Urbanisme, pour une ville désirable : Mordelles

Au rythme actuel, en France, tous les sept ans, l’équivalent d’un département disparaît sous les pelleteuses pour construire des maisons, des routes et des zones d’activité.

Une urbanisation effrénée et non maîtrisée qui a de lourds impacts sur la société et l’environnement : dépendance à la voiture, destruction des terres agricoles et naturelles, exposition accrue aux inondations, etc.

 

Jean-Stéphane Devisse, Directeur des programmes du WWF France.

« Depuis des années, WWF travaille avec des collectivités et nous avons donc pris la décision de renforcer cet axe, travailler en quelque sorte pour la ville de demain. Nous allons donc voir deux solutions concrètes mises en œuvre par deux territoires qui sont transposables à tous les territoires qui le souhaitent, et qui repose, ce concept d’urbanisme pour une ville désirable. »

 

VIVRE AUTREMENT Ville de Mordelles

La communauté d’agglomérations, Rennes Métropole, représente aujourd’hui, une population de plus de 350.000 habitants autour de la ville de Rennes. Confrontée à un accroissement de sa population, Rennes Métropole a choisi de renforcer le rôle des villes de l’agglomération pour l’accueil des populations, des services et des équipements. Ce développement en ville archipel permet d’allier qualité de vie, préservation du patrimoine écologique et développement de l’agriculture de proximité.

Mordelles, commune de 7.000 habitants située à une dizaine de kilomètres de Rennes, illustre le succès de ce type d’organisation.

 

Venir habiter à Mordelles

Mordelles est une ville qui a vu sa population multipliée par deux en trente-cinq ans. Afin de s’adapter à cette croissance, le choix a été pris de reconstruire la ville sur la ville, puis d’aménager de nouveaux quartiers comme celui de la ZAC des Pâtis/Les rues. Particularité de cet aménagement, l’habitat est pour la plupart du temps collectif. Quel regard portent les habitants sur leur commune et pourquoi ont-ils choisi d’y vivre ?

 

Bruno Guehenneuc, Habitant du quartier / Père de famille

« On cherchait une commune qui soit pas trop moche, qui ait du caractère, qui soit au niveau environnemental agréable, j’ajouterais, proche de la nature, donc de chercher une commune qui ait un peu ces atouts-là. Ce qui me plaît dans le quartier, c’est, en fait, la proximité, effectivement, avec le centre ville, le fait de pouvoir aller, euh, faire les courses à pied, euh, amener ma fille à l’école à pied. »

 

Yann Reynaud, Habitant du quartier / Père de famille

« Nous venant de la ville, on apprécie énormément le calme, le fait qu’on puisse laisser sortir, euh, les enfants sans souci, euh, on est dans un quartier où on est très vite dans la nature. Je fais beaucoup de sport, donc, euh, faire du vélo, aller courir, euh, on est tout de suite, euh, au milieu des animaux, euh, ou des champs. »

Les habitants de Mordelles sont particulièrement séduits par la proximité de la nature, de la vie à la campagne mais pas seulement.

 

Yann Reynaud, Habitant du quartier / Père de famille

« On sent que c’est une ville qui avance, qui bouge. La seule chose qui pourrait manquer à Mordelles, c’est peut-être un cinéma. Sinon, c’est vrai qu’on retrouve tout sur Mordelles. »

 

Sandrine Biet, Habitante du quartier / Jeune active

« Au niveau associatif, y’a autant de culturel que de sportif. Il y a des associations comme les jardins familiaux, euh… Y’a des associations, euh, très diversifiées en fait. »

 

Bruno Guehenneuc, Habitant du quartier / Père de famille

« À priori, euh, on est là pour un petit bout de temps, je veux dire. Tant que le travail est assuré sur Rennes, je pense qu’on restera là. On n’a pas de raisons de déménager honnêtement. »
Fort d’un tissu associatif dense, de services de proximité et d’une excellente desserte en transports en commun, Mordelles est un bon compromis entre la ville et la campagne. Ce résultat est l’aboutissement d’un engagement politique fort et dans la durée de la commune et de l’agglomération.

Bernard Poirier, maire de Mordelles, nous parle de l’évolution de sa ville.

Un maire volontaire

 

Bernard Poirier, Maire de Mordelles, Vice-président de Rennes Métropole.

« Mordelles est une des communes de l’agglomération et c’est une dynamique globale de l’agglomération, celle du concept, qu’on appelle « la ville archipel », mais, euh, je me méfie du mot parce que ce mot, euh, aurait tendance à [faire] croire que nous sommes isolés, or, en fait, nous sommes reliés, alors reliés par une culture commune, C’est-à-dire qu’on a fait un gros travail depuis quinze ans avec des collègues du lieu chargés des zones urbaines, les uns chargés de l’agriculture pour, euh, partager, euh, tous ensemble ces objectifs. Alors, euh, on ne l’a pas fait tout seuls ; on l’a fait, d’abord entre nous, dans l’agglomération, avec les services de l’agglomération, l’aide de l’agence d’urbanisme… Puis on est allé voir. »

Accueillir de nouvelles populations et lutter contre l’étalement urbain est donc une histoire d’agglomération. La municipalité innove en proposant des bâtiments de qualité environnementale, agréables à vivre et économes en sol tout en favorisant la mixité sociale et les commerces de proximité.

 

Bernard Poirier, Maire de Mordelles, Vice-président de Rennes Métropole.

« En matière de vie locale, bien, y’a des endroits où on a réussi. Sur le commerce total, je pense que l’intervention publique de la commune étant forte, avec l’exercice du droit de préemption sur les commerces, avec une intervention de l’aide foncière, bien, on fait des choses où ça réussit… Puis on a fait des choses où ça ne réussit pas toujours… Sur la question de l’étalement urbain, je pense que, d’une manière globale, par rapport à la dynamique que nous avons, on est plutôt en train de réussir. En tout cas, on fait moins [de] mal que si on n’avait rien fait et on limite largement l’étalement. Il nous reste beaucoup de travail à faire sur le mode des activités parce que c’est quelque chose qui n’avait pas été pris en compte suffisamment. On a bien travaillé sur l’habitat. Donc, sur les zones d’activités, on est en train d’y travailler d’une manière sérieuse et puis il nous reste beaucoup de travail sur le renouvellement urbain parce que le renouvellement urbain, c’est vraiment beaucoup plus compliqué que d’aller acheter de la terre agricole et de faire de l’extension. »

Un des objectifs des villes archipels est de préserver les terres agricoles autour des différents noyaux d’urbanisation. Cela demande d’être économe en sol mais aussi de valoriser l’agriculture de proximité et les produits locaux. En somme, rapprocher les habitants et les paysans.
Partager le goût du terroir

Lorsque vous vous promenez dans le centre de Mordelles vers la hâle du marché, vous découvrez un petit chalet en bois. En vous rapprochant, vous pouvez lire : Distributeur de lait frais. Nous sommes allés à la rencontre de Monsieur Nozay, l’agriculteur à l’initiative de ce projet.

 

M. Nozay, Éleveur de vaches laitières

« On avait découvert ce système de vente de lait direct sur une revue agricole et on avait trouvé le système pas trop mal et, à partir de là, ben, l’idée a fait son chemin pour aboutir au projet. Y’a maintenant un peu plus d’un an que c’est en place. On amène du lait frais aux gens de Mordelles et des alentours tous les jours.
- Voilà.
- Et donc là, vous avez votre litre de lait frais. 
- Un litre de lait tout frais. 
- Qui date de ?
- De ce matin. La traite de ce matin. Donc, du lait vraiment tout frais. Prêt à déguster.

C’est un retour aux sources pour certains, redécouvrir le goût du lait, le goût de la campagne un peu et puis… Le fait de savoir que c’est un producteur local, les gens hésitent moins aussi à acheter, savoir que le lait a fait très peu de kilomètres, très peu de parcours pour venir jusqu’à eux. Donc, euh, ça aussi, ça incite les personnes à le faire. »

Les habitants de Mordelles ne redécouvrent pas seulement le goût du lait mais aussi celui des produits locaux, frais et de saison grâce au marché des producteurs. Nous sommes partis visiter ce marché et rencontrer ses clients.

-Vous venez souvent dans ce marché ?
-Tous les vendredis, régulièrement, et j’y achète tous mes légumes, ma viande, mon fromage et mon pain aussi.
- Le fait que ce soit local, c’est quelque chose qui vous a motivée, euh, vous ?
- C’est très, très important. Je pense qu’effectivement acheter des produits qui sont, euh, locaux, régionaux, d’une part, ça aide les commerçants et puis, et puis, ça aide aussi l’environnement puisque, euh, les trajets sont beaucoup plus courts.
- Qu’est-ce qui vous plaît dans ce marché ?
- Déjà la proximité. C’est, euh, c’est intéressant puisque comme on habite juste à côté, on n’a pas besoin de prendre la voiture et de faire plusieurs kilomètres. Les produits sont bons.
- Avec les deux marchés par semaine, j’ai plus besoin de supermarché pour acheter, euh, ni fruits et légumes, ni fromage, euh... Voilà !

Pour retrouver le goût des produits frais et de saison, c’est aussi possible par le biais des jardins familiaux. Petits jardins potagers, mis à disposition des habitants du quartier des Pâtis/Les rues.

Les jardins familiaux

Une association s’est créée pour gérer les jardins et le verger collectif dans le respect de l’environnement avec une charte zéro pesticide.

Les demandes sont tellement nombreuses que de nouvelles terres vont être allouées prochainement par la mairie. Pourquoi un tel engouement ?

 

Bruno Guehenneuc, Habitant du quartier / Père de famille

« Donc, l’association, en fait, regroupe vingt-quatre jardiniers, hein, et puis deux personnes qui sont en dehors des, des jardins puisque l’association gère également un verger, donc, qui est, qui est de deux cents pommiers à peu près. »

 

Mme Godard, Présidente de l’association jardins familiaux des Pâtis

« Ces jardins ont été livrés et attribués tous, il y a maintenant, je crois, deux ans. Ils ont connu beaucoup de succès au point que nous avons une liste d’attente qui est bien complète et là, à côté, [il] va y avoir une autre série de jardins.

 

Yann Reynaud, Habitant du quartier / Père de famille

« Alors, c’est vrai que le côté convivialité primait au départ puisque c’est mon voisin qui m’avait proposé d’en prendre un. Moi, je pensais simplement mettre du gazon et si possible faire des barbecues le week-end. Et, en fait, je me suis vite plongé dans la culture. On s’est mis à la culture bio sans trop y croire, je ne vous le cache pas, au départ. Et puis c’est vrai que maintenant on a totalement adhéré. »

Mordelles conjugue développement durable et désirable. Le compromis entre l’accueil qualitatif des nouvelles populations et la préservation des patrimoines naturel et agricole est un succès. L’investissement dans le long terme des investisseurs locaux a payé. Les habitants se prennent au jeu en devenant animateurs d’initiatives alliant convivialité et environnement.

http://www.bruded.org/zac-le-patisles-rues-a-mordelles.html