Portrait
L'«Homo humus » de l'Aveyron
LE MONDE 2 | 10.07.09 | 16h48 • Mis à jour le 10.07.09 | 19h51
Marcel Mézy a mis au point un compost pour une agriculture "durable et économe".
L'humus représente « la matière organique du sol provenant de la décomposition partielle des matières animales et végétales ». Le Robert dit vrai mais il ne dit pas tout. L'humus, c'est aussi la clé de la fertilité des sols, la base nourricière de la terre nécessaire à l'alimentation des plantes. Sans lui point de culture, des sols nourris artificiellement et finalement sans vie. En France, selon l'Inra, 7 millions d'hectares – environ un tiers des sols cultivés – ont une teneur insuffisante en humus. A l'échelle mondiale la situation est pire encore puisqu'on estime que 50 % à 60 % des sols sont plus ou moins dégradés. Et «.lorsque l'humus s'en va, l'homme s'en va ».
POUR LES PARTICULIERS AUSSI
Bactériolit et Bactériosol étaient jusqu'à présent réservés aux agriculteurs. Avec Bactériosol jardin (12,50 $ le sac de 3 kg) cet amendement organique sera disponible pour les particuliers à partir du mois de septembre. Marcel Mézy, Société Sobac, ZA Lioujas, 12740 Lioujas.
Rens. : 05-65-46-63-30
contact@sobac.fr
www.bacteriosol-sobac.com |
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Celui qui me livre cette forte maxime, quelque part sur le causse du Nord Aveyron, a deux passions : les pur-sang arabes et l'humus. Les premiers gambadent sur des dizaines d'hectares et il les connaît tous par leur prénom. Plus de 200, dont cette bande de 19 juments, accompagnées de leurs 19 poulains, paissant tendrement dans l'herbe luisante d'après l'averse et gravée à jamais dans ma mémoire pastorale.
L'humus, c'est l'autre histoire de Marcel Mézy, 67 ans, un homme qui plonge à pleines mains dans un tas et vous en met une poignée sous le nez en disant : « Regardez comme ça sent bon ! » Soumis à un contrôle sanguin inopiné, il serait à coup sûr déclaré positif au compost. Voilà trente ans que celui-ci coule dans ses veines.
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Ils étaient huit garçons, nés sur la ferme familiale. Trop de bouches, pas assez d'hectares. Marcel, qui dans son adolescence s'était caché pour échapper au séminaire, part vivre sa vie. Marchand de boissons, d'engrais, de matériel agricole, il sera l'un des premiers à s'essayer au commerce des produits bio dans les années 1970. Autodidacte complet, il se passionne pour l'agriculture biologique et comprend vite que le compost agit "comme un catalyseur de la vie du sol, capable de lui rendre sa capacité naturelle à retenir les éléments fertilisants". Et Marcel se mit au compost, choisissant avec soin les denrées et leurs sites de fermentation, à l'abri des regards.
Il multiplie les expériences sans obtenir de résultats probants. Jusqu'à ce jour de 1982 où, faute de place, " j'ai poussé mes tas de compost les uns sur les autres et je me suis rendu compte qu'en mélangeant des plantes originaires des bois ou des prairies, par exemple, on arrivait à des résultats complètement différents ". A tel point qu'il renverra deux fois les échantillons au laboratoire, pensant à une erreur d'analyse.
Empiriquement, intuitivement Marcel Mézy a découvert un accélérateur d'humus extraordinaire avec ce cocktail de compost dont la formule reste un secret absolu, connu seulement de trois personnes. La visite de plusieurs sites de compostage se fera d'ailleurs dans la plus grande discrétion. Ici des orties, là des feuilles de chêne, ailleurs des lichens cueillis par ses ramasseurs, une douzaine de composts différents vivent leur vie, cachés dans la campagne aveyronnaise. Agglomérés à d'autres matières organiques (cabosse de cacao, mélasse), ils deviendront Bactériolit pour le fumier et Bactériosol pour la terre, un «.intrant » en granulés qui « agit naturellement sur la fertilité du sol, améliore sa qualité et permet une récolte abondante ». Bref l'engrais magique, certifié de surcroît par Ecocert pour l'agriculture biologique.
Inévitablement le doute saisit l'enquêteur, renforcé par l'atmosphère de secret qui entoure l'invention de cet Homo humus. Sa société (Sobac) emploie une cinquantaine de salariés et a fabriqué en 2008 30 000 tonnes de Bactériolit et de Bactériosol dans son usine de Bourré (Loir-et-Cher). Il revendique 8 000 clients en France et à l'étranger (Suisse, Maroc, Canada) et plus de 200 000 ha sont traités avec ces produits. « Un agriculteur sur six les utilise dans l'Aveyron bien qu'une pseudo-étude de la chambre d'agriculture les ait qualifiés de poudre de perlimpinpin », affirme Marcel.
Nous avions rendez-vous avec quelques-uns dans un des derniers burons préservés dans l'Aubrac. Nourritures solides et franches paroles. André et Odile Franques et leur fille Nathalie élèvent 400 brebis à Sébazac-Concourès (Aveyron). Ils font partie des pionniers, faisant confiance à Marcel Mézy dès 1982. « En 1986, nous avons fait le grand saut. Nous avons arrêté tous les engrais chimiques et sommes passés en bio. Les marchands de produits phytosanitaires nous disaient : « Vous êtes foutus. » Nous avons pourtant vu très vite la différence en comparant avec nos voisins. Nos terres, qui étaient pauvres, se sont remises à vivre. »
Et André se souvient d'un jour où les brebis, ayant le choix entre une prairie traditionnelle et une traitée au Bactériosol, se sont toutes regroupées dans cette dernière car « les animaux ne se trompent jamais ». Aujourd'hui, leur Gaec fournit en saison 600 litres de lait bio par jour, les bêtes sont rarement malades et jamais ils ne reviendront aux engrais chimiques après vingt ans d'expérience.
Les frères Paul et Mathieu Causse ont un troupeau de 140 vaches allaitantes de race Aubrac dans leur ferme de Bozouls (Aveyron).
Marchant sur les traces de leur père décédé qui avait le premier suivi Marcel Mézy, ils sont passés en bio et tiennent à démentir le schéma traditionnel selon lequel « passer en bio signifie baisse de la production ». « A condition de bien choisir la race et son alimentation, nous obtenons de très bons résultats en croissance comme en reproduction. » Parfois meilleurs qu'en élevage traditionnel et à moindre coût en produits.
Ces expériences sur le terrain, Marcel Mazoyer, professeur à l'Inra Paris-Grignon et expert en économie rurale, les a étudiées dans le Limousin et en Bretagne. A chaque fois, ses conclusions sont identiques : Bactériolit et Bactériosol améliorent la fertilité des sols, la quantité et la qualité des productions tout en réduisant les charges et en préservant l'environnement. « Cette technologie est donc un bon outil de développement d'une agriculture durable, économe et autonome. » Qu'attend-on pour l'utiliser massivement ? Homo humus en rêve.
JP Géné
Article paru dans l'édition du 11.07.09.
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