(Le garçon attend une fleur à la main. Après quelques instants, la fille entre, s'arrête, le voit et s'avance vers lui, un peu hésitante. Lui, fait comme s'il ne l'avait pas vue. Ce n'est pas elle qu'il attend).
Elle : C'est vous ?
Lui (surpris et gêné qu'elle lui parle) : Pardon ?
Elle (insistante) : C'est vous ?
Lui (après avoir regardé autour de lui) : euh...
Elle (avec un peu de brusquerie) : C'est vous qui avez rendez-vous avec Julie ?
Lui (étonné) : Oui, c'est moi. (Hésitant) Vous... vous connaissez Julie ?
Elle : Je suis une de ses amies. On est dans la même boîte. On travaille ensemble.
Lui : Ah bon. C'est bien. (Après un temps) Et où elle est, Julie ?
Elle : Justement ! Elle ne pourra pas venir.
Lui : Ah bon !
Elle : Trop de travail ! Vous savez ce que c'est.
Lui (déçu) : Oui... Oui... Bien sûr.
Elle : Alors, elle m'a demandé de venir vous prévenir. Voilà, je vous ai prévenu. (Après un temps, et avec moins de brusquerie) Bon, ben au revoir.
Lui : Au revoir.
Elle (après un petit temps, hésitant à partir) : Vous êtes déçu ?
Lui : Oui, un peu, c'était notre premier rendez-vous !
Elle : Je sais.
Lui : Ah bon !
Elle ( avec vivacité) : Elle me raconte tout, Julie ! Chaque fois qu'elle sort avec un garçon, c'est à moi qu'elle le dit en premier.
Lui : Ah. Et ça lui arrive souvent ?
Elle : Quoi ?
Lui : De sortir avec des garçons.
Elle (sans réfléchir) : Oh oui ! (se reprenant) Enfin, non ! Elle n'a pas vraiment le temps. A cause de son travail, comme je vous le disais tout à l'heure.
Lui ( décontenancé) : Ah oui. Son travail.
Elle : Bon ben... Re-au revoir.
Lui : Au revoir. Elle ne vous a rien dit pour un autre rendez-vous ?
Elle : Non, je pense qu'elle vous téléphonera. Elle aime bien téléphoner, Julie.
Lui : Elle n'a pas mon numéro.
Elle : Si vous voulez, je peux le lui transmettre.
Lui (plein d'espoir) : Vraiment ?
Elle (prosaïque) : Ben oui. J'ai bien fait le facteur dans un sens, je peux aussi bien le faire dans l'autre.
Lui (prenant une carte de visite dans sa poche et la lui donnant) : Tenez. C'est ma carte professionnelle, mais il y a mon numéro personnel, là (il lui montre sur la carte avec la main où il tient la fleur).
Elle : Super ! Je la lui donnerai demain matin en arrivant au travail.
Lui : Merci. C'est très gentil.
(Un temps. Elle ne part décidément pas).
Elle : C'était pour elle, la fleur ?
Lui (déçu) : Oui. ( Vivement) Vous pourriez la lui donner avec ma carte demain matin en arrivant au travail.
Elle (n'ayant pas l'air vraiment d'accord) : C'est-à-dire que...
Lui : Vous ne voulez pas ?
Elle (déçue) : Si, mais...
Lui : Elle n'est pas lourde, vous voyez ! (il la soupèse).
Elle : Oui, je vois, mais Julie, elle n'aime pas les fleurs.
Lui : Ah bon !? C'est bizarre, ça.
Elle : Oui, mais c'est comme ça. Je l'aime bien, Julie, c'est ma copine, mais elle est un peu bizarre quand même.
Lui (ayant une idée subite) : Et vous ?
Elle : Quoi ?
Lui : Vous aimez les fleurs ?
Elle (enthousiaste) : J'adore ça !
Lui : Tenez ! Prenez-la ! (il lui tend la fleur de bon coeur).
Elle (dépitée) : Encore !
Lui (ne comprenant pas sa réaction) : Je vous demande pardon.
Elle : Les fleurs pour Julie, c'est toujours moi qui finis par les récupérer, j'en ai marre à la fin !
Lui : Je ne comprends pas.
Elle (presque fâchée) : Si on me donne des fleurs, je voudrais qu'on les achète en pensant à moi, pas à une autre ! Que ce soit pour moi, directement !
Lui : Mais je suis sûr que ça vous arrive très souvent de recevoir des fleurs... directes.
Elle (avec brusquerie) : Non, jamais !
Lui (après un petit temps) : Je ne peux pas le croire.
Elle : Si ! C'est comme ça ! Je n'y peux rien !
(Il jette soudain la fleur par terre).
Elle (surprise) : Qu'est-ce que vous faites ?
Lui : Je jette la fleur de Julie !
(Elle le regarde un instant, regarde sa carte de visite, la déchire brusquement et la jette par terre).
Lui : Vous ne voulez plus lui donner ma carte ?
Elle : Non. J'en voudrais une pour moi, directement !
Lui : Je n'en ai plus. C'était la dernière.
Elle : Alors, je ne pourrai pas vous téléphoner.
Lui : C'est pas grave, puisque vous êtes là. On peut continuer à parler... directement.
Elle : C'est une bonne idée !
Lui (lui prenant le bras et commençant à marcher pour sortir) : Ça vous arrive, vous, de travailler le soir ?
Elle : Non, jamais !
Lui : Vous avez bien raison !
(Ils sortent. Noir).
auteur : Patrick de Bouter
dans :
Théâtre et FLE |