mais je ne cesse jamais de manger. Je suis un grand joueur de foot
et en jouant presque tous les jours, je crois que je vais rester mince
aussi longtemps que je continuerai à jouer. Je suis membre de
l'équipe ado de Cannes, une forte équipe douée.
Sportifs et sérieux, les participants de cette équipe réussissent
souvent ; on gagne la plupart des matchs. J'ai les cheveux châtains
et de grands yeux verts ; mes amies me disent toujours que j'ai de beaux
yeux. J'ai quatorze ans, mais je suis très grand pour mon âge.
....Comme
tu le sais déjà, j'habite à Cannes. Mon père
est metteur en scène et ma mère travaille dans le bureau
d'une agence de talents pour acteurs en herbe. Donc, j'ai fait la connaissance
de quelques acteurs célèbres : français, américains
et étrangers. Quelquefois les acteurs viennent chez nous pour
dîner. Par exemple, la semaine passée Josh Hartnett nous
a fait l'honneur de se mettre à notre table. En janvier un bal
a eu lieu et j'ai eu l'occasion extraordinaire de danser avec les jumelles
Olsen. En dansant (il faut que tu saches que je parais plus âgé que
mon âge) on m'a demandé de leur rendre visite en Californie
pour fêter leur anniversaire.
....Il
faut que je m'en aille. J'ai une répétition de foot ; on
a un grand match demain contre les Lyonnais, une équipe assez
bonne.
....Ciao,
....Jean-Marc
Le 1er avril
....Cher
Jean-Marc,
....Mon
amie Aurélie m'a montré ta lettre, à laquelle je
m'intéresse beaucoup. ....D'abord,
j'ai vu le film " Le Septième Ciel", dont tu
as parlé dans ta lettre, et que j'ai beaucoup aimé (je
l'ai vu l'an dernier). En fait, je n'ai pas trop aimé Vincent
Lindon. Penses-tu qu'il soit beau ? Moi, non. En général
je préfère les films dans lesquels jouent de beaux acteurs.
Je suis jalouse que tu aies fait la connaissance de Josh Hartnett, que
je trouve très mignon.
....Alors,
un peu de renseignements sur moi. J'ai 14 ans, je suis brune aux yeux
bruns. Je suis assez grande pour mon âge, et assez belle aussi
(c'est ce que dit ma mère). Je joue du violon, mais franchement
je n'aime pas trop la musique classique. Je préfère la
musique populaire, mais comme mon père est pianiste il faut
que je travaille sérieusement la musique classique. Ma mère
est chanteuse et mes parents voyagent souvent. Ils me laissent avec
mes surs aînées, qui ont 22 et 17 ans. Ma sur
aînée, qui m'aide avec mes travaux de théâtre
et qui suit aussi des cours de théâtre, habitent avec
nous. Elle ne travaille pas car le théâtre l'occupe à plein
temps. Ma sur cadette, qui est toujours en ville à faire
du shopping, va passer cette année son bac, pour lequel elle
n'étudie pas trop. Nous faisons souvent du shopping ensemble
; elle a du flair pour les affaires. Ma mère me donne de l'argent,
avec lequel je fais ce que je veux, quand mes parents partent. Comme
j'habite à Paris, il y a pas mal de boutiques dans lesquelles
j'achète de jolies robes. Je n'aime pas trop étudier,
et toi ?
....Je
voudrais être soit actrice soit mannequin. J'aimerais visiter
Cannes ; si je te rendais visite, m'amènerais-tu dans la ville
pour me montrer toutes les maisons des acteurs et des actrices ?
....A
plus, écris-moi.
....Laetitia
Le 3 avril, 2003
....Cher
Jean-Marc,
....Ta
vie à Cannes me paraît intéressante. C'est super
que tu aies l'occasion de rencontrer tous ces personnages connus. Moi,
je serais ravie de pouvoir causer de tout avec Audrey Tatou ou Julie
Delphy. Moi aussi, je vais souvent au cinéma et en plus je regarde
beaucoup de films à la télévision. Il y a un film
dans lequel joue Julie Delphy qui m'a beaucoup plu. Il s'appelle " Before
Sunrise ". Presque tout le film se passe dans un train dans
lequel deux personnes discutent et doutent du sens de la vie.
....Moi,
je ne suis pas sûre qu'elle ait un sens. Crois-tu qu'il puisse
y avoir quelque chose de bien dans toute la souffrance du monde ? Y-a-t-il
même quelqu'un qui sache ? J'aimerais bien discuter de toutes ces
choses avec quelqu'un, mais Laeticia préfère qu'on parle
de vêtements ou de musique. J'aime ça aussi, mais je cherche
au-delà de ça à comprendre la vie. Laeticia a dit
qu'elle comprendrait la vie dès qu'elle serait célèbre
par sa voix, et que maintenant il lui fallait seulement avoir beaucoup
d'amis. Parfois mes chats ont l'air de m'écouter d'une façon
très concentrée, mais il est aussi possible qu'ils veuillent
juste qu'on leur donne à manger. Mais peut-être qu'ils m'écoutent.
....Je
voudrais en savoir plus sur tes parents. Pour quels films ton père,
dont le travail fait de ta maison un lieu vraiment merveilleux, a-t-il
travaillé ?
Qui encore est venu chez toi ? Les jumelles Olsen, dont je tairai les films,
sont sûrement très jolies et gentilles. Il y avait peut-être
d'autres actrices assises autour de votre table ? Ou bien peut-être y
avait-il d'autres beaux acteurs ? J'aurais bien aimé rencontrer Josh
Hartnett. Je suis vraiment très intéressée par ta maison
toujours remplie de paroles célèbres et jamais, me semble-t-il,
comme une maison normale. Mais parfois les acteurs ne parlent que d'eux-mêmes.
Je déteste ça, et d'ailleurs, il n'est pas très intéressant
d'entendre quelqu'un qui ne parle que de soi et qui ne pense à rien
d'autre. Ainsi cela explique-t-il qu'il y ait tant de problèmes dans
le monde.
....Alors
maintenant, après avoir poursuivi mes pensées partout,
je crois être arrivée à la fin de cette lettre. Ecris-moi
tes pensées sur le sens de la vie. ....J'attends
avec impatience ta réponse.
....Bisous,
....Aurélie
Le 22 avril
....Chère
Laetitia,
....Je
suis content que les vacances arrivent bientôt. Mais ma mère
m'a demandé de faire du travail en biologie et en sciences naturelles
pendant l'été. Je n'aime pas trop les sciences et j'ai
reçu de mauvaises notes cette année. Je suis fort en éducation
physique (c'est évident parce que je suis si sportif), en éducation
civique et en allemand. Peut-être mon frère aîné,
Benoît, m'aidera-t-il avec les sciences ; notre mère m'a
dit que Benoît avait reçu de bonnes notes en sciences et
en mathématiques. (En été, il fait si beau à Cannes
que je veux bien passer mes journées à jouer au foot dehors.
Il est possible que je puisse jouer au foot le soir, quand il fait plus
frais mais avant que le ciel noircisse, après avoir passé la
journée à travailler avec Benoît.)
....Je
suis en troisième au collège Gérard Philippe à Cannes.
L'année dernière ma mère a insisté pour que
je suive des cours difficiles cette année, mais j'ai pas voulu.
Je voulais me consacrer au foot mais mes parents ont déclaré que
j'allais étudier l'allemand et le latin, aussi les SVT et la chimie.
Je me suis senti submergé de travail ! J'ai bien voulu m'inscrire
dans la filière Enseignement Général et professionnel
adapté mais mon père a dit : " non, jamais de sa vie." Mais
plus je travaille moins je joue au foot, et cela me gène beaucoup.
....Aussi
mes parents ont-ils insisté pour que je commence à travailler
un instrument musical. Cela me dérange. Le seul instrument auquel
je m'intéresse c'est la guitare, car j'écoute la musique
rock, dans laquelle on trouve pas mal de guitare électrique. La
guitare, j'adore ça. En plus, j'ai vu une guitare dans la vitrine
d'un magasin à Cannes ; cette guitare est très belle, faite
de bois de couleur miel. Je la regarde avec admiration, mais à distance.
Par contre, comme j'ai une préférence pour le foot, la
musique ne me fascine pas énormément. Ainsi suis-je plus
doué pour les sports que pour la musique, je résiste à cette
idée de mes parents. Mon petit frère, Sébastien,
joue du piano ; c'est son truc, la musique. Benoît est très
intelligent et les études sont extrêmement faciles pour
lui. Celui-ci ne doit pas trop travailler à l'école, celui-là ne
fait pas de répétition pour réussir dans ses concerts,
et c'est moi qui ne trouve du succès qu'avec les sports. Quant à mes
parents, c'est le caractère le moins important qu'on puisse posséder.
On ne peut rien faire dans la vie avec les sports, dit ma mère,
donc je suis le seul enfant à la maison qui ne puisse jamais suivre
ses rêves dans le monde du travail. D'une part je partage l'avis
de ma mère, que c'est très difficile de trouver du boulot
dans le royaume des sports. Mais, d'autre part je voudrais poursuivre
mes talents ; je suis fanatique.
....Donc,
que penses-tu de tout cela ?! Comment sont tes parents par rapport aux études, à la
musique, au shopping ? J'aimerais bien le savoir. Dis-moi !
....A
plus,
....Jean-Marc
Le 22 avril, 2003
....Cher
Jean-Marc,
....J'espère
que tout va bien à Cannes. J'aurais bien aimé avoir une
autre lettre de toi déjà dans la main, mais en attendant
je vais en écrire une de moi.
.... Au
fait, je ne vais pas très bien aujourd'hui. Laeticia devait venir
avec moi au magasin, mais elle n'a pas voulu. Mais elle n'a pas voulu
non plus me dire pourquoi, et à cause de cela je me sens mal.
Normalement elle me dit tout, et ce qui est bien, c'est qu'elle a toujours
beaucoup de secrets. Je dois faire mes devoirs, alors je poste cette
lettre tout de suite.
.... Aurélie
Le 31 avril
.... Mon
cher Jean-Marc,
.... Je
suis très fascinée par la vie de ta famille. Il me semble
que nos parents ne partagent pas du tout les mêmes avis par rapport
aux études. Comme mes parents sont souvent en voyage et que je
n'ai que mes surs qui s'occupent de moi, en général,
je peux faire ce que je veux. Donc, tant que les travaux scolaires ne
m' intéressent guère, je me dédie davantage à des
activités auxquelles je me passionne (comme devenir mannequin).
Mes surs et moi, nous sommes plus belles qu'intelligentes. Chacune
de nous possède des qualités physiques supérieures,
mais aucune n'est vraiment intellectuelle.
.... Par
contre, être mannequin, c'est un métier exigeant qui demande
qu'on se connaisse bien. On ne peut pas tout simplement être belle
et être mannequin sans rien faire. Si ma sur avait compris
cela, elle serait devenue top-modèle. Mais, quand elle a eu fini
ses études, elle s'est arrêtée de penser. Si elle
recevait un appel d'une agence pour mannequins, elle se prenait déjà pour
un personnage célèbre. Un jour, après avoir reçu
un tel appel, elle s'est tout de suite réfugiée dans sa
chambre pour pleurer parce-qu'on lui avait dit qu'elle n'avait pas de
look spécial. Mais il ne faut pas écouter tout le monde
! Quand enfin elle a eu fini de pleurer, elle n'en est point pour autant
devenue moins naïve.
.... Cela
ne se passera pas comme ça avec moi. Je t'écrirai comment
je vais faire dans ma prochaine lettre.
.... Laeticia
Le 23 avril
....Chère
Aurélie,
....C'est
super que tu aies des chats si intéressés. Dès que
je parle à mes chiens, ils ont l'habitude de se mettre à aboyer.
C'est un truc que je leur ai enseigné quand j'étais petit.
Quand je le faisais, ma mère était assez fâchée
contre moi. Elle m'avait dit, " Si tu leur fais apprendre des astuces énervantes
comme celles-ci, ce ne sera pas moi qui m'occuperai de ces bêtes
si douées, comme tu dis. " Alors, c'est moi qui m'occupe
de nos chiens, mais parfois je dis à mon frère que s'il
se promène avec les chiens, et leur donne à manger, je
lui donnerai dix Euro. Cela marche en général. Cela me
donne plus de temps pour me concentrer au foot.
....Pour
moi, la vie est très simple, comme les T-shirts américains
: " Manger, dormir, jouer au foot. " Quand même, si je
m'étais donné à fond dans mes études cette
année, mes parents ne me forceraient pas à passer du temps
cet été à travailler avec mon frère.
....Tu
as l'air très intelligente, beaucoup plus intelligente que moi.
Je crois que je ne suis pas le meilleur correspondant pour toi. Je ne
suis pas trop intellectuel ; c'est évident, donc je te dis adieu.
....Bon
courage avec ta musique et tes études.
....Jean-Marc
Le
5 mai
....Chère
Laetitia,
....Je
viens de finir un match de foot contre les Toulousains dans lequel on
a perdu 4-3, mais c'était un bon match. Il me semble que notre équipe
réussit ce printemps et qu'on gagnera le concours régional
qui aura lieu à la fin juillet. Ce soir, j'ai envie de sortir
avec des amis pour voir le film " Loulou et les autres loups.". C'est
un film d'animation qu'un ami de mon père a réalisé ;
cet homme m'a dit qu'il ferait venir chez lui les acteurs à condition
que je le voie. Ce dont j'ai envie, c'est de voir les visages des personnes
dont je ne connais que les voix.
....Etant
donné que tu dis que la vie d'un mannequin est assez difficile,
j'imagine que tu travailles beaucoup. Il y a pas mal de gens qui pensent
que les filles, que passionne la profession de mannequin, font des études
plutôt simples. Mais moi, je comprends bien que devenir mannequin
c'est comme jouer au foot. Il faut beaucoup s'entraîner, il faut être
diligent, il est nécessaire de bien dormir et de bien manger (mais
si, il faut manger !) et de bien étudier. Tu passes des heures à regarder
des vidéos d' autres mannequins ? Ainsi, tu peux peut-être
les critiquer et apprendre les méthodes utilisées par les
autres. Je le fais souvent avec le foot et je réussis souvent à perfectionner
ma technique. Ni ma mère ni mon petit frère comprennent
ce que je fais, mais je suis sûr qu'en étudiant les matchs
j'améliore ma technique.
....Je
veux bien qu'on se réunisse pendant les vacances d'été.
Bien que j'aie un match à Paris le 23 juin, peut-être qu'on
peut se réunir à Paris ? Mon père a une réunion
l'après-midi de ce jour-là, donc je te donne la responsabilité de
choisir l'endroit où on peut discuter. J'aurai fini le match à midi
et nous pourrons nous réunir à quatorze heures - tu es
d'accord ? Le stade où aura lieu le match se trouve un peu à l'est
du centre ville, mais mon frère, avec qui je serai en voiture,
se débrouille bien quand il s'agit de conduire dans les grandes
villes. Qu'il me dépose à l'endroit de notre rendez-vous à l'heure
!
....Je
vais expliquer cela à mon père de façon qu'il comprenne
bien l'importance de notre rendez-vous. Pendant que je jouerai, mon père
discutera avec les acteurs prévus pour son prochain film, un film
d'aventure. Je l'ai aidé avec l'intrigue. Pourvu que mon frère
Benoît vienne avec nous à Paris pour me regarder jouer au
foot, tu feras aussi sa connaissance. Je lui ai parlé de toi et
il est heureux d'avoir l'occasion de te rencontrer. Il aime beaucoup
les jolies filles !
J'attends avec impatience notre réunion.
....Bises,
....Jean-Marc
Le 9 mai
....Cher
Jean-Marc,
....Bien
sûr qu'on se verra à Paris. Pendant que vous serez en train
d'essayer de gagner le match, moi, je serai en train de magasiner avec
ma sur. Quoi qu'il arrive, même s'il y a des grèves
et qu'il n'y ait pas de métro, j'arriverai et je t'attendrai devant
le Sacré Cur à 14h00. J'attendrai là jusqu'à ce
que vous arriviez.
....A
bientôt,
....Laeticia
Le 27 juin
....Cher
Jean-Marc,
....Enfin, ça
fait bizarre de t'écrire maintenant que je te connais. Je ne sais
plus quoi te dire. Je voulais parler à Aurélie des aventures
qui nous sont arrivées ce jour-là, mais je ne sais pas
ce qu'elle penserait de notre amitié. Mais vraiment, quand on
a vu partir le train avec toi qui étais monté dedans juste
pour nous faire rigoler - quelle horreur ! Cette histoire vaut bien la
peine de la raconter à quelqu'un ! On ne savait quoi faire ! La
tête que faisait Benoît était précieuse. Tu
pensais vraiment pouvoir toucher la fenêtre de l'autre côté avant
que les portes ne se ferment ? Benoît n'arrêtait pas de se
tirer les cheveux ; sans s'en apercevoir, il les a fait se tenir debout
comme si de l'herbe poussait sur sa tête. Moi, j'ai eu l'idée
de te suivre en prenant le prochain train et je voulais que Benoît
reste là, de façon à ce que l'un de nous puisse
peut-être te rattraper. Mais Benoît ne voulait absolument
pas que je m'en aille seule. A propos, est-ce que tu pourrais me donner
l'adresse de Benoît pour que je puisse lui écrire ? Il a été très
gentil avec moi, et je voulais le remercier. Quand bien même tu
n'étais pas revenue toute de suite, je crois que Benoît
aurait su ce qu'il fallait faire.
....Bon,
au lieu de continuer à t'écrire, je m'arrête là en
attendant ta réponse. ....Tu
penses pas que c'est bizarre quand même qu'on se connaisse maintenant.?
Ce n'est pas parce-que tu n'es pas aussi grand que tu l'avais dit, d'autant
plus que tu n'as pas l'air très sportif ; c'est que, jusqu'à ce
que on se soit vu, tu n'étais que des bouts de papier dans la
boîte à lettres. Bon, je vais faire jouer mes chats.
....A
tout à l'heure,
....Laeticia
Le 4 juillet
....Chère
Laetitia,
....Ça
a été un plaisir de te voir après nous être écrit
si longtemps. Je suis sûr que tu auras beaucoup de succès
quand tu deviendras enfin mannequin. Tu es très belle, plus belle
que la plupart des mannequins que j'ai vus, et vraiment très sympa.
Et j'ai beaucoup apprécié que tu sois venue à mon
match de foot (tu as eu de la chance que j'étais sur le terrain
de foot quand tu as téléphoné à mon père
pour savoir où avait lieu mon match !). J'aime bien Paris et merci
de nous avoir montré le Paris des Parisiens. Ta sur est
aussi très sympa, mais en effet je crois que tu auras plus de
succès. Tu as un air assuré, ce qui lui manque, et c'est
une chose cruciale pour les mannequins.
....Alors,
comme tu as passé tant de temps avec mon frère, je vais
vous laisser communiquer. Je recevrai de tes nouvelles par lui. Bon courage
avec tout.
....Adieu,
....Jean-Marc
Le 2 août 2045
....Salut
Raoul,
....Quelle
histoire ! Je viens de trouver les lettres qu'ont écrites ma mère
et ton père Jean-Marc, mon oncle. Je ne savais rien de leur rapport.
Et penser que mon oncle aurait pu être mon père (et moi
ta sur !) ! Oui, c'est vrai que le mariage de Maman et Papa n'a
pas duré longtemps (et à mon avis, c'est à cause
de la différence d'âge entre eux). Maintenant, lorsque je
réfléchis à cela, je me rends compte que les relations
entre Maman et Tonton avaient été plutôt difficiles.
Tu l'as vu aussi ? Ce n'était pas du tout évident à cette époque-là,
mais je savais depuis toujours que quelque chose n'allait pas bien.
....C'est
vraiment en ce moment que je voudrais parler à ma mère.
Il y a cinq ans ce mois-ci qu'elle est morte (le huit exactement) et
comme mon père est parti pour le Canada, il y a huit ans, et qu'il
s'est marié avec une Québécoise que je ne connais
pas du tout, il me semble qu'il n'existe personne, sauf toi, avec qui
je peux parler de tout ces événements. Je veux bien savoir
ce que tu penses de tout cela. Ces nouvelles me rendent apathiques.
....Ecris-moi
super-vite, je t'en prie !
....Bises,
....Ta
cousine Nadine
Aline
et Laurent
-
Une correspondance -
de
Susie Michel
Le
15 juillet 1939
....Chère
Manon
....Voici
Aline. Comme tu le sais, ma chère cousine, je suis d'origine
française comme toi, mais on est partis pour le Canada pendant
huit ans parce que papa y avait trouvé du travail. Cependant,
nous sommes rentrés en France juste avant la sacrée deuxième
guerre mondiale quand je n'avais que 10 ans parce que, mourant d'une
maladie rare et inconnue, Pépé voulait qu'on soit tout
près de lui pendant ses derniers jours. Alors toi et moi, on
se reverra un de ces jours, j'espère, parce qu'on ne se connaît
plus guère après toutes ces longues années. Ça
fait longtemps, presque huit ans, que l'on ne s'est plus revues. Mais
je n'ai pas trop changé
.. Toujours très bosseuse à l'école
aussi bien qu'à la maison, je suis de petite taille aux yeux
bleu-vert et je porte des lunettes, comme auparavant. Comme tu le sais
bien, même quand j'étais petite, on m'a toujours considérée
très dynamique et maintenant, ayant un sourire de starlette
qui fait venir l'eau à la bouche aux petits garçons dragueurs,
je dois te dire que j'en ai rencontré un qui me plaît
bien
.il s'appelle Laurent
.laisse-moi te raconter
.
Le
16 juillet 1939 (suite de la lettre)
....Alors,
tu connais ce beau bracelet en or que Mémé m'avait offert
le jour où je suis née ? (Toi tu as le même.) Eh
ben, mon amie Margot dont tu avais une fois fait la connaissance et
moi nous nous promenions un jour ici près de chez moi. Puis
tout d'un coup on a dû courir comme des folles dans une traboule
parce qu'il avait commencé à pleuvoir. On s'est mises à rire.
Je croyais que ça allait être un bon souvenir mais brusquement
je me suis rendue compte que mon bracelet avait disparu. Oh-là-là je
me suis mise à sangloter quand je m'en suis aperçue.
Margot ne savait ni quoi faire ni quoi dire. Elle insistait pour que
j'aille le trouver, mais il n'y avait rien à dire, j'étais
toute triste. Et peu après, mon petit ange gardien a apparu
! Il s'appelle Laurent et pendant que je pleurais j'ai entendu sa conversation
avec Margot. D'abord il s'est présenté, ensuite il lui
a raconté qu'il habitait en Normandie mais que pendant l'année
scolaire il allait dans un collège à Aix les Bains en
Savoie où il avait participé à l'Atelier Théâtre
et à la Chorale, mais qu'il passait ses étés à Lyon.
....Toujours
très gentille et respectueuse, Margot écoutait attentivement.
Et puis, en lui montrant une petite serviette qu'il a ouverte tout doucement,
je me suis aperçue que c'était mon bracelet
.ma foi
! Etant sûre de ce fait, mes larmes ont disparu et je me suis approchée
d'eux. J'avais eu raison - il avait retrouvé mon bracelet à deux
pas de là où l'on était et il a tout de suite supposé que ça
devait nous appartenir. Le brave garçon, mon héros ! En
voyant mon bracelet dans ses mains, je n'ai pas pu m'empêcher de
l'embrasser même avant de me présenter. Et alors c'est ainsi
que j'ai fait la connaissance de mon nouvel et cher ami Laurent.
....Cher
Laurent
....Je
viens d'écrire une petite lettre à ma meilleure amie Manon
qui habite la Normandie où elle a beaucoup de soucis à cause
des Boches qui occupent sa région. Elle ne s'inquiète pas
trop, ce qui me conforte, mais ce dont je me préoccupe c'est de
son éducation car c'est une artiste géniale, vachement
talentueuse, mais qui ne sait plus assister à ses cours. Or, je
sais que vous vous écrivez, ce qui est excellent. Mais ce qui
nous effraie c'est le fait que ton père participe comme collabo
avec Pétain. On sait bien que ça doit te gêner, mais
s'il a déjà travaillé avec Pétain, pourquoi
ne t'es-tu pas enfui de ta maison ? Quand j'ai su que mon oncle collaborait
avec Hitler (tonton habite l'Allemagne), je n'ai plus voulu le revoir.
Or, je sais que ce n'est pas la même situation avec ton père
car c'est plus compliqué d'éviter un père qu'un
oncle, mais si tu lui avais demandé de ne pas collaborer et qu'il
l'eût fait, peut-être n'aurait-il pas renoncé à participer
?
Le
1 août 1939
....Ma
chère Manon
....Je
me rends compte du fait que tu es profondément amoureuse de Laurent,
mais il faut que tu saches que moi aussi je le suis. Avec cette situation
compliquée par la guerre, quand-même, il n'est pas évident
de juger de telles émotions. Si on pouvait tout changer et qu'on
puisse lire l'avenir, serions-nous encore amies si Laurent était
mon copain à moi ? Toi tu m'es la plus chère amie au monde,
et si je devais choisir entre vous deux, sois-sûre que je te choisirais.
Le problème donc est la guerre. Je me sens très attiré par
Laurent comme je t'ai dit, mais attention, il y a toujours Maximus !
....Cher
Laurent
....Bien
que nous ayons exprimé nos vrais sentiments l'un envers l'autre,
après avoir réfléchi à notre rapport et à mon
amitié avec Manon, j'ai quelque chose à t'avouer. Que tu
me comprennes bien, mon chéri, avec ce que je vais te dire - et
en plus que tu me pardonnes !
.... Avant
que la guerre ne commence, j'avais un petit ami qui s'appelait Maximus.
Après avoir fait ta connaissance dans la traboule ce fameux jour-là où Manon
pleurait sans cesse à cause d'avoir perdu son bracelet, tu sais
que moi j'ai flashé pour toi et j'ai tout de suite compris que
toi aussi tu avais le coup de foudre pour moi. Bref, je te raconte tout
cela avec l'espoir que tu continueras à m'écrire pendant
ces temps difficiles et pour que tu saches que Manon pense continuellement à toi.
Or, je désire rester amis - mais il fallait que je te prévienne
de ce changement de sorte que tu le comprennes car Maximus et moi nous
sommes déclaré notre amour l'un envers l'autre.
40
ans plus tard
Les lettres d'Aline trouvées par sa petite-fille Magali
Le
18 juin 1979
....Cher
Papi
....Je
viens de faire une découverte assez importante à propos
de Mami, toi et un certain Laurent pendant la deuxième guerre
mondiale. J'espère que ce dont je te parle ne va pas te faire
pleurer, mais ici j'ai trouvé un coffre plein de lettres dans
le grenier de votre première maison où, cet été,
je passe deux semaines avec mon amant Jeannot.
....On
n'a pas voulu les lire mais c'était inévitable. Quand tu
reviendras ici la prochaine fois, elles se trouveront sur ton lit. Le
contenu est intime, bien sûr, puisque ça parle des rapports
amoureux entre Mami et toi et un certain Laurent. Quoique chère
Mami et Laurent soient ... morts maintenant.
Susie
Aline
et Laurent
-
Une correspondance -
de
Sandra Vanausdal
Description
d'un de nos personnages
....Laurent,
lycéen, a dix-huit ans. Sophistiqué et beau, il fait
attention à lui. Avec un visage ouvert aux yeux bleus étincelants,
il porte des lunettes qui lui donnent un air sérieux mais rassurant.
Toujours vêtu d'un pantalon couleur kaki et d'un tee-shirt d'une
griffe haute gamme, il s'occupe de son apparence. Il s'entretient en
faisant de la musculation au club trois fois par semaine.
Lyon,
le 8 juillet 1939
....Chère
mademoiselle,
....Permettez-moi
de me présenter. Je m'appelle Laurent BERNARD. Cet après-midi
en circulant dans le Vieux Lyon, j'ai eu le grand plaisir de faire la
connaissance de votre cousine ravissante, Aline. Tout affolée,
elle était en train de chercher sa gourmette dans une traboule.
Ne voulant pas avoir trop l'air de la draguer, je me suis permis d'aller
quand même à sa rescousse. Là, ensemble, dans ce
passage humide, j'ai été pris par son charme à la
fois aguichant et insolite. On a repéré un petit objet
doré, ruisselant dans un coin sombre. Le bracelet ! Heureuse,
elle a accepté de dîner avec moi dans un bouchon renommé.
....Lors
de ce dîner, Aline et moi avons parlé de la pluie et du
beau temps, mais à un moment donné, je l'ai sentie réticente.
J'ai appris son angoisse en ce qui vous concerne. Etant donné cette
période difficile, voire honteuse pour l'Europe, elle est médusée
par l'idée que les Allemands vous poussent vers un ailleurs inacceptable.
C'est pour cela que je vous écris aujourd'hui car j'ai quelques
idées à vous proposer. Si nous nous écrivions ?
Admettons que cette correspondance puisse poser de forts problèmes, étant
donné la gravité de votre situation, je trouve qu'il faut
prendre des risques.
....J'attends
donc votre réponse sous peu.
....Avec
toutes mes amitiés,
....Laurent
Lyon,
le 30 juillet 1938
....Chère
Manon,
....J'ai été heureux
de te lire. Maintenant que l'on est à tu et à toi, ça
me gêne moins de te faire certaines confidences. J'ai la grande
honte de t'avouer que mon père joue un rôle important dans
le gouvernement Pétain. Eh oui, c'est un sacré collabo
! Lors de ma dernière visite chez mes parents le torchon brûlait,
ma foi ! Je suis monté sur mes grands chevaux en leur disant leurs
quatre vérités. " Ah famille, je vous hais ! " Ça
y est
dorénavant je ne me considère plus comme un
BERNARD. Je leur ai annoncé que j'allais quitter le Collège
Sacré Cur pour de bon et entrer dans la Résistance.
A bas les Boches ! Ceci dit, je garderai sûrement le contact avec
toi ; d'ailleurs, je t'enverrai bientôt les noms des copains en
qui tu peux faire confiance ! Je te souhaite bonne continuation.
....En
attendant de te lire.
....Amicalement,
....Laurent
Lyon,
le 2 août 1938
....Chère
Aline,
....Je
réfléchis toujours à ce dîner délicieux
que nous avons pris à Lyon. Ça a été un véritable
régal dont je garderai toujours de beaux souvenirs ! Peut-être
aurons-nous d'autres aventures gastronomiques ? On peut toujours espérer
mais vu cette période politique sous Pétain, ce n'est pas évident
! C'est pour cela que je m'évertue le plus possible à me
reposer, à m'amuser. Tiens, pendant cette belle saison de farniente,
j'ai même retrouvé ma bande dessinée fétiche,
Spirou. Je me suis bien marré hier en lisant les aventures de
Spirou et de son inséparable compagnon, l'écureuil Spip
! Ça me rappelle les plus beaux jours de mon enfance, bien plus
paisibles que ceux-ci.
....L'autre
jour j'ai découvert le journal que je tenais à cette époque.
Quel plaisir de me remémorer mes anciennes vacances prises chez
mamie et papie à Aix-les-Bains. Et comme la vie a bien changé depuis
! Pour cette raison je vais m'engager encore une fois à tenir
un journal. Mais cette fois-ci mes réflexions seront moins ludiques,
moins banales. Après tout je n'ai plus dix ans. Par contre, je
veux y raconter mes émois, mes sentiments les plus profonds en
ce qui concerne quelques nouvelles connaissances que je viens de faire.
En fait de filles, je ne connais que mes surs. Mais depuis notre
rencontre je sens que je m'épanouie dans ce domaine.
....Je
t'embrasse fort,
....Laurent
Lyon, le 16 août 1938
....Ma
chère Aline,
....Je
ressens ton désarroi en ce qui concerne ta cousine Manon. Les
Allemands sont plus que fous, ce sont des monstres ! Comme je parle souvent
maintenant avec mes collègues dans le maquis je suis toujours
au courant des machinations des Boches ! Pour le moment, Manon ne doit
pas trop s'inquiéter. Pourtant, si elle sort de chez elle et qu'elle
aille à ses cours, il conviendra qu'elle le fasse avec ses copines.
A plusieurs, on est toujours plus en sécurité. De toute
façon, je lui ai déjà envoyé des tuyaux pour éviter
de se faire remarquer aussi bien que des adresses des copains qui pourront
l'héberger au cas où !
....J'espère
que tu te sens un peu plus rassurée maintenant. J'aimerais aussi
que l'on se revoie. Quant à ton copain, Maximus
en apprenant
que vous sortez ensemble depuis un an je t'avoue avoir été déçu
! Mais cela n'empêche pas que nous nous fréquentions de
temps en temps. Je t'ai déjà parlé du journal intime
que je me suis remis à tenir. Eh bien l'autre soir, comme je réfléchissais à notre
amitié - notre amour, si j'ose dire, j'ai écrit l'entrée
suivante, tout en m'inspirant de Victor Hugo :
....Que
cette douce Aline était belle sous le ciel bleu d'été,
sous les platanes, avec des roses en fleurs au-dessus de sa tête.
En effet la nature semblait faire une fête autour d'elle. Les arbres
et les fleurs la connaissent et la saluent. Ah, mon Aline est reine dans
ce monde charmant des choses qui embaument et qui s'épanouissent
comme elle est reine dans mon cur.
....Je
constate, ma chère Aline,
qu' en fait, nous avons une relation qui va au-delà de l'amitié.
S'agirait-t-il d'amour ? J'avoue que de ma part, ça a été le
coup de foudre le moment où je t'ai aperçue dans les traboules.
Réfléchis donc à notre relation ; y a-t-il de la
place dans ta vie pour moi ?
....En
attendant ta réponse, je reste ton fidèle Laurent.
Lyon, le 2 septembre, 1938
....Ma
très chère Aline,
....Que
ta lettre m'a remonté le moral ! Qui aurait deviné que
ce salaud de Maximus est un collabo ?! Hélas, c'est une honte
! Mais le fait que tu n'auras plus affaire à ce lâche me
donne de l'espoir. Tu m'aimes ! Dorénavant je serai en mesure
d'affronter toute difficulté, que ce soit avec ma famille, les études
ou la guerre. Comme Claude Debussy, qui a cueilli des violettes pour
sa femme, moi aussi, j'ai cueilli des roses pour toi. Mais tu n'es pas
là. Alors, comme Debussy, je me demande, pourquoi y a-t-il des
roses ?
....Je
t'aime de tout mon cur,
....Laurent
40 ans plus tard
L'affaire reprend. La petite fille de Laurent, montée chercher sa valise
dans le grenier, découvre un coffre mystérieux !
Beynost,
le 20 juillet, 1978
....Coucou
Emilie,
....Je
suis impatiente de te revoir à Aix. Tu comprends bien qu'au départ
je suis censée faire un stage à l'Institut dans la Rue
Bon Pasteur. Il paraît que les profs sont formidables. Un certain
cours d'écrit où l'on voyage à travers l'écriture
a l'air vachement intéressant !
....Mais
ne t'inquiète pas, on aura le temps de découvrir tous les
petits villages de la région comme Gordes, Roussillon, Antibes
et St. Paul de Vence. Et puis, avec cette canicule, on va se baigner.
On va se taper de la Côte d'Azur, quoi.!
....Mais
maintenant je passe aux choses un peu plus sérieuses. Ce matin
j'ai découvert une boîte cachée dans un recoin sombre
du grenier. A vrai dire, je me suis retrouvée médusée
devant ce coffre couvert de poussière. Voilà une photo
du contenu.
....En
effet, il s'agit des journaux intimes de mon grand-père, Laurent.
Ce matin, j'ai parcouru pas mal de pages sans ressentir de gêne
puisque l'auteur, donc mon grand-père est parti depuis longtemps.
Je découvrais une partie de sa vie que j'ignorais. J'ai été à ce
moment-là bouleversée et, en même temps ; très
fière de son passé héroïque dans le maquis.
J'ai ressenti son chagrin quand Aline lui a préféré Maximus.
Après tout, elle l'avait fait languir tout l'été de
38 pour rien. La garce ! Même s'il en a souffert, il s'est sans
aucun doute bien remis le jour où il a fait la connaissance de
Bonne Maman. Et je peux t'avouer que je ne regrette rien car, moi, je
suis là !
....Donc,
on a plein de trucs à discuter
surtout de ma rencontre
insolite l'autre jour dans les traboules !
....Gros
bisous ma cocotte,
....Maryline
Sandra
VANAUSDAL
Aline
et Laurent
-
Une correspondance -
de
Maria Benson
PREMIERE
LETTRE
....Chère
Aline,
....Il
faut te dire que si je ne finis pas cette lettre c'est parce que les
soldats allemands passent au-dessous de ma fenêtre et j'ai peur. Les
villageois, tous peureux et se méfiant les uns des autres, restent cachés
derrière les rideaux des vieilles bastides et maisons. Tu sais qu' étant
d'origine Corse, et la préférée de la maîtresse,
elle aussi d'origine méditerranéenne, j'ai des traits qui pourraient
me faire passer pour une jeune Juive. Toi, ma meilleure cousine, Aline, qui
habitais à côté, me disais qu'avec mon nom de Manon, personne
n'allait m'arracher de chez moi comme l'on a déjà fait avec plusieurs
voisins. Mon nez, pointu comme celui de papa, est un trait que j'ai toujours
voulu changer parce que les garçons se moquent de moi. J'ai la peau
couleur olive ce qui me distingue un peu des autres de notre village en Normandie.
A l'école, mes matières favorites sont le français et
les arts plastiques. J'écris de la poésie et le soir, je la lis
avec maman. Tu me manques beaucoup depuis ton départ pour Lyon.
DEUXIEME
LETTRE
....Chère
Aline,
....Toi,
tu ne changes jamais ! En lisant ta lettre, où tu parles de Laurent,
tu me rends jalouse . Tu ne dis pas si tu as retrouvé ton bracelet
; sa perte, sans doute, t'a bouleversée . Peut-être qu'il
est identique à celui que ton pépé t'a offert quand
tu étais toute petite ?
....En
décrivant tes rencontres tu me transportes là où tu
es, faisant la connaissance de ce Laurent qui paraît sympa et gentil.
Mais son père ! Si j'étais toi je l'éviterais comme
la peste. Il y a des collabos comme lui partout. Tout cela sert à diviser
les familles.
....Il
vaudrait mieux que Laurent quitte sa famille pour aller rejoindre la
Résistance. Supposons que les alliés arrivent tôt,
alors il se peut qu'on se revoie parce que papa a annoncé hier
soir au dîner ses projets pour un voyage familial à Lyon.
Quelle joie si ça pouvait se faire et si on sortait tous ensemble,
Laurent inclus ? Que c'était sympa de sa part de m'avoir écrit
une lettre dans laquelle il te décrit.
TROISIEME
LETTRE
....Cher
Laurent,
....Tout
d'abord, merci de ta lettre que j'ai reçue le même jour
qu'une lettre d'Aline où elle dit qu'elle t'a parlé de
mon dilemme. Ayant peur de t'impliquer dans ma situation, j'hésite à accepter
ton aide. Cependant, je n'ai aucun autre chemin à suivre.
....Hier
soir, on a entendu un appel du Général de Gaulle à la
BBC et dans un message passionné il a incité les Français à lutter
contre l'ennemi caché partout parmi nous et qui occupe notre pays
pendant cette période triste de notre histoire . Il a constaté que
les Français sont un peuple glorieux et courageux. Jean Moulin
est le héros de tous ceux qui rêvent à une France
libérée des Boches.
....Ainsi
donc, c'est à cet égard que je t'encourage, malgré les
obstacles, à te
mettre en contact avec la Résistance. Bref, envoie-moi vite les possibilités
que tu me proposes .
QUATRIEME
LETTRE
....Ma
chère Aline,
....Après
avoir lu et relu la dernière lettre de ton nouveau copain Laurent,
j'ai eu envie de faire un petit tour dans le village et passer voir le
vieux châtelain, M. Francparlant, un ancien artiste et poète
de la Belle Epoque. Il est réconfortant de se trouver en sa présence; ça
me rassure parce qu'il connaît et comprend si profondément
l'histoire. Ainsi m'a-t-il expliqué que pendant la première
guerre, lui aussi, a eu des craintes d'être pris par les Allemands.
Pour me distraire et me faire rire un peu, il a fouillé dans un
tiroir pour chercher de vieilles BD de
Tintin. On a bien rigolé ; Cela m'a fait du bien de m'échapper
un peu.
CINQUIEME
LETTRE
....Chers
amis,
....Aujourd'hui
encore j'ai senti le besoin de retrouver mon voisin M. Francparlant.
Je suis totalement bouleversée à cause de ce qui vient
de se passer. Aussi aurait-il mieux valu de vivre pendant un autre siècle.
Malgré nos progrès en science et médecine le monde
est devenu encore plus barbare.
....Il était
tard, il y a deux nuits, et je me promenais dans un petit sentier
avec le chien quand un groupe de soldats allemands m'a interrogée et
a insisté que je leur montre mes papiers d'identité. Certes,
j'aurais voulu rentrer chez moi, mais, maman en ce moment, souffre d'une crise
de nerfs et tout ça l'aurait mise dans un état insupportable.
C'est pourquoi je suis rentrée chez mon ami le châtelain. Cette
visite a été vachement triste car en arrivant chez lui je l'ai
trouvé en larmes. Il venait de recevoir une lettre de sa sur.
Elle faisait
partie de la Résistance et elle a été enlevée par
les SS. Elle lui avait écrit une lettre juste avant parce qu'elle savait
qu'ils venaient pour elle.
SIXIEME LETTRE
....Cher
Laurent,
....Si
Aline t'a montré ma dernière lettre, tu sauras que quand
je me promenais et que j'allais chez mon copain j'avais plus peur que
jamais. Une fois chez lui, je l'ai trouvé à l'extrême
de ses forces. Si j'avais pu faire quelque chose pour lui j'aurais dit
des mots réconfortants et encourageants mais quand je pense à la
réalité de notre vie et que le réel pour nous c'est
qu'il n'y a pas d'avenir sûr, je me tais et laisse parler le silence
entre nous. Les yeux rouges de tristesse, et pour la première
fois depuis que je le connais il est resté muet par manque de
paroles. Enfin,
quand il a eu dit ce qui le gênait ça a été à moi
de pleurer. Des larmes de compassion et des larmes de lassitude et de
résignation.
SEPTIEME LETTRE
....Chers
amis,
....Que
cette lettre vous trouve en bonne santé et que vous ayez pu résoudre
les questions sur Maximus et le fait qu'il soit aussi collabo ! Ma crainte
et mon désir sont qu'Aline soit heureuse et que vous deux résistiez
aux exigences des Allemands. Il est essentiel que nous, les Français,
gardions notre langue et notre liberté d'esprit, deux qualités
pour lesquelles la civilisation occidentale nous a reconnus tout au long
de l'histoire.
.... Depuis
ma dernière visite à M. Francparlant, j'ai commencé à relire
la poésie des Romantiques. C'est vrai qu'à travers la littérature
on échappe à une vie qui ne semble pas valoir la peine
de vivre tant qu'on est entouré de barbarie. Bien que Lamartine,
Hugo, etc. aient vécu pendant le siècle précédant,
ils nous parlent maintenant d'une voix universelle de sorte que je me
sens poussée à écrire, pour ma part, des vers.
....Préparons-nous
au cas où vous ne recevriez pas d'autres nouvelles de moi.
SEPTIEME
LETTRE
A son frère à New York, après la découverte des
lettres de Manon par sa fille, qui habite toujours en Normandie.
....Cher
François,
....Comme ça
a été rassurant pour nous tous que tu sois revenu en France
pour les obsèques de maman. Jusqu'à son dernier moment
elle a parlé de toi d'une fierté à la fois maternelle
et d'une façon intellectuelle. Elle avait fait traduire tous les
articles que tu as écrits pour Atlantic Monthly ; en particulier
ceux sur l'histoire de France. La lecture de ces articles a chaque fois
régalé les invités à la maison, après
un bon dîner et plusieurs bouteilles d'un bon Bordeaux. Lorsqu'on
leur avait fait apprécier le dernier, et que chacun des invités
avait ajouté sa part à la discussion, elle le pliait et
le mettait méticuleusement dans une vieille boîte
qu'elle gardait dans l'armoire de son grand-père. Il faut te dire que
tu me manques beaucoup.
....Comme
j'aurais voulu t'avoir près de moi quand j'ai découvert
hier dans la même armoire un paquet de lettres pliées avec
un ruban. Quelle découverte j'ai faite ! Et pour toi, l'écrivain,
quel trésor littéraire ! C'étaient des lettres qu'elle
avait reçues de deux amis pendant la guerre ! Quand est-ce que
tu reviendras ? ....Je
vais organiser une fête dans le village et on va faire une lecture
dans la tradition de maman.
Maria