Ronsard (Pierre de) Poète français 1524-1585

Guide d'étude poétique
(Permalink : /lrc.wfu.edu/french213/study_guides_poetry.htm)
« Un poème est un arrangement de mots, une déformation et reformation du langage quotidien, où le son des mots et le rythme créé par l’agencement successif des mots ont une importance égale à leur sens » (Schofer, Poèmes, Pièces, Prose, p. 5).
 
Explication de texte
 

 1.   Lire le poème à plusieurs reprises

    1. Cherchez les éléments principaux de chaque strophe (phrase)
    2. Dégager le mouvement principal; qu’est-ce qui se passe?
    3. Etudiez la forme: choix de vocabulaire, images employées, temps des verbes, pronoms, discours direct ou indirect, le ton du poème (du passage)

2.  Préparer un schéma et écrire l’explication

    1. Premier paragraphe
    1. Indiquer le titre du poème, le nom de l’auteur, la date, ou si c’est un passage en prose, situez le passage dans le texte entier;
    2. Décrire l’idée principale du poème (du passage). Il faut trouver un thème qui relie tous les éléments pour indiquer de quoi il s’agit dans ce poème (ce passage);
    3. Décrire brièvement les parties du poème (du passage) par rapport au thème central (vous établissez ici le schéma que vous suivrez dans l’analyse du texte).

               B.   Les paragraphes suivants

    1. Consacrer un paragraphe à chaque partie du poème (passage) indiquée dans la section #3 au-dessus et faites une analyse très détaillée, vers par vers et quelquefois mot par mot du poème (du passage) en discutant le choix de vocabulaire, les images, les verbes, les pronoms, etc.
    2. Expliquez en même temps le rapport entre les différentes parties du poème tout en pensant au thème central par lequel ces parties sont reliées (#1, 2, 3 se font à la fois).

              C.   Conclusion

Étude du texte poétique

Odelette à son laquais
J'ai l'esprit tout ennuyé

Lecture méthodique - Ronsard
Les livres des Odes imitent les Anciens, le poète grec Pindare et le Latin Horace; de ce dernier, Ronsard retient le sentiment épicurien de la fuite du temps et la nécessité de profiter de la vie, ainsi que l'amour de la nature.
J'ai l'esprit tout ennuyé
D'avoir trop étudié
Les Phénomènes d'Arate.
Il est temps que Je m'ébatte
Et que j'aille aux champs jouer.
Bons Dieux ! qui voudrait louer
Ceux qui, collés sur un livre,
N'ont jamais souci de vivre ?

Que nous sert l'étudier,
Sinon de nous ennuyer
Et soin dessus soin accroître,
À nous qui serons peut-être,
Ou ce matin ou ce soir,
Victime de l'Orque noir,
De l'Orque qui ne pardonne,
Tant il est fier, à personne ?

Corydon, marche devant
Sache où le bon vin se vend :
Fais rafraîchir la bouteille,
Cherche une feuilleuse treille
Et des fleurs pour me coucher.
Ne m'achète point de chair,
Car, tant soit-elle friande,
L'été je hais la viande ;

Achète des abricots,
Des pompons, des artichauts,
Des fraises et de la crème :
C'est en été ce que j'aime,
Quand, sur le bord d'un ruisseau,
Je les mange au bruit de l'eau,
Étendu sur le rivage
Ou dans un antre sauvage.

Ores que je suis dispos,
Je veux rire sans repos,
De peur que la maladie
Un de ces jours ne me die,
Me happant à l'impourvu :
« Meurs, galant : c'est trop vécu »

1. tourmenté
 
2. poète et astronome grec
 
 
 
 
 
 
Variante : Hé, que sert l'étudier,  

3
. souci ; 4. accumuler
 

5
. dieu des Enfers à Rome
 
6. cruel
 
7. c'est le nom d'un valet, chez Virgile
 Variante : Fais après à ma bouteille  
8. « vine arbor » ; Variante : Des feuilles de quelque treille   ; Variante : Un tapon pour le boucher ;
9. de viande
10. délicieuse
 


11. melons
 
 
 
 
 
12. caverne
 
13. pendant ; 14. en bonne santé
 
 

15. me dise
16. prenant par surprise
;
Variante : à l'imprévu

Pierre de Ronsard, Odes, II,18 1550

COURS
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1. Situer le texte

· GENRE : Ode = forme fixe inspirée de l’Antiquité (poète grec PINDARE, poète latin HORACE).
· AUTEUR : Ronsard (1524-1585), chef de file de la Pléiade, il participe avec Du Bellay à la rédaction de Défense et Illustration de la Langue Française. Poète de cour, humaniste. Les quatre premiers livres d’Odes de Ronsard reçoivent un accueil médiocre. Il composera ensuite des recueils de poèmes d’amour à la manière de PETRARQUE (Les Amours de Cassandre 1552) qui lui assureront le succès. Puis il rédigera plusieurs autres recueils de sonnets, en particulier les Sonnets pour Hélène (publiés en 1578).
· THEME : La fuite du temps, l’amour de la nature, « Carpe Diem »

2. Lire le texte

Ce sont des vers impairs de sept syllabes, et le rythme est celui d’une chanson. Il faut donc scander, sans le faire trop lourdement, chacun des pieds. Attention aux trois diérèses « é-tu-di-é » (v.2) « é-tu-di-er » (v.9) , « vi-an-de » (v.24) et aux e muets « Victime de l’Orque noir / de l’Orque qui… »(v.14 et 15) , « Ores que je suis dispos » (v.33)
N.B : le texte est long ; il est donc possible de n’en lire qu’une partie, par ex. les strophes 1, 2 puis 5.

3. Expliquer le texte

La structure du texte :
Ce plan suit aussi la progression des champs lexicaux.
Strophe 1 = Une introduction présentant le thème: J’ai déjà beaucoup, trop étudié.
Strophe 2 = La mort est peut-être proche.
Strophes 3 et 4 = J’aime les plaisirs simples : le vin, les fruits, les douceurs, l’eau, la nature tranquille en été.
Strophe 5 = Une conclusion : il me faut profiter de la vie pendant qu’il en est encore temps.
Ce texte présente donc une structure argumentative. On passe de la présentation d’une situation peu enviable, celle de l’éternel étudiant, à une description complaisante des plaisirs auxquels celui-ci aspire. Et la conclusion s’impose alors comme un choix simple.

Le vocabulaire :
Il faut remarquer les connotations de quelques mots étranges dans ce poème :
ARATE : poète et astronome grec. L’humaniste de la Renaissance s’instruit par l’étude de l’Antiquité, dans laquelle il trouve toute la source de la connaissance. (Mais le narrateur n’appartient peut-être pas à cette époque, et pourrait vivre, si l’on considère les autres indices du texte, pendant l’Antiquité grecque ou latine.)
ORQUE : dieu des Enfers romain. Le narrateur prend pour sien les dieux de ce monde antique qu’il considère comme un paradis perdu, celui de l’Âge d’or.
CORYDON : il va jusqu’à avoir un valet ayant un nom de valet du théâtre latin. Il se fait servir, il donne des ordres, il est précédé par celui-ci…
Ronsard ne se contente pas de faire « couleur locale » par le choix d’un vocabulaire tiré de sa connaissance de l’Antiquité. Il situe aussi son personnage hors du temps présent, dans un contexte idéal, celui de la douce vie d’un jeune galant.

Les champs lexicaux :
Dans les strophes 1, 2 et 5 on retrouve le champ lexical
- des études associées à l’ennui : « esprit tout ennuyé » (v.1), « trop étudié »(v.2), « collés sur un livre »(v.7), « l’étudier »(v.10) (N.B : le verbe est ici nominalisé de façon à en faire une notion générale :le fait d’étudier), « ennuyer »(v.10), « soin dessus soin » (v.11)
- de la maladie et de la mort : « Victime »(v.14), «l’Orque noir »(v.14), « la maladie »(v.35), « me happant » (v.37), « Meurs »(v.38).
- du temps qui passe, champ présent du début à la fin : « trop »(v.2), « il est temps que »(v.4), « jamais souci » (v.8) ,« peut-être / Ou ce matin ou ce soir »(v.12 et 13), « l’été »(v.24), « en été »(v.28), « Ores que » (=Pendant que)(v.33) , « sans repos » (= sans cesse, tout le temps)(v.34) , « un de ces jours »(v.36), « à l’impourvu »(v.37), « trop vécu »(v.38)
- de la nature et les plaisirs , abondamment représenté : « je m’ébatte »(v.4), « aux champs »(v.5), « jouer » (v.5), « le bon vin »(v.18), « rafraîchir la bouteille »(v.19), « fleurs »(v.21), « me coucher »(v.22), « friande » (v.23), « abricots »(v.25), « des fraises et de la crème »(v.26), « j’aime »(28), « ruisseau »(v.29), « je les mange »(v.30), « étendu »(v.31), « l’eau »(v.30), « rivage »(v.31), « antre sauvage »(v.31), « rire sans repos »(v.34).
N.B : On pourrait ici séparer les verbes des noms.

On remarque la passivité du jouisseur étendu dans la nature, presque contemplatif, qui regarde et écoute couler l’eau, et rit béatement… Ce paysage idyllique, pendant la belle saison, montre le goût de Ronsard pour la campagne, ainsi que l’influence de la littérature antique sur sa poésie. D’autre part, il manque peut-être une présence féminine dans le poème : la sensualité est ici limitée aux plaisirs de la table, ce qui permet de ne pas provoquer chez le lecteur ou l’auditeur de réserve morale : le jouisseur ici n’est pas un débauché, mais un homme sain, proche de la nature, qui préfère les fruits à la viande... (note du rédacteur : cette dernière remarque est très… subjective !)

Les modes et les temps des verbes :
On passe de l’indicatif des deux premières strophes (constat d’un besoin) à l’impératif des strophes 3 et 4 (action, vivacité, mouvement) et on revient aux généralités en fin de poème avec un subjonctif en subordonnée circonstancielle de crainte, décrivant une fin redoutée « De peur que la maladie […] ne me die »(=ne me dise).
Le futur d’hypothèse (=conditionnel) « qui voudrait louer ceux…» et le futur simple « nous qui serons peut-être… » présentent des hypothèses plus ou moins probables

Quelques figures de style :
Antithèse : « Ou ce matin ou ce soir », marque la proximité de la fin, l’urgence.
Allégorie : « l’Orque noir ». La mort est un maître cruel et exigeant, qui n’attend pas le bon vouloir de sa victime.
Accumulation : Tout le passage « des abricots […] et de la crème » montre que le plaisir se vit dans le luxe, l’abondance, et non dans la restriction ou la tempérance. Le XVIe siècle est encore une période où les famines sont courantes et meurtrières. Le héros de ce texte n’a pas ces problèmes.
Allégorie : « la maladie […] ne me die ». Comme la mort, la maladie s’adresse de façon soudaine (« me happant à l’impourvu ») à sa victime et la condamne.

4. Conclure l’étude

- L’auteur évoque un thème traditionnel, celui de l’étude savante opposée à l’art de vivre. En épicurien, il nous guide vers le choix de la facilité, de la douceur, du laisser aller, en justifiant avec légèreté ce choix : l’importance de la connaissance n’est jamais évoquée, mais les agréments de la vie facile sont complaisamment décrits.
- La description de ces activités estivales est imagée, précise, et nous entraîne dans la rêverie du narrateur. Il est d’ailleurs difficile de faire la part de ce que Ronsard a vécu, de ses goûts personnels, et de ce qui n’est que le fruit de sa culture et de sa connaissance livresque (= prise dans les livres) de l’Antiquité.
- Mais une inquiétude subsiste en arrière-plan : s’il faut se hâter de profiter de la vie, c’est que la mort est proche, et qu’il serait dommage de ne pas avoir « vécu » avant de mourir. Il y a donc derrière l’apparente légèreté du propos une leçon à retenir.


A voir et à savoir :
- La définition de l’ode, genre poétique, et ses origines
- La traduction et l’explication de l’expression « Carpe Diem »
- La définition de l’épicurisme
- La définition de l’humanisme

                Pierre de Ronsard, Les Odes

 

Source : /pagesperso-orange.fr/jmpetit/cours/poe16.htm

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